Battlefields, tome 4 : Happy Valley

Ken Harding est un jeune bleu australien affecté en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale. Il est pilote de bombardier, il n'a encore effectué aucune mission et il se retrouve de fait responsable d'une équipe de 5 personnes à bord d'un bombardier. Les 5 autres sont tout proches de la quille (plus que 3 missions) et ils ne sont pas enchantés à l'idée de devoir confier leur sort à un pilote inexpérimenté. Cet équipage (avec les autres de la base) effectue des missions de pilonnage sur les installations industrielles de la vallée de la Ruhr qui a été affublée du sobriquet de Happy Valley. Ils volent à bord d'un bombardier de modèle Vickers Wellington, surnommé Wimpy. Au fil des missions et des jours qui passent, Ken Hardling s'impose comme un pilote compétent, il découvre ses coéquipiers, il fait face au feu de l'ennemi et il écrit à son père resté en Australie. Il sait qu'il ne pourra pas envoyer ses lettres car elles contiennent trop d'éléments secrets, mais il lui remettra quand la guerre sera finie.

Les histoires de la série Battlefields se suivent et ne se ressemblent pas. Pour celle-ci, Garth Ennis décrit quelques jours au sein d'une base militaire où la hiérarchie et les équipages sont compétents. Il n'y a pas de comportements déviants relevant de la psychiatrie. Il y a un respect mutuel entre les individus, une reconnaissance du savoir-faire des uns et des autres, une franche camaraderie entre hommes (on est bien dans un comics de Garth Ennis). le bleu ne se limite pas à jouer le benêt de service et les anciens ont des attitudes plus complexes que de simplement trouver comment bizuter le petit nouveau. La hiérarchie sait se servir de ses neurones, sans être percluse de cynisme ou de nihilisme. Ces gens font leur boulot pour le mieux, en bonne intelligence. Ils ont tous une personnalité différente et leur propre histoire. 2 personnages ressortent plus que les autres : Ken Harding et une grande gueule surnommé Masher. L'empathie fonctionne à plein envers ces 2 individus et le lecteur se sent presque accueilli au sein de cet équipage fraternel sans être niais.

Comme pour les autres récits, Garth Ennis s'attache à un morceau précis de la seconde guerre mondiale. Ce qui l'intéresse ici, c'est ces soldats en provenance de l'autre coté du monde et un modèle d'avion qui a marqué l'histoire. le Vickers Wellington doit sa célébrité à sa structure de poutres rainurées en alliage d'aluminium sur lesquelles étaient fixées des baguettes en bois qui servait de support à un habillage en toile recouverte d'enduis. Les extraits du journal tenu par Harding permettent au lecteur de se familiariser avec les défenses anti-aériennes (les projecteurs pour repérer les avions, les explosions aériennes, etc.). Les missions de l'équipage permettent de voler avec l'équipage, d'apprécier les techniques d'esquives, la précision (ou le manque de précision) des lâchers de bombes sur l'objectif, les techniques des avions poursuivants ennemis, les risques pour l'équipage et les dégâts subis par le bombardier.

La maîtrise du sujet par Ennis lui permet d'embarquer son lecteur au sein de l'équipage et de l'impliquer dans chaque mission. La mise en images est assurée par Paul Jason Holden, un dessinateur d'Irlande du Nord ayant essentiellement travaillé pour 2000AD, le magazine de Judge Dredd. le premier épisode est remarquable, il s'ouvre sur le bombardier en plein vol au dessus de l'objectif, suivi de 2 cases dédiées au pilote, avec ensuite une double page du bombardier vu du dessus, avec l'objectif en flammes en dessous. Holden réussit à capturer la forme exact du bombardier, la destruction massive en dessous, tout ça dans une séquence de nuit. Il donne un visage spécifique à chacun des personnages, ce qui les rend facilement reconnaissables. Il a dû effectuer un énorme travail de recherche de références parce que chaque scène présente une exactitude rigoureuse pour les uniformes et les avions. Dans les deuxième et troisième épisodes, il adopte un encrage un peu plus lâche pour les visages ce qui les tire vers une représentation caricaturale qui se ne marie pas toujours harmonieusement avec le récit. Par contre, il a une capacité impressionnante à rendre intelligible les affrontements entre avions dans le ciel. Il effectue donc un travail remarquable, sauf pour une partie des visages.

Avec cette histoire, Garth Ennis propose une nouvelle bataille, un nouveau champ de batailles, des soldats crédibles et une histoire intelligente et humaine.

BATTLEFIELDS de Garth Ennis - Il s'agit de 6 récits indépendants : (1) The Night Witches, (2) Dear Billy, (3) The Tankies, (4) Happy Valley, (5) The Firefly and His Majesty et (6) Motherland.

Les histories (1), (2) et (3) ont été regroupées dans Battlefields volume 1 et les histoires (4), (5) et (6) ont regroupées dans Battlefields volume 2.