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sur 721 notes
L'autre fille, est un récit autobiographique sur la soeur d. A Ernaux décédée prématurément à l'âge de 6 ans, avant que cette dernière n'advienne au monde.
C'est par un "bel après-midi d'été", qu' A. Ernaux l' apprend indirectement, au cours d'une discussion entre sa mère et une voisine.
Elle découvre alors le chagrin de ses parents et entend sa mère dire à son interlocutrice que la fillette décédée" était plus gentille que celle-là." ! La vivante !
Ce secret de famille ainsi que les paroles proférées par sa mère, ne cessent alors d'interroger la narratrice sur la signification de ce mot « Gentille » évoqué ce jour-là, mettant ainsi les deux fillettes côte à côte, perturbant un certain équilibre chez la narratrice.
A partir de l'âge de 10 ans, celle-ci prend conscience qu'elle n'est pas fille unique, la morte de dresse entre ses parents et elle.
Cette éternelle petite fille est désormais érigée en sainte tandis qu'elle est le démon.
Pour la narratrice, il fallait que cette soeur meure pour qu'elle vive.
De cette morte, il n'en sera pas parlé en famille, le sujet reste douloureusement tabou et instaure chez la narratrice une sensation d'irréalité, un fantôme errant dans la famille, un cadavre dans un placard qu'on ne peut rouvrir. A Ernaux dira d'elle qu'elle est « l'anti-langage ». Cette absence de parole enfermée dans le chagrin marque le récit.
Le livre en forme de lettre dans lequel elle s'adresse à la morte se centre sur l'impossibilité pour la narratrice de se représenter cette soeur et du coup de la reconnaître en tant que telle, on est dans l'indicible. Si elle vit un tant soit, peu c'est uniquement de manière fantasmée chez la narratrice qui reste finalement unique. elle la fait finalement revivre dans l'écriture mais le questionnement demeure ainsi qu'une sorte de culpabilité de vivre à la place d'une autre sans jamais pouvoir la rejoindre.
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Pour ma dernière lecture de l'année, j'ai voulu revenir à un livre d'Annie Ernaux.
Découverte l'an dernier, ignorée pendant des années, j'ai senti à quel point ses écrits peuvent toucher et nous concerner.
Peu m'importe les polémiques vraies ou fausses d'ailleurs sur sa personne , son style d'écriture ou son absence. Une chose est certaine, ses livres percutent, troublent , alimentent ce qui ne se dit pas, ce qui ne s'avoue pas.
Là encore avec L'autre fille, elle nous plonge dans les non-dits, les secrets qui peuvent étouffer une personnalité.
Annie Ernaux nous raconte une chose incroyable, elle découvre incidemment alors qu'elle a dix ans l'existence d'une soeur morte à l'âge de six ans.
Jamais ses parents ne lui parleront de cette autre fille qu'ils ont eue avant elle. La seule chose qu'elle sait, c'est qu'elle était plus gentille.
Quel choc, quelles répercussions peuvent avoir ces révélations sur une enfant. C'est ce que Annie Ernaux tente de nous expliquer, de nous relater.
Comment elle a pu vivre avec ce double jamais connu,ni identifié hormis sur quelques photos et des bribes de confidences égrenées par ses cousines, ses tantes.
Ce récit prend la forme d'une lettre qu'elle
adresserai à sa soeur même si bien sûr c'est impossible.
" Pourtant , un fond de pensée magique en moi voudrait que, de façon inconcevable, analogique, elle te parvienne comme m'est parvenue jadis, un dimanche d'été la nouvelle de ton existence.."

Une fois de plus, Annie Ernaux bouleverse, non par son histoire personnelle mais par les messages qu'elle nous transmet à tous et nous laisse sans voix.
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Lecture ancienne faite en juillet 2011...

Un bref récit poignant de l'auteure qui se remémore la violence d'une nouvelle entendue par inadvertance, l'été de ses 10 ans. se croyant fille unique... elle découvre qu'une petite soeur a existé avant elle, décédée toute petite...
Annie Ernaux relate avec finesse le poids des secrets, des non-dits sur l'avenir des individus...l'influence ultérieure sur la construction de son existence, en précisant qu'en plus, dans les années 50, il était interdit implicitement d'interroger ses parents...

Une phrase m'a profondément frappée: "Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence." (p.35)


"D'après l'état civil tu es ma soeur. Tu portes le même patronyme que le mien, mon nom de "jeune fille", Duchesne. Dans le livret de famille des parents presque en lambeaux, à la rubrique Naissance et Décès des Enfants issus du Mariage, nous figurons l'une au-dessous de l'autre.
Toi en haut avec deux tampons de la mairie de lillebonne (Seine-Inférieure), moi avec un seul- c'est dans un autre livret officiel que sera remplie pour moi la case décès, celui qui atteste de ma reproduction d'une famille, avec un autre nom.
Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret. " (p.13)

Un récit qui prend "aux tripes", car il parle du deuil, du manque indéfinissable provoqué par des non-dits familiaux, de la séparation... d'une des multiples nécessités de l'écriture... là en l'occurence, une sorte de "réparation", rendre "la vie" à un être de sa fratrie...

"Evidemment ,cette lettre ne t'est pas destinée et tu ne la liras pas. Ce sont les autres, des lecteurs, aussi invisibles que toi quand j'écris, qui la recevront. Pourtant, un fond de pensée magique en moi voudrait que , de façon inconcevable, analogique, elle te parvienne comme m'est parvenue jadis, un dimanche d'été, peut-être celui où Pavese se suicidait dans une chambre de Turin, la nouvelle de ton existence par un récit dont je n'étais pas non plus la destinataire. Octobre 2010" (p.78)
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‘'Elle raconte qu'ils ont eu une autre fille que moi et qu'elle est morte de la diphtérie à six ans, avant la guerre, à Lillebonne.''
‘'A la fin, elle dit de toi elle était plus gentille que celle-là
Celle-là, c'est moi.''
C'est par des mots échangés avec une cliente devant l'épicerie familiale, un jour de l'été 1950, que la petite Annie apprend, de la bouche de sa mère, qu'elle a eu une soeur. Une soeur morte avant sa naissance. Une sainte. Une fille parfaite et gentille.
D'elle, il ne sera plus jamais question. Ses parents n'en parlèrent jamais, croyant la préserver, l'enfermant dans un secret de famille et une concurrence déloyale. L'autre est la gentille, elle est la turbulente. L'autre est une sainte, elle est un démon. L'autre est morte pour qu'elle puisse vivre.

Présenté sous forme de lettre pour la collection ‘'Les Affranchis'', L'autre fille est un récit autobiographique où Annie Ernaux évoque ses dix ans, la révélation fortuite de l'existence d'une soeur, sa mise à distance et les réflexions que cela a engendré.
‘'Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret.''
Annie comprend qu'elle vit parce que sa soeur est morte, qu'elle n'est qu'une remplaçante, un second choix.
A travers sa lettre à l'absente, elle analyse le deuil impossible de ses parents et dissèque l'impact du secret sur son enfance, sa place dans le monde, sa légitimité.
Si l'écriture d'Annie Ernaux peut paraître froide et distanciée, on sent la douleur insidieuse, l'impossibilité de questionner ses parents qui partiront sans jamais avoir ouvert leur coeur à leur fille. Autres temps, autres moeurs…L'autrice évoque une époque où les parents ne s'épanchaient pas, où les enfants devaient rester ‘'à leur place''…
Un texte troublant et fort, une belle entrée en matière dans l'oeuvre de la française nobélisée.
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A la fin des années 90, j'avais découvert et m'étais pris de passion pour l'oeuvre d'Annie Ernaux.

Je l'avais dévorée en quelques mois.

La tâche n'était pas si herculéenne : Annie Ernaux est l'auteur d'une douzaine seulement de courts romans autobiographiques. Elle y décrit ses origines modestes, dans la petite ville normande d'Yvetot, son avortement à la fin des années 60, l'échec de son premier mariage, l'accession à une forme d'indépendance financière et sexuelle ....

Dans son dernier livre, qui se présente sous la forme d'une lettre ouverte, elle s'adresse à sa soeur morte à l'âge de six ans, en 1938, deux ans avant sa naissance. Ses parents lui en avaient caché l'existence et elle la découvrit par hasard alors qu'elle était encore enfant. Cette soeur morte à un âge innocent fut longtemps sa concurrente : elle était "gentille" alors que la jeune Annie, déjà turbulente et indépendante, l'était si peu.

René Féret, qui avait vécu la même histoire, en a fait un très beau film méconnu "Baptême"

Plus bref encore que ses précédents livres qui l'étaient déjà beaucoup, "L'autre fille" semble marquer l'épuisement d'une oeuvre narcissique. Depuis quarante ans, Annie Ernaux ne réussit pas à parler d'autre chose que d'elle-même, de sa famille, de son parcours. Bien sûr l'angle de vue est chaque fois différent. Mais elle n'évite pas le ressasement ni la répétition (on retrouve le père violent évoqué dans "La place" ou la déchéance de la mère racontée dans "Je ne veux pas sortir de ma nuit"). A plus de 70 ans, elle a peut-être atteint les limites de sa démarche.
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L'autre fille d'Annie Ernaux – Livre audio lu par l'auteur

Bonne pioche après deux essais plus que mitigés de lecture d'Annie Ernaux : Regarde les lumières, mon amour et « Je ne suis pas sortie de ma nuit ». Quoi qu'en dise Annie Ernaux dans l'interview à la fin du livre audio, L'autre fille se prête bien à la lecture à voix haute et la voix d'Annie Ernaux n'est pas désagréable.

Comme ses autres livres, L'autre fille est un récit autobiographique plus qu'un roman. A dix ans, Annie entend sa mère commerçante raconter à une cliente de passage qu'elle a eu une autre fille qui est morte avant sa naissance. de cette autre fille, il ne reste que quelques photos et personne dans la famille n'en parle. Annie elle-même ne révèlera jamais à ses parents qu'elle est au courant de l'existence de cette soeur morte à six ans. Les parents d'Annie Ernaux ne voulaient qu'un enfant. Après le décès de Ginette de la diphtérie, ils décident d'avoir un autre enfant qui naîtra deux ans plus tard. Chaque fille a donc été enfant unique, puisqu'elles ne se sont jamais connues. L'autre fille, c'est Annie, celle qui était destinée à remplacer l'enfant morte trop tôt. Elle lui doit la vie.
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La collection "Les affranchis" demande aux auteurs d'écrire la lettre qu'ils n'ont jamais écrite. Annie Ernaux joue le jeu, en rédigeant une lettre à sa soeur inconnue.
Annie a dix ans lorsqu'en écoutant une conversation entre sa mère et une cliente, elle apprend l'existence d'une soeur aînée, morte avant sa naissance : l'autre fille.
"Elle était plus gentille que celle-là", dit sa mère. "Celle-là, c'est moi" comprend Annie. Jamais aucun autre mot ne sera dit dans cette famille sur l'enfant morte. La mère a-t-elle voulu par ce biais le lui faire savoir ?
Avec les années Annie comprend, alors, pourquoi on l'a tant couvée dans son enfance ; pourquoi, adulte, elle craint tant la maladie ; et pourquoi elle en veut autant à sa mère.
"Je ne leur reproche rien. Les parents d'un enfant mort ne savent pas ce que leur douleur fait à celui qui est vivant."
Ils ne savent pas. Mais la douleur, elle, est bien là.
Car peut-être est-ce Annie, l'autre fille du titre ? L'idée "fulgure" en elle trente ans plus tard : "Leur volonté de n'avoir qu'un seul enfant affichée dans leurs propos "on ne pourrait pas faire pour deux ce qu'on fait pour un" impliquait ta vie ou la mienne, pas les deux (…) Je suis venue au monde parce que tu es morte et je t'ai remplacée."
Glaçant.
Dans son écriture si particulière, si analytique et obstinée, et en si peu de pages, Annie Ernaux parvient à explorer à la fois l'abîme qu'est la perte d'un enfant, mais aussi tous les impacts laissés par les secrets de famille et les deuils dans la personnalité de l'enfant survivant.
Challenge Nobel
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Découvert en audiolib dans le cadre du Prix Grandes Tartines 2013 organisé par les bibliothèques locales.
Un sujet très intime, comme souvent avec Annie Ernaux : une lettre à sa soeur ainée, morte de la diphtérie à 6 ans, avant même sa propre naissance, elle ne l'a donc pas connue, elle a appris sa naissance par hasard des années plus tard et n'a jamais osé en parler avec ses parents. Bien sûr, c'est très touchant, très fort émotionnellement mais tellement intime, surtout lue par l'auteur elle même, c'est assez troublant, déstabilisant.

Du coup je ne juge pas de l'écriture mais ce sera plutôt une critique du livre audio, il y a longtemps que je voulais essayer, je suis content de l'avoir fait mais je crois que ce n'est pas pour moi. On se retrouve avec une oeuvre où le rythme est imposé, difficile de ralentir, d'accélérer , de faire une pause sur une plage d'une dizaine de minutes en moyenne, difficile de prendre des notes pour qui ne connait pas la sténo. Difficile aussi pour moi de rester tranquille, concentré sur cette voix ( à moins peut être de s'allonger ? ), difficile de ne pas faire autre chose en même temps...
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Et continuer à lire ou à relire Annie Ernaux tant que ce bel été n'est pas fini, mais en variant les éditions pour L'Autre fille, avec cette version augmentée des superbes photos de Nadège Fagoo, parue aux éditions Light Motiv.

Alors qu'Ernaux raconte la découverte tardive de Ginette, son ainée décédée, Fagoo lui donne corps dans un travail artistique de flous et d'ombres, juste ce qu'il faut pour laisser l'esprit vagabonder sur cette absente omniprésente, sans trahir un texte qui ne la met pas en scène.

Car à travers ses souvenirs, Ernaux disserte sur la profonde douleur familiale de ses parents qui l'ont vécue, et de la sienne qui l'a indirectement subie. « Elle était plus gentille que celle-là » : phrase terrible de la mère qui souffre ; phrase insoutenable pour la fille qui reste et ne l'oubliera plus.

Une fille qui se ferme alors : « Je ne voulais donc pas savoir. Te garder telle que je t'ai reçue à dix ans. Morte et pure. Un mythe. »

Annie Ernaux dit l'impossibilité du lien quand il n'a pas été partagé et concrétisé par le quotidien ; la surprotection maladroite de l'enfant survivant pour ceux qui pleurent encore le précédent ; la nécessité de s'enfuir de ce carcan infernal : « L'autre fille, c'est moi, celle qui s'est enfuie loin d'eux, ailleurs. »

Donnant une dimension quasi-christique au drame - « Il fallait donc que tu meures à six ans pour que je vienne au monde et que je sois sauvée » - elle fait de cette absence une force : « Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence. »

Un très grand livre d'Annie Ernaux, dans une édition qui lui donne un supplément de profondeur et un prolongement visuel fidèle et artistique.
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Très beau texte écrit sous forme de lettre à la soeur aînée disparue... Un secret de famille pesant comme une chape de plomb, et qui ne sera jamais levé.
78 pages seulement pour ce récit très fort, criant de vérité et de douleur.
J'ai beaucoup aimé ce récit.
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