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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comme l'écrit si justement Vanessa Caffin éditrice de Livres Agités, maison d'édition indépendante dédiée aux primo-romancières et qui publie Mon Petit de Nadège Erika, ce livre est « un cri, celui des invisibles ».
Nous entrons dans ce premier roman, directement dans Belleville sur les pas de la narratrice, une femme de quarante-cinq ans.
Elle vient de démissionner de la fonction publique. Si elle a plaqué la structure qui accueillait des mères adolescentes, des ados et des postados en danger ou en difficulté après avoir bossé dans un foyer d'accueil d'urgence pour enfants, c'est que « dans ce secteur, il se passe des choses que je ne veux plus voir ni savoir. »
Elle est donc revenue à Belleville sur les traces de son enfance et de sa jeune vie d'adulte pour écrire. Écrire pour mettre des mots sur ce qu'elle a vécu, « pour emballer ses tourments », une sorte de rempart à la douleur et à l'injustice.
Le récit de sa vie est en effet loin d'être anodin et elle vivra un drame sans nom, un drame qui n'a pas de fin.
Même si ce Belleville qu'elle retrouve a été gentrifié comme l'avait prédit sa grand-mère, s'il est tout autre, il est pour elle toujours comme avant.
Elle se retrouve bientôt dans la rue Piat devant l'appartement de sa grand-mère. Plantée devant le paillasson, Naëlle ferme les yeux, et entre comme dans un rêve, revient dans les années 90 et revoit…
C'est donc dans cette cité HLM, rue Piat, chez Grand-Maman, que Naëlle, son frère aîné et ses deux petites soeurs vivaient durant la semaine. le week-end, ils allaient chez leur mère Porte de Montreuil.
C'est ainsi que Naëlle a navigué toute son enfance entre l'escalier E (rue Piat) et l'escalier 12 (Porte de Montreuil). Deux univers complètement différents, deux modes de vie diamétralement opposés, la rigidité du cadre chez la grand-mère la semaine, et la bohème chez Jeanne, la mère, le week-end, Jeanne et ses quatre mômes de quatre couleurs et quatre pères différents. « c'était ça ou la DDASS ».
Naëlle n'était jamais là où elle voulait, sa mère lui manquait tout le temps en semaine et elle ne pensait qu'à sa grand-mère le week-end…
Elle grandit et aux questions qu'elle pose, pas ou peu de réponses. Elle rencontre des hommes jamais comme il faut, puis tombe amoureuse de Gustave, le plus beau gars du quartier, de Belleville aussi, mais pas du même Belleville… Elle devient mère à dix-neuf ans.
La vie continue avec ses éclats de rire et ses silences mais le drame guette et sera d'une terrible férocité.
Le titre Mon Petit fait référence à cette enfant, Naëlle, propulsée dans la vie adulte bien trop tôt et qui adorait que sa grand-mère l'appelle ainsi parfois. le « mon » voulait dire qu'elle était vraiment à elle et le « petit » qu'elle avait le droit de ne pas toujours être une grande soeur, une personne raisonnable devant montrer le bon exemple.
Avec ce premier roman, Nadège Erika nous offre un récit absolument bouleversant, poignant et tragique.
L'auteure nous conduit depuis l'innocence de l'enfance, jusque dans les pas effrénés d'une jeune fille décidée à vivre plus tôt que les autres, avec un appétit de vivre délirant, paralysé brutalement. Seule la force qu'elle a pu trouver en elle lui a permis de s'arranger avec la réalité, mais quelle force !
J'ai été captivée par ce roman, par l'écriture alerte, rythmée et imagée de Nadège Erika.
Il est une ode magnifique à ce quartier de Belleville et la description faite avec humour des Gentrificateurs et de la boboïsation du quartier très réaliste et savoureuse.
Ardéchoise et ne connaissant pas ce territoire, je n'ai sans doute pas saisi toutes les subtilités de cette vie parisienne et me suis parfois perdue dans certaines rues…
Mais j'ai avant tout été touchée et bouleversée par la douleur éprouvée par cette jeune maman, victime par ailleurs de violences conjugales, l'impossibilité et l'interdiction d'évoquer la mort de son bébé ayant encore aggravé cette douleur extrême.
J'ai été indignée et révulsée par l'attitude ignominieuse de ce médecin appelé en urgence, un comportement injustifiable.
Les séquelles psychologiques sont toujours là vingt-six ans plus tard, et elle éprouve encore régulièrement une forme de culpabilité et de la honte à ne pas avoir réussi à mener sa grossesse jusqu'à son terme. Terriblement poignant.
Plus que tout, j'ai admiré cette force, cette vitalité, cette énergie dont a fait preuve cette femme pour faire face à tous les évènements auxquels elle a été confrontée. Malgré toutes ces épreuves, elle est restée debout !
Dans ce roman, en partie autobiographique, Nadège Erika démontre les pouvoirs de l'écriture.
Avec des mots, elle crie la douleur de ses maux, elle écrit ses joies, ses peines, ses incompréhensions, ses peurs, sa douleur, sa colère. L'écriture, comme une sorte de thérapie, un moyen d'aller de l'avant et de refuser le statu quo.
Ce roman est également un moyen de s'intéresser à tous ces gens dont les histoires ressemblent peu ou prou à celle-ci. Dans son quotidien d'éducatrice spécialisée dans le médico-social, Nadège Erika en a croisé beaucoup...
Mon Petit de Nadège Erika, un roman contemporain, percutant, sombre mais enjoué, a été pour moi un véritable coup de coeur que je vous incite vivement à découvrir.
Tout comme pour Biche de Mona Messine aux mêmes éditions, une magnifique couverture augure déjà d'un contenu passionnant.
Un grand merci aux éditions Livres Agités pour leur confiance.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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❤ Coup de coeur ! ❤
C'est un premier roman, autobiographique. Magnifiquement écrit.
C'est une histoire de (sur)vie fracturée géographiquement, sentimentalement, éducativement, socialement mais pleine de tendresse par les souvenirs de la narratrice, le drame subit et la description de ce quartier populaire gentrifié de Belleville.
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Un livre que je n'avais pas envie d'ouvrir. Cette couverture colorée ne me disait rien, mais il était dans la sélection des 68 premières fois. J'allais donc devoir le lire, forcément.

Une fois la première page lue, impossible de m'arrêter.
Prise à la gorge, au coeur, à l'émotion, en lisant ces lignes, en tournant les pages.

Nana a poussé entre Belleville et la porte de Montreuil. Entre la vie de bohème et sans le sous chez Jeanne, sa mère, et celle plus rigoureuse et joyeuse malgré tout chez sa grand mère. Avec sa fratrie, quatre enfants, une mère, mais aucun père connu, même si chacun a eu un géniteur différent.

Nana grandit et devient cette belle jeune femme attirée par Gustave, le beau blond, le beau gars que toutes aimeraient bien séduire. C'est elle qui remporte le gros lot, mais la fête n'aura qu'un temps.

Et à dix-neuf ans, l'école est finie et la voilà enceinte puis maman. Des jumeaux prématurés, un père totalement absent. Un drame et toute une vie chamboulée, un avenir éteint, l'espoir et la joie qui s'effacent.

Un premier roman magnifique qui dit l'enfance, les joies et les peines, la façon quasi irréelle qu'ont les enfants de s'adapter à tout ou presque
La difficulté qu'il y a d'être femme. A vivre parfois sans amour, sans soutien, ou si peu. À grandir et évoluer malgré tout, malgré les douleurs les épreuves le deuil impossible et l'absence du tout petit.

Je n'ai pas réussi à lâcher ce roman, émotion et surprise, tendresse et révolte, tant de sentiments diffus et intenses m'ont touchée au fur et à mesure de ma lecture.
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Naelle est une enfant du bitume et des pavés, une enfant de Belleville. Pas de Paris non, mais de ce quartier de l'est parisien où elle grandit dans les années 90. Deuxième de quatre enfants, d'une fratrie métissée, de peau et de père. Bien avant que ce ne soit la norme, elle vit en garde alternée : la semaine chez grand-ma, rue Piat, le week-end chez Jeanne, sa mère bohème, Porte de Montreuil. Deux modes de vie aux antipodes entre lesquels elle développera un caractère affirmé et une détermination farouche. Chez l'une c'est col Claudine, devoirs et repas à heure fixe, respect et politesse. Chez l'autre, c'est survêt et baskets, repas Banania et biscottes à la lueur des bougies à chaque coupure de courant pour facture impayée. Une vie simple et heureuse cependant, en dépit de la pauvreté et de l'absence criante de pères et encore moins d'explication. Parce que la religion première de cette famille c'est le silence. Pour tout. Tout le temps. Taire les difficultés, taire les traumatismes, taire les souffrances pour ne pas les affronter ou pour ne pas s'effondrer. Mais à l'adolescence Naelle s'enflamme, elle veut s'émanciper, elle veut voler de ses propres ailes et quand à 19 elle affronte l'indicible, elle étouffe sous ce silence assourdissant. Ce livre, c'est le cri qu'elle aurait aimé pousser alors. C'est le hurlement salvateur pour se libérer d'années de souffrance enfouies, c'est les mots qui la délivrent d'un passé qui l'emmure dans une forteresse de douleur.
.
Attention pépite! Ce livre est superbe et il est bouleversant. C'est la peinture tendre et un brin impertinente d'une famille modeste dans le Belleville des années 90, avant que ce quartier ne soit « boboïsé » ou gentrifié, comme il est de bon ton de le dire. Un quartier métissé et multiculturel, un village dans la ville, qui pour toujours restera pour l'auteur « sa maison ». C'est une tendre déclaration d'amour à sa grand mère qui elle seule l'appelait « mon petit ». « Mon » qui voulait dire qu'elle était à elle. « Petit » car avec elle, elle avait le droit de ne pas être seulement une grande soeur. Une grand mère qui servait de tuteur à cette fratrie, dans tous les sens du terme, pour qu'ils poussent droit, contre vents et marée.
Mais ce livre c'est surtout une seconde partie bouleversante. Je n'en dévoilerai rien, sinon qu'elle est plus sombre, plus grave. Elle devient cri de colère, cri de rage face à une société à deux vitesses qui fait comprendre aux plus pauvres qu'ils n'ont pas les mêmes chances, qui les fait se sentir indigents même dans les moments les plus difficiles. Elle est poignante mais surtout révoltante, car encore aujourd'hui je crains de penser que la situation reste inchangée pour les plus fragiles d'entre nous.
Mais ne pensez pas que ce livre soit triste. Il est vif, enlevé, rythmé, débordant d'émotions et pourtant résolument lumineux. On l'imagine largement autobiographique, et je le referme rempli d'admiration pour cette jeune auteur au talent éblouissant. Lisez-le sans tarder. Je suis sure que vous ne le regretterez pas
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A quarante cinq ans l'auteure choisit d'écrire parce dit-elle, les mots libèrent et qu'elle ressent un besoin irrépressible de le faire, Elle nous livre ces pages comme un long travelling arrière pour nous faire partager ce qui l'a constituée au fil des années. Son phrasé comme la construction du récit, s'apparentent à un élan vital, sensible et sincère, qui donnent au livre une très grande force.
Elle raconte une vie difficile sans porter de jugement sur la réalité sociale qui a déterminé son parcours. Elle réussit pourtant à décrire le milieu familial dans lequel elle a grandi, sans rien cacher de ses aspects précaires, en l'inscrivant toujours en opposition à ce qu'elle a pu côtoyer de confort et de facilité sans y avoir accédé. Il n'y a dans son récit ni rancoeur ni amertume, elle n'écrit pas pour « venger sa race ». Elle se libère dans les mots pour dire au contraire comment elle a pu se perdre, comment le non-dit y a contribué, malgré tout l'amour dont elle a été entourée, entre une mère qui a délégué le cadrage maternel à une grand mère, devenue ainsi une grand maman, au sens propre et au sens figuré. Cette dualité familiale est évoquée dans les situations racontées mais aussi dans la géographie du nord-est de Paris, entre Belleville et la porte de Montreuil, en passant par Ménilmontant, quartier qui a perdu sa gouaille passée en s'enfonçant dans un embourgeoisement branché. Pourtant, l'auteure réussit à nous faire partager toute la tendresse de l'enfance à travers les gestes, les situations, mais aussi les rues, racontées comme un théâtre rassurant, une sorte de campagne dans la ville, où elle a vécu heureuse, balancée entre ses deux maisons et les bras de ses deux mamans.
Au-delà du drame dans lequel bascule sa jeune vie, elle réussit à dégager de ses années d'enfance un récit lumineux dans lequel l'amour tient une place essentielle. Elle montre aussi qu'il a pu lui manquer autre chose, elle en paye le prix fort à l'adolescence, sur ces fragilités, sa vie d'adulte se met doucement en place.
J'ai beaucoup apprécié ce récit, pour la lucidité des propos, la sensibilité à fleur de peau, la précision de la construction qui s'attache au cheminement du temps passé. le style vif et rapide emporte le propos et l'auteure réussit à nous mener exactement là d'où elle écrit.
Un livre réussi, qui inscrit le témoignage personnel dans une dimension littéraire. Je remercie Babelio et les Livres Agités de m'avoir permis de le découvrir.
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Voilà un livre que je n'ai pas remarqué lors de la rentrée littéraire. Est ce moi qui ai été distraite ? ou est ce la presse qui n'a pas orienté ses projecteurs sur lui ? Je ne sais mais ce que je sais, c'est que voilà une pépite à ne pas laisser passer.

Je l'ai emprunté un peu par hasard. Je cherchais un livre à télécharger sur ma liseuse en attendant de me rendre à la médiathèque. C'est pratique, comme cela je rapporte la totalité de mes emprunts sans risquer de rester une journée sans livre à lire. Je cherchais donc cette fois un petit livre.
Celui ci m'a paru intéressant, la note babelio m'a confortée dans mon choix mais je ne savais pas trop à quoi m'attendre.

Ou plutôt, j'avais une idée du contexte, du milieu dans lequel les personnages évoluaient et des difficultés rencontrées. Je dois dire que l'autrice décrit avec beaucoup de tendresse l'enfance de Naëlle et des ses frères et soeurs, entre deux adresses dans le Belleville des années 90. Celle de sa grand mère qu'elle adore à la fois aimante et sachant fixer des règles et sa mère, plus fantaisiste.

J'ai aimé cette première partie qui raconte l'enfance puis l'adolescence de cette jeune fille...jeune fille qui verra sa vie basculer dans l'âge adulte trop rapidement.
Je peux dire que la suite m'a submergée. Je n'avais pas lu de critiques précises et la mère que je suis ne sort pas indemne de ce genre de sujet.

Mais quelle émotion, que de phrases coup de poing, un roman qui me hantera longtemps. A lire absolument.



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Une enfant...
Deux appartements...
Deux modes de vie opposés...

Une enfant...
Une grand-mère...
Une mère...
Des frères et soeurs...
Pas de père(s)...

Une enfant qui grandit...
Belleville...
Porte de Montreuil...
Deux mondes reliés par des déambulations souvent solitaires et parfois effrayantes...

Une adolescente...
Des questions...
Pas de réponses...

Une toute jeune adulte qui tombe enceinte...
Des jumeaux...
Un père absent - présent...

Une mère...
Un drame...
Plus jamais le bonheur....

Un roman dévoré en apnée...
Un roman qui m'a surprise... Ce drame, je ne l'avais pas imaginé... Il m'a frappée de plein fouet... Il m'a fait verser tant de larmes...

Ce drame bouleversant qui donne une nouvelle dimension au roman...
Une vie bouleversante faite de cris étouffés... de cris silencieux... de silences...
Un roman (récit ?) bouleversant de cette rentrée littéraire à côté duquel il serait vraiment dommage de passer. Un coup de coeur et surtout un coup au coeur !
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Entre l'appartement de sa mère à Belleville et celui de sa grand-mère Porte de Montreuil, Nana a vécu, avec son frère aîné et ses deux soeurs cadettes, une enfance pauvre mais heureuse où l'amour, l'entraide et le respect étaient omniprésents.
Faite de débrouilles et de privations, leur vie sans père a fait évoluer ces enfants en toute liberté, dans ce quartier de l'Est parisien qui fut leur refuge. « Nous avons manqué de tout sauf de vie et d'espoir.»
A 45 ans, quittant le foyer d'accueil d'urgence pour enfants dans lequel elle travaille, Nana revient sur ses souvenirs de jeunesse, se désolant de la gentrification qui a gagné leur quartier autrefois habité par les classes populaires.
Mais ce retour sur son enfance heureuse, la conduit inévitablement au malheur qui s'est abattu sur elle, alors qu'à peine sortie de l'adolescence, elle perd son fils jumeau d'à peine un an.
Un roman émouvant, à la fois débordant de la joie de cette famille monoparentale mais aussi profondément déchirant de la détresse de cette jeune mère qui « a donné la vie et reçu la mort ».
Le contraste entre ces deux périodes de la vie de Nana est saisissant et Nadège Erika, pour son premier roman, fait preuve d'une grande maîtrise de l'écriture, tirant les ficelles de nos sentiments comme une marionnettiste et nous touchant droit au coeur.
Plongé dans un bain d'amour, Mon petit nous parle de classes sociales, de pauvreté et de boboïsation mais également du difficile sujet de la perte d'un enfant. Sa sensibilité, son naturel et sa résilience en font une lecture enrichissante qui porte en elle une immense envie de vivre.

Merci à Babelio et aux éditions Livres Agités pour l'envoi de cette masse critique privilégiée.
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Je remercie Babelio qui m'a confié la lecture et la critique de ce livre.
Si je l'ai choisi parmi d'autres romans c'est à cause de Belleville. Belleville, tout comme Ménilmontant dont il est question dans ce récit étaient des quartiers très populaires, en partie réhabilités aujourd'hui. Dans les années 1970, je rendais visite à mes grands-parents qui vivaient dans un petit logement de la rue Lesage et qui avaient le sentiment d'appartenir à un village. C'était l'époque des petits commerces où les gens se croisent, se reconnaissent. Loin d'une image d'Epinal, ces quartiers étaient aussi limitrophes de la zone, ces terrains vagues entre Paris et la banlieue, lieux de rendez-vous du banditisme. Belleville et Ménilmontant c'est aussi pour moi deux auteurs qui racontent, à l'instar de Nadège Erika et sans aucune complaisance, la misère, la débrouille, le déterminisme et l'exclusion sociale : Romain Gary et La Vie devant soi, Nan Aurousseau avec son Quartier Charogne.
Alors que certaines personnes répètent à l'envi que « quand on veut on peut » les deux romans autobiographiques que je cite, comme Mon Petit, montrent des gens qui, malgré tous leurs efforts, ne parviendront jamais à se sortir d'une spirale néfaste. Quand on naît dans une famille de parents non diplômés et qui n'ont ni pas d'argent pour sortir leurs enfants au cinéma ou au théâtre ou qui n'ont tout simplement pas la présence d'esprit de le faire, qui pensent que les musées, les expositions ou les bibliothèques ne sont pas faits pour eux, l'éducation intellectuelle de l'enfant va être très limitée. Si, par chance, il s'en sort dans son travail scolaire, ses choix d'études seront restreints. Travaillant avec des jeunes, je vois beaucoup d'élèves de lycée choisir leurs études en fonction du niveau social et professionnel de leurs parents, de leur lieu d'habitation. Comme dans Mon Petit, la plupart ont aussi un besoin urgent de travailler pour aider leur famille. En général, ces jeunes choisissent un BTS et les filières proposées dans leur ancien lycée ou au plus près de chez eux car ils n'ont pas les moyens de se payer la location d'une chambre et des transports. Ainsi, ils embrassent les formations déterminées par leur région, en fonction du bassin d'emplois inhérents. Il est donc très difficile de sortir de ce cercle. A côté de cela, j'ai des amis qui payent des appartements à leurs enfants, qui cherchent avec eux la formation qui les intéressent le plus, en France ou à l'étranger et payent tout cela pour eux, sans parler des stages de langue à l'étranger et autres vacances culturelles. Dans certaines familles, il y a celles et ceux qui font des études et les autres, qui apprennent un métier et si c'était à 50 % le cas dans les années 80 avec des formations au niveau CAP ou BEP, aujourd'hui cette injustice se retrouve au niveau d'un diplôme sans réelle valeur, le baccalauréat. Cette impossibilité de choix, la narratrice en fait le point de départ de son roman : en fin de troisième, elle quitte le collège pour pouvoir travailler car les enfants de cette fratrie se retrouvent éduqués à la fois par la grand-mère et par la mère, ballottés dans deux logements sociaux où l'on compte sa menue monnaie pour manger. Et comme sa mère, la narratrice deviendra mère très jeune et vivra, après son mariage, en logement social ne partant jamais en vacances.
L'injustice sociale est aussi liée aux soins médicaux et la déconsidération de certains médecins pour les pauvres. Et à cause de l'un d'eux, la narratrice perd un enfant. le roman évoque dans la deuxième partie, le tragique d'une destinée, par la mort et le chemin du deuil. Sans pathos et avec lucidité, ce roman rappelle que la misère n'appartient pas qu'aux banlieues et qu'elle est partout, parfois invisible et silencieuse et qu'elle finit par tuer tout espoir de progrès.
Ce roman est construit comme une tragédie en cinq actes : I – Lieu familial et environnement, cadre II – la rencontre amoureuse III – Amour et vie commune IV – délitement de la vie de couple V – Deuil.
Je recommande chaleureusement ce récit qui nous rappelle ou nous apprend, pour ceux qui n'en ont pas conscience, combien il est difficile de s'extraire de son milieu social défavorisé pour accéder à une liberté de penser, une liberté de choisir et surtout, d'acquérir le sentiment de légitimé, celui de ses actions et de sa place dans la société
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Sur les conseils de @delphinecardonne de la médiathèque, je me suis plongée dans ce roman qui s'est avéré une pépite!
Touchée plein coeur et bim!!

Un premier roman pour l'autrice, une si jolie écriture, j'ai adoré.

Naelle la quarantaine revient sur les pas de son enfance  à la Villette, le quartier où elle a vécu avec ses frères et soeurs dans les années 90. 

Elle se souvient de tout dans les moindres détails, des bruits, des odeurs, de l'appartement à  l'époque où Grand-maman les gardait et s'occupait d'eux  avec amour et respect des usages pour tenter de pallier à l'esprit bohème de leur maman qui avait une vision de l'éducation trop libérale et croulait sous les impayés et les visites des huissiers.

C'est ainsi qu'elle nous embarque  dans un quartier vivant et populaire où toutes les familles se côtoient quelque soit leurs origines. Ils se connaissent tous très solidaires les uns envers les autres pour former une immense famille bigarrée alors qu'ils voient se dessiner au fil des années un changement radical du quartier et de ses habitants dans lequel ils ne se reconnaîtront plus.

Naelle va grandir sans doute plus vite que les autres et lorsque adolescente elle tombe amoureuse de Gaspard le plus beau du quartier, sa vie va être merveilleuse, elle en est sûre.

Mais un drame  survient, l'impensable, l'indiscible et elle en sera à jamais détruite, cabossée et vidée de sa substance vitale.

Mon petit c'est le surnom que donne à Naelle sa grand-maman mais au fil de la lecture il a pris pour moi une autre signification.

Je vous encourage vivement à  lire cette très belle histoire si poignante et touchante pour garder dans votre coeur une petite place pour Naelle.

Chère Erika, j'ai hâte de lire votre prochain roman, merci pour ce cadeau.

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