Chroniques du Monde-Hors, tome 2 : La cité mythique

Il porta toute son attention sur l’esprit lumineux de son maître et tenta de lui imprimer un ordre simple. Il sentit aussitôt la parade du vieillard qui, manifestement, s’attendait à cette attaque. Il eut la sensation que le cerveau surentraîné de Panfilo devenait dur comme le marbre, la résistance était totale et sans faille. Le prêtre, non seulement se libéra de son emprise, mais lui renvoya une riposte violente, il le paralysa dans une étreinte psychique quasi immuable. Akilàm eut cependant le temps d’éviter de succomber en se retirant de lui-même avec célérité. Il amassa toutes ses forces en un point minuscule, si ténu qu’il en devint invisible. Il put observer le maître s’acharner sur la partie de lui qu’il voulait bien rendre visible, la lui offrant sur un plateau. Quand Panfilo constata son erreur, il arrêta de se concentrer sur le corps abandonné, telle une coque de fruit vide. Cependant, Akilàm avait eu tout le loisir d’emprunter des moyens détournés pour contourner la force mentale qui le cherchait et la prendre en tenaille dans un mouvement de l’esprit totalement maîtrisé.

— Mon monde n’est pas comparable à cette soupe salée, s’écria-t-il, entre deux hoquets moqueurs, dans l’océan, il est possible de nager et de vivre. Des milliers d’espèces s’y reproduisent, animales, végétales. Tout un écosystème riche et fragile à la fois…
— Et menacé par ce que tu appelles la pollution, n’est-ce pas ? interrompit Akilàm, avide d’apprendre. — Oui, les mégacités terrestres ne se préoccupent pas le moins du monde du reste de la planète. Seule leur importe la résistance de leur dôme, qui leur garantit la meilleure protection contre les radiations du soleil, les gaz toxiques ou la radioactivité. Pour le reste, les mégacitoyens se moquent de rejeter dans l’air et dans l’océan, toutes sortes de déchets qui continuent de détruire ce qui les entoure. Comme si la G-To n’avait pas fait assez de dégâts, il y a trois mille ans de cela.

C’est alors qu’un feulement se fit entendre sur le versant opposé de la petite plaine. Les cris des Nmàds se transformèrent en hurlements d’horreur devant l’arrivée inopinée d’un prédateur supplémentaire. Un grand liopàr roux galopait à la poursuite des humains, coupant la route aux scorps. Akilàm sentit, plutôt qu’il ne vit, Ha’sad bondir à son côté. Il empoigna la crinière d’une main, tenant toujours fermement Na’ji, arc-bouté sous la douleur et la frayeur. Ils se sentirent soulevés du sol par la foulée puissante du félin. Les scorps soudain distancés, n’abandonnèrent pas la course, ils filaient et cliquetaient derrière l’étrange trio. Ha’sad atteignit le campement en quelques bonds. Les sentinelles n’hésitèrent qu’une fraction de seconde avant de faire pénétrer un liopàr sauvage dans la zone protégée.

Ethàn se tourna vers eux en grommelant.
— Arrêtez un peu de faire ça.
— De quoi parles-tu ?
— Vous discutez dans mon dos.
— Tu… tu veux dire que tu peux nous entendre ?
— Non, pas du tout, mais vous remuez, vous hochez la tête, vous ricanez bêtement, ça m’énerve.
— Biau danzel fort jaloux !
— Vous m’empêchez de dormir, c’est tout ! Ethàn se dressa sur un coude et les dévisagea l’un et l’autre. — De quoi parliez-vous ?
— Je demandais à Nia’mu d’explorer les souvenirs de Si’mil afin de l’aider à recouvrer la mémoire, mais il n’y arrive pas plus que moi.