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Cette pièce m'a énervé ; pas son traitement qui est plutôt très bon, mais le mythe à la base.

Une pièce sur Hélène. Je m'attendais à voir le personnage crier son dépit sur les remparts de Troie, ou son enlèvement par Pâris. Que nenni !
Euripide exploite ici une version du mythe déjà mentionné par Hérodote et que j'avais complètement oublié (en même temps il y a tellement de choses dans Hérodote qu'on peut estimer avoir une excellente mémoire si l'on se souvient du dixième de l'Enquête).
Imaginez-vous que Hélène n'a pas été enlevée par Pâris. Non. La facétieuse Héra a substitué à la vraie fille de Tyndare une illusion de fumée faite chair. C'est ce truc qui arrive à Troie, qui provoque la guerre de dix ans, les morts innombrables, la chute des héros, les sacrifices de filles, la chute de la ville, l'esclavage de tous ses habitants, le retour des héros Grecs qui prend des années (Ulysse) ou finit en assassinat (Agamemnon).
La vraie Hélène a été transportée à l'abri en Égypte par Hermès. Elle n'a rien fait de « mal », pas d'adultère. Elle est restée fidèle à Ménélas tout ce temps. Sa réputation est devenue immonde auprès des Grecs… pour un pur fake news.

Non mais vous imaginez ces dieux, confortablement installés sur leur Olympe, en train de se plier de rire devant le drame insensé qu'ils ont provoqué chez les hommes par une simple duperie ? Ça ne vous donne pas envie de raser leurs temples à tous ces salopards ? Ils peuvent punir les hommes dans ce cas ? Franchement qu'est-ce qu'ils peuvent faire de pire que ÇA alors qu'ils sont adorés ! Je savais les dieux Grecs exigeants, mais là ils se foutent du monde ! Je comprends que cette version soit minoritaire.

Pour revenir à la pièce, l'action a lieu en Égypte sept ans après la chute de Troie, alors que le navire de Ménélas – qui erre à la recherche vaine d'un retour à Sparte (sept ans, encore un coup sympa d'un dieu) – y fait naufrage. Ménélas, déguisé en mendiant, y découvre une femme qui ressemble trait pour trait à son Hélène qu'il a ramené de Troie dans son navire. Hélène voit arriver avec surprise cet homme qui ressemble à son mari qu'on lui a dit être mort. Peu après, Ménélas apprend par un de ses soldats que « son » Hélène vient de s'évaporer en fumée dans les airs ! Pouf ! du coup il comprend que tout le monde, Grecs et Troyens, a été dupé et que sa femme lui est resté fidèle. Joie ! (mais la duperie des dieux ne l'énerve pas du tout, moi j'aurais eu envie de tout cramer). Ils décident de retourner à Sparte, mais ce n'est pas simple à faire car le nouveau roi d'Égypte, Théoclymène, est tombé fou amoureux de la belle et tue tout Grec qui s'approche, au cas où ce serait Ménélas.
Hélène va donc concevoir un plan – subtilement pour faire croire à Ménélas que c'est lui qui a eu l'essentiel de l'idée – pour leurrer Théoclymène. Elle lui monte un bateau incroyable, l'allume, le fait tourner autour de son petit doigt et parvient à se sauver avec Ménélas de la plus belle manière. Si on a droit à des tirades tragiques du genre « que mon sort est ignoble », certaines scènes sont proches du vaudeville et ont dû surprendre le public.

La pièce est donc enlevée et agréable à lire. Mais cette version du mythe est insupportable. Des dieux comme ça, je vous les laisse.
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[Relecture]
"C'est du palais de Protée, en Egypte, que revient Hélène, et elle n'est jamais allée en Phrygie. Zeus, pour susciter la discorde et le carnage parmi les humains, avait envoyé à Ilion un fantôme d'Hélène." (Euripide, Oreste, v. 1278-1283). Telle est la version rare du mythe qu'Euripide a choisi de mettre en scène : non une Hélène adultère, enlevée par Pâris dont elle est la maîtresse, et cause de la guerre de Troie, mais une sorte de dédoublement du personnage. Les dieux donnent à Pâris la jouissance d'un fantôme (eidôlon) d'Hélène qu'il prend pour la vraie, tandis qu'ils transportent la véritable Hélène en Egypte où elle attendra le retour de son mari Ménélas pendant dix ans, après la guerre dont elle n'est pas responsable. Euripide fait de la plus belle femme du monde, mise à prix lors du concours de beauté des déesses, une chaste et patiente Pénélope, non plus une héroïne de l'Iliade, mais un personnage de l'Odyssée, si l'on veut. D'où cet échange dont le poète Seferis s'est souvenu, quand Hélène dit dans la pièce ; "Je ne suis pas allée à Troie. C'était mon ombre..." à quoi répond un Grec : "Comment ! Nous aurions en vain peiné pour un nuage ?"

Cette pièce a quelque chose d'étonnant, car elle propose aux Athéniens de l'an 400 av. J.C. une histoire peu connue, originale, en rupture avec la tradition majoritaire. Si aujourd'hui l'originalité est prisée comme une qualité dans l'art, il n'en allait pas de même dans l'Antiquité, où les oeuvres étaient jugées selon leur respect et leur imitation de la tradition établie. Certes, l'auteur n'innove pas absolument, comme l'excellente préface de Françoise Frazier nous le signale, mais il joue sur la surprise de l'auditoire, ce qui le rapproche de certaines pratiques modernes. D'ailleurs, le lecteur d'Euripide sait déjà qu'il paraît jouer de l'anticonformisme dans ses pièces, ce qui lui valait les moqueries et les parodies d'Aristophane, qui emploie l'adjectif "nouveau" ("une nouvelle Hélène", Thesmophories, v. 850) en un sens péjoratif. On retire de cette lecture une impression de désacralisation, de scepticisme, malgré l'apparition finale des Dei ex machina venus du ciel. Il prévoit d'ailleurs une fin heureuse à sa tragédie, ce qui fit longtemps hésiter les savants à classer cette pièce dans une de leurs cases.

Le lieu scénique est le tombeau du roi égyptien Protée, qui a protégé Hélène pendant tout le temps de la guerre. Euripide tirera de cette présence de la mort tout le parti possible : Hélène croit Ménélas mort, elle est menacée de mort si elle refuse d'épouser le fils de Protée, Ménélas revenu et déguisé organise ses propres fausses funérailles en mer pour s'échapper, et toute l'action où le couple se réunit a pour arrière-plan la Guerre de Troie et tous les morts, Troyens et Achéens, qu'elle a faits. Cette action heureuse prend place dans une ambiance de deuil général. Il faut ajouter qu'au théâtre, la mort est un ressort dramaturgique intéressant, puisqu'elle sépare le corps de l'être humain de son âme, ou de son ombre immatérielle. N'est-ce pas ce qui est arrivé à Hélène elle-même, qui a été physiquement préservée, mais dont le nom et l'ombre étaient à Troie et causaient la guerre ? Si donc on va plus avant dans l'étude de ce thème, on se rendra compte qu'il révèle dans la pièce des profondeurs insoupçonnées. D'autre part, ne sait-on pas que le théâtre est un art du masque, du déguisement, du jeu sur les apparences, auxquels les oeuvres baroques européennes du XVII°s nous ont habitués ? Dématérialisation du corps, apparences trompeuses, déguisements, retrouvailles, tous ces ressorts théâtraux sont en germe dans cette pièce d'Euripide. Il faut ajouter que les textes des choeurs sont d'admirables poèmes, avec leurs hasards de mer, leurs naufrageurs, leur lyrisme exalté.

Cette pièce ferait un beau spectacle si elle était montée par un metteur en scène capable. L'édition bilingue de poche des Belles-Lettres est magnifiquement introduite et commentée, et présente une traduction peut-être un peu vieillie et fleurie.
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Incroyable ! Qui s'attendrait à trouver du Philip K. Dick dans une pièce d'Euripide ?

Euripide joue avec les mythes ? Est-ce de l'ironie féroce ? Une démonstration de l'absurdité de la guerre ? Est-ce un jeu littéraire ? Un intérêt philosophique, comme cette question deux fois posée ?

HELENE
Vous jugez donc que l'apparence ne vous laisse aucun doute ?

TEUCER
Ce que mes yeux ont vu, mon esprit le confirme.

Une démonstration du caractère illusoire du monde, que les dieux entretiennent ?

C'est en tout cas une belle histoire de doppelgänger. Mais c'est aussi comme si Euripide se libérait du mythe pour pouvoir composer en toute liberté une intrigue de son cru, la plus "moderne" de ce que j'ai lu jusqu'à présent, une histoire d'amour triomphant de l'adversité. Et du coup voici Hélène, qu'Euripide agonissait férocement dans les Troyennes, devenue une femme courageuse et aimante.

On y trouve bien une devineresse et des dieux, mais en une sorte de contre emploi. La catharsis annoncée de la fin est même déjouée par un Deus Ex Machina (mon premier). Sommes-nous vraiment dans une tragédie ?

C'est un peu le post-modernisme de la tragédie d'Eschyle ?
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Tout étonne dans cette tragédie baroque d'Euripide. D'abord, il prend appui sur une version audacieuse du mythe troyen qui dit que Pâris n'a emporté qu'un fantôme d'Hélène, la véritable épouse de Ménélas étant transportée par Hermès sur les bords du Nil, auprès du sage roi Protée. Ce drame est aussi loin des canons tragiques. Il n'y a pas vraiment de conflit puisque le couple Hélène-Ménélas est amoureusement uni, le seul danger venant du successeur de Protée, Théoclymène, qui veut se marier avec Hélène. Mais il est tellement crédule et insignifiant que se sortir de ses griffes relève plus du jeu que du sacrifice. Il y a d'ailleurs de beaux passages savoureux où Hélène brille par sa ruse et son ironie, faisant la part belle aux femmes, sages, raisonnables et intelligentes, face à des hommes rustres et patauds.
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L'intrigue repose sur un épisode peu présenté dans les récits de la guerre de Troie : Pâris n'aurait enlevé qu'un fantôme, tandis que la véritable Hélène, son corps et son âme, étaient déposés par Junon, déesse du mariage et des liens consacrés, en sûreté sur une terre étrangère, pour qu'elle soit préservée pour son époux. Cet épisode est surprenant, et inhabituel : Hélène incarne la séduction, le désir et la passion, pas le mariage.
Lors de ma lecture, j'ai donc eu envie de vérifier plusieurs fois l'auteur, n'étant plus vraiment sûre de vraiment lire une pièce d'Euripide, de l'Antiquité grecque donc, de la Grèce classique. Cela est dû à la personnalité d'Hélène, à son caractère : pour moi, une femme insistant autant sur sa vertu, sur l'importance de sa vertu qu'elle doit conserver intacte pour son époux, renvoie davantage à une catholique du XVII ème siècle soucieuse du péché et de l'adultère qu'à une Grecque. de plus, Hélène semble si soucieuse de son propre honneur, de sa renommée, de son nom – pensant plus à elle qu'à Ménélas, que je croyais écouter discourir un personnage de Racine.
Mais ce n'est pas non uniquement cela, dans la mesure où j'ai parfois eu l'impression de lire une pièce comique. Je n'irai pas jusqu'à dire du théâtre de boulevard, mais du marivaudage au moins : il y a des travestissements, des manipulations, de feintes... Hélène manipule tout le monde, son époux, son prétendant... à tel point que je me suis demandée si elle aimait vraiment son mari : après tout, elle ne l'a pas vu depuis dix-sept ans, et il apparaît comme une figure plutôt ridicule. Dans l'Odyssée, c'est Pénélope la figure patiente de l'amour conjugal, pas Hélène. Au contraire, celle-ci pourrait se rapprocher d'Ulysse, puisqu'elle utilise la ruse pour parvenir à ses fins, les charmes de sa parole mensongère pour convaincre les autres. La ruse de la barque utilisée pour fuir apparaît ainsi comme un Cheval de Troie inversé.
Si cette pièce a pu séduire le public athénien ravi de retrouver des allusions à l'Iliade et l'Odyssée, avec une lecture plus moderne je lui reproche des personnages plutôt caricaturaux, et un manque de clarté sur le genre de la pièce : faut-il pleurer ou faut-il rire ? J'ai cependant apprécié la force du personnage d'Hélène, qui domine tous les autres.
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On vous a toujours menti : Pâris n'a jamais enlevé Hélène de Sparte à Ménélas pour l'emmener comme compagne à Troie, déclenchant ainsi une des plus tragiques guerres que jamais légende ait rapportée. En réalité, Héra, furieuse de la réussite du stratagème d'Aphrodite et s'improvisant donneuse de leçons (elle avait essayé elle-même de corrompre Pâris...), enleva la vraie Hélène et la "déposa" en Égypte, au royaume du roi Protée. C'est une sorte d'ombre, de fantôme, de simulacre que Pâris emmena et pour laquelle l'armée grecque tout entière partit au combat, et, pour beaucoup, à la mort. Or Protée meurt, laissant son royaume à son fils Théoclymène, bien moins bienfaisant, puisqu'on comprend qu'il presse Hélène de l'épouser d'une manière si peu digne d'un hôte et d'un gentleman (j'adore employer des mots en parfait anachronisme, passez-moi ce petit plaisir), que celle-ci a élu domicile sur le tombeau de Protée, ce qui la préserve et de l'outrage, et du mariage. Là, elle se lamente de la perte de sa bonne réputation, du fait d'être un objet de malédiction de la part de tous les Grecs.

Or Ménélas arrive en Égypte. Les deux époux se retrouvent face à face et, détrompé, Ménélas ravi d'apprendre que ce n'est pas une femme souillée d'adultère qu'il récupère, mais la même, aussi amoureuse et fidèle qu'autrefois, va imaginer un stratagème pour l'emmener vers leur foyer à Sparte, finir leur vie ensemble...

Voilà encore une tragédie d'Euripide avec laquelle j'ai rendez-vous depuis bien longtemps, mais dont j'ignorais l'argument. Euripide ne manque, dans aucune pièce liée à la guerre de Troie, de maudire Hélène. La voilà curieusement épargnée, mais accablée, en même temps : qui voudra jamais croire à la pureté d'Hélène, qu'une histoire si rocambolesque atteste ? N'est-ce pas une façon de d'ironiser sur la seule excuse pour se réjouir du rabibochage de ce couple royal, à savoir si Hélène n'avait rien à se reprocher ? Nos sensibilités modernes pourront trouver très politiquement incorrecte cette façon de jeter l'opprobre sur cette femme, qui, dans un cas et dans d'autres pièces ou épopées, s'est fait enlever contre son gré par Pâris, et dans cette pièce en particulier, risque viol et mariage par Théoclymène qui ne l'intéresse pas ; la femme violentée est toujours peu ou prou soupçonnée d'être consentante. Une remarque de Ménélas lui ferait mériter ce qu'il craint : "La contrainte est pour toi un prétexte [pour céder]!"

Pour haut que ces considérations anachroniques et vaudevillesques, la thèse que les hommes se battent pour des simulacres, des chimères, et, des yeux de la postérité, sont morts pour des fantômes, est défendue sous la forme d'une très belle allégorie.

J'ai beaucoup aimé dans cette pièce le dialogue amoureux entre le mari et la femme, notamment lors du troisième stasimon.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Pas ma pièce préférée d'Euripide. Peut-être parce que pour moi l'idée qu'Hélène avait été remplacée par un simulacre est inimaginable. Je préfère largement la Hélène d'Homère rongée par le doute et la culpabilité ou celle des "Troyennes" sûre de sa beauté et ne regrettant rien. Mais cette Hélène entièrement innocente ne me touche pas. Après c'est une réaction personnelle. Lisez pour vous faire votre propre avis.
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