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EAN : 9782070419234
130 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.23/5   1681 notes
Résumé :
L'occasion d'un banal examen dans un cabinet médical replonge la narratrice plus de trente ans en arrière, en janvier 1964, au moment de son avortement clandestin. Si le souvenir apparaît lointain, l'événement n'en est pas moins indélébile. A la fois égarée et démunie, pendant deux mois, la jeune femme d'alors a caché sa grossesse, à ses parents comme à ses amis proches, cherché désespérément une "faiseuse d'anges". C'est à Paris, rue Cardinet, que la narratrice tro... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (181) Voir plus Ajouter une critique
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Je déteste cette histoire !

Je déteste le regard méprisant du médecin (et des autres…)

Je déteste cet « ami » qui se croit tout permis, parce que si une fille est tombée enceinte, c'est qu'elle est trop libre…

Je déteste le sort de cette étudiante, sa solitude dans une impasse, sa vie entre les mains d'une faiseuse d'anges.

Je déteste tout ça, et je remercie celles et ceux qui ont fait en sorte que moi, ma soeur, ma fille, ne vivrons pas « L'événement ».

Un témoignage bouleversant, je déteste que ce soit si vrai et qu'on ne puisse l'oublier une fois le livre refermé.
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Annie Ernaux raconte ici l'avortement qu'elle a du subir, bien avant la loi du 19 janvier 1975. Parcours du combattant, émaillé des multiples vexations de son entourage, y compris du géniteur ou des personnes professionnelles ou non à qui elle demande de l'aide, et qui met en lumière encore une fois à quel point le milieu social auquel il semble que l'on appartienne modifie le regard de l'autre.

Même si tout n'est pas forcément simple et facile presque cinquante ans plus tard, l'auteur apporte aussi un éclairage historique et social autour de la condition féminine.

L'analyse est comme toujours fine, aiguisée et terriblement dérangeante

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Aux six juges de la Cour suprême des États-Unis (six contre trois) qui ont statué que la Constitution américaine ne confère pas le droit à l'avortement,
Au gouvernement hongrois qui a fait inscrire dans la constitution que "la vie humaine est protégée depuis la conception",
Au parlement polonais qui n'autorise l'avortement qu'en cas de "danger pour la mère ou de viol",
Et aux milliers d'autres législateurs qui s'arrogent un droit absolu sur le corps, le choix et la vie des femmes,
Apprenez qu'une femme qui veut avorter le fera.
Dans la clandestinité, l'illégalité, le danger de mort, quels que soient les risques encourus, mais elle avortera. Elle a-vor-te-ra.
L'immense obstination à avorter n'a jamais été aussi bien traduite que par Annie Ernaux. Son "évènement" en 1963, elle l'a porté en elle pendant plus de trente ans, jusqu'à l'écriture de ce livre en 1999, et elle en reconstitue avec minutie les épisodes grâce à ses notes d'alors, agenda, journal intime, avec une admirable sincérité.
Et avec une acuité terrible, elle analyse même la différence de traitement entre son statut d'étudiante et celui d'une "vendeuse de Monoprix" : même si la sororité du malheur existe, la classe ouvrière, sans argent, sans respect, souffre encore davantage.
Mais qui a bien pu juger que l'écriture d'Annie Ernaux était "blanche", "neutre" ? Pour ma part elle m'a soulevée d'émotion à chaque page, chaque mot. Choisir une citation ? J'aurais voulu vous recopier tout le livre…
À l'annonce de son prix Nobel, j'ai filé emprunter trois oeuvres d'Annie Ernaux à la bibliothèque ; j'ai commencé par "L'évènement"car j'avais tellement, tellement aimé le film. Et sans images, sans musique, ce roman, ces mots nus, m'ont bouleversée encore bien davantage.
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L'évènement, pour Annie Ernaux, son avortement en 1964, onze ans avant la loi Veil, c'est le sien, et surtout pas celui d'autres femmes dans la même situation

La situation qu'elle décrit, un peu Maupassant, de la jeune ouvrière (elle est étudiante, boursière, mais passons), de la pauvre, en tous cas, engrossée par … bon, c'est un étudiant, elle retourne le voir pour passer des vacances aux sports d'hiver, quand même, les mois passent mais elle ressasse le fait qu'elle est d'une classe sociale défavorisée.
A-t-elle, cette Annie Ernaux, conscience que des filles de milieu bourgeois sont un peu dans la même situation ? (Elle n'a pas complètement tort, les jeunes aisées prenaient le train pour la Belgique, elle, elle va au sport d'hiver.)
A-t-elle, cette Annie Ernaux, conscience qu'elle n'est d'ailleurs absolument pas la seule « pauvre » à devoir recourir à l'avortement ?
Vous me suivez, c'est elle qui a subi l'avortement, elle et elle seule qui a souffert, et la mort de Kennedy, au même moment, cela ne l'intéresse pas du tout.

. Or, nous dit Simone de Beauvoir :

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »

Elle se justifie de n'avoir pas signé le manifeste des 343 femmes, en 1971, dont Gisèle HalimiSimone de BeauvoirCatherine Deneuve qui risquent, elles, de perdre leur carrière et leur statut, et qui se feront traiter de « salopes » : parce qu'elle « n'était rien ».
Il est vrai, en 1971 elle n'était rien dans le milieu littéraire et n'aura le prix Renaudot qu'en 1984 après La place.
Ceci dit, son livre est utile en ce qu'il rappelle ce temps où les drames, réels, liés à l'avortement : la recherche d'une solution à un interdit, et ses suites dramatiques, comme l'hospitalisation après hémorragie, au curetage parfois pratiqué par des médecins cathos, quand ils ne laissaient pas tout simplement l'hémorragie continuer, devaient être subis par les femmes après avoir avorté.
« Les armoires vides », en 1974 puis « l'Évènement », en 2000, sont donc deux livres tout à fait utiles.
« Que la forme sous laquelle j'ai vécu cette expérience de l'avortement -la clandestinité-relève d'une histoire révolue ne me semble pas un motif valable pour la laisser enfouie-même si le paradoxe d'une loi juste est presque toujours d'obliger les anciennes victimes à se taire, au nom de « c'est fini tout ça », si bien que le même silence qu'avant recouvre ce qui a eu lieu. »
Comme Isa@isacom l'a bien souligné, justement, ce n'est pas fini tout ça, et le calvaire de femmes obligées de recourir à des « faiseuses d'ange » n'est pas du tout inenvisageable dans certains pays et sous des régimes proches de nous.

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Annie Ernaux raconte ici une "affaire de femmes".
Alors qu'elle vient de passer un test de dépistage du SIDA et qu'elle est plongée dans la rédaction d'un roman, l'auteur repense à l'avortement qu'elle a subi 35 ans auparavant.
Le récit alterne entre la retranscription crue des faits et les réflexions développées avec le recul du temps ; Ernaux est à la fois le personnage principal et sa propre commentatrice. de son ton direct et clinique, elle procède à la description la plus fidèle possible de son expérience, sans fausse pudeur ni exhibitionnisme -et sans plainte. L'affect ne transparaît que pour dénoncer le mépris de classe et le patriarcat qui régnaient à l'époque de ses vingt ans, et c'est ce qui rend le texte si fascinant à lire. J'ai aimé sa colère d'insoumise.
Avec ce court récit, Ernaux revendique son appartenance à cette longue lignée de femmes ayant dû recourir à un avortement clandestin, puisque empêchées par la loi de disposer de leur propre corps, de leur avenir et de leur vie, tandis que le personnel de santé qui se risquait à interrompre une grossesse non désirée encourait la prison. C'est pourquoi j'ai trouvé ce court récit courageux, d'autant qu'il souligne l'écrasante solitude avec laquelle elle a traversé cette épreuve, malgré une solidarité féminine discrète et inattendue, et qu'il pointe l'hypocrisie de la société d'alors.
(D'alors seulement ?)

"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." Simone de Beauvoir
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Citations et extraits (155) Voir plus Ajouter une citation
"Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. Sans argent et sans relations - sinon elles ne seraient pas venues échouer à l'aveuglette chez eux -, elles les obligeaient à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d'exercer pour toujours. Ils n'osaient pas dire la vérité, qu'ils n'allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d'une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. À moins qu'ils n'aient sincèrement préféré mourir plutôt que d'enfreindre une loi qui laissait mourir des femmes. Mais tous devaient penser que, même si on les empêchait d'avorter, elles trouveraient bien un moyen. En face d'une carrière brisée, une aiguille à tricoter dans le vagin ne pesait pas lourd.
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J’ai fini de mettre en mots ce qui m’apparaît comme une expérience humaine totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l’interdit, de la loi, une expérience vécue d’un bout à l’autre au travers du corps.
J’ai effacé la seule culpabilité que j’aie jamais éprouvée à propos de cet événement, qu’il me soit arrivé et que je n’en aie rien fait. Comme un don reçu et gaspillé. Car par-delà toutes les raisons sociales et psychologiques que je peux trouver à ce que j’ai vécu, il en est une dont je suis sûre plus que tout : les choses me sont arrivées pour que je m’en rende compte. Et le véritable but de ma vie est peut-être seulement celui-ci : que mon corps, mes sensations et mes pensées deviennent de l’écriture, c’est-à-dire quelque chose d’intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans la tête et la vie des autres.
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Je n'avais pas imaginé avoir cela en moi. Il fallait que je marche avec jusqu'à la chambre.

Je l'ai pris dans une main - c'était d'une étrange lourdeur - et je me suis avancée dans le couloir en le serrant entre mes cuisses. J'étais une bête.


--- un sac de biscottes vide et je le glisse dedans. C'est comme une pierre à l'intérieur. Je retourne le sac au-dessus de la cuvette. Je tire la chasse.
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Je veux m'immerger à nouveau dans cette période de ma vie , savoir ce qui a été trouvé là. Cette exploration s'inscrira dans la trame d'un récit, seul capable de rendre un événement qui n'a été que du temps au-dedans et au-dehors de moi. Un agenda et un journal intime tenus pendant ces mois m'apporteront les repères nécessaires à l'établissement des faits. Je m'efforcerai par-dessus tout de descendre dans chaque image, jusqu'à ce que j'aie la sensation physique de la "rejoindre", et que quelques mots surgissent, dont je puisse dire, "c'est ça". D'entendre à nouveau chacune de ces phrases, indélébiles en moi, dont le sens devait être si intenable, ou à l'inverse si consolant, que les penser aujourd'hui me submerge de dégoût ou de douceur.
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… fait partie de ces femmes, jamais rencontrées, mortes ou vivantes, réelles ou non, avec qui, malgré toutes les différences, je me sens quelque chose de commun. Elles forment en moi une chaîne invisible où se côtoient des artistes, des écrivaines, des héroïnes de roman et des femmes de mon enfance. J’ai l’impression que mon histoire est en elles.

(Gallimard, p.40)
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Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
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