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Citations sur L'autre fille (156)

« Les parents d’un enfant mort ne savent pas ce que leur douleur fait à celui qui est vivant. »
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Les questionnements retardés, intimes ou collectifs, ne révèlent jamais que l'impossibilité même de la question à un moment donné.
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C'est une photo de couleur sépia, ovale, collée sur le carton jauni d'un livret, elle montre un bébé juché de trois quarts sur des coussins festonnés, superposés. Il est revêtu d'une chemise brodée, à une seule bride, large, sur laquelle s'attache un gros noeud un peu en arrière de l'épaule, comme une grosse fleur ou les ailes d'un papillon géant.
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Mais tu n'es pas ma sœur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas dormi, joué, mangé ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc.
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Ils ont dû te dire "quand tu seras grande", énumérer ce que tu pourras faire, apprendre à lire, monter à vélo, aller seule à l'école, ils t'ont dit "l'année prochaine", "cet été", "bientôt". Un soir, à la place de l'avenir il n'y a plus eu que le vide. Ils ont redit les mêmes mots pour moi. J'ai eu six ans, sept ans, dix ans, je t'avais dépassée. Pour eux il n'y avait plus de comparaison possible. Obscurément, j'ai cru qu'elle m'en voulait de cesser d'être une enfant, de "devenir une jeune fille", mots qu'elle à prononcés le jour de mes premières règles avec une gêne démesurée, presque du bouleversement, en me tendant une garniture périodique.
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tu n’as d’existence qu’au travers de ton empreinte sur la mienne. T’écrire, ce n’est rien d’autre que faire le tour de ton absence. D écrire l’héritage d’absence. Tu es une forme vide impossible à remplir d’écriture.

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D'après l'état civil tu es ma soeur. Tu portes le même patronyme que le mien, mon nom de "jeune fille", Duchesne. Dans le livret de famille des parents presque en lambeaux, à la rubrique Naissance et Décès des Enfants issus du Mariage, nous figurons l'une au-dessous de l'autre. (...)
Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. Le secret.
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Naturellement, je l'adorais. On disait qu'elle était une belle femme et que j'étais
de son « côté ». Je m'enorgueillissais de lui ressembler. Je la détestais parfois et je levais le poing devant la glace de l'armoire en souhaitant qu'elle meure. T’écrire c'est te parler d'elle sans arrêt, elle la détentrice du récit, la profératrice du jugement, avec qui le combat n'a jamais cesse, sauf a la fin, quand elle était si misérable, si perdue dans sa déraison et que je ne voulais pas qu'elle meure.

Entre elle et moi c'est une question de mots.
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[ Incipit ]

C'est une photo de couleur sépia, ovale, collée sur le carton jauni d'un livret, elle montre un bébé juché de trois quarts sur des coussins festonnés, superposés. Il est revêtu d'une chemise brodée, à une seule bride, large, sur laquelle s'attache un gros nœud un peu en arrière de l'épaule, comme une grosse fleur ou les ailes d'un papillon géant. Un bébé tout en longueur, peu charnu, dont les jambes écartées avancent, tendues jusqu'au rebord de la table. Sous ses cheveux bruns ramenés en rouleau sur son front bombé, il écarquille les yeux avec une intensité presque dévorante. Ses bras ouverts à la manière d'un poupard semblent s'agiter. On dirait qu'il va bondir. Au-dessous de la photo, la signature du photographe - M. Ridel, Lillebonne - dont les initiales entrelacées ornent aussi le coin supérieur gauche de la couverture, très salie, aux feuillets à moitié détachés l'un de l'autre.
Quand j'étais petite, je croyais - on avait dû me le dire - que c'était moi. Ce n'est pas moi, c'est toi.
Il y avait pourtant une autre photo de moi, prise chez le même photographe, sur la même table, les cheveux bruns pareillement en rouleau, mais j'apparaissais dodue, avec des yeux enfoncés dans une bouille ronde, une main entre les cuisses. Je ne me souviens pas avoir été intriguée alors par la différence, patente, entre les deux photos.

Aux alentours de la Toussaint je vais au cimetière d'Yvetot fleurir les deux tombes. Celle des parents et la tienne. D'une année sur l'autre j'oublie l'emplacement mais je me repère à la croix haute et très blanche, visible depuis l'allée centrale, qui surmonte ta tombe, juste à côté de la leur. Je dépose sur chacune un chrysanthème de couleur différente, quelquefois sur la tienne une bruyère, dont j'enfonce le pot dans le gravier de la jardinière creusée exprès, au pied de la dalle.
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J'ai aussitôt vérifié, ça tombait un dimanche. (...)
Je m'en éloigne d'année en année, mais c'est une illusion. Il n'y a pas de temps entre toi et moi. Il y a des mots qui n'ont jamais changé.
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