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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une inversion de l'histoire...
Une uchronie totalement réussie !
Doris, petite blonde anglaise, née dans une famille d'agriculteurs de choux, est enlevée, marquée, vendue, enchaînée par des esclavagistes.
Une anglaise ?!
Oui oui. Les rôles sont inversés et c'est encore plus poignant, percutant, révoltant que l'histoire dramatiquement connue.
Sûrement car nombreux n'ont jamais imaginé l'inverse.
L'afrika maîtresse du Monde se délecte d'amener la valeur du travail, le commerce envers et contre tout sur ces terres de l'Europan.
Bernardine Evaristo a frappé fort.
Je ne l'avais jamais lue et j'ai vraiment trouvé sa plume envoûtante.
L'histoire m'a transportée et indignée.
Mais elle est également très joliment racontée.
C'est une totale réussite.
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« Toute chose est sujette à interprétation : l'interprétation qui prévaut à un moment donné est une affaire de pouvoir et non de vérité ».
Nietzsche
« Des racines blondes » un futur grand classique qui restera gravé dans le marbre.
Solaire, coloré, judicieux, la pierre angulaire d'une littérature hors pair. Stimulant, complice, il prend notre visage dans ses mains, tout est connivence. Inventif, ici s'élève le fronton d'une fable finement politique.
Observez bien la carte géographique avant de commencer la lecture.
Le renversement de l'Histoire au garde-à-vous, une sacrée leçon lucide et implacable. Tel est le récit d'une autrice de renom, Bernardine Evaristo. L'Afrique conquérante, souveraine du monde. Les couleurs inversées, c'est le noir qui emporte la mise et croyez-moi bien, les signaux sont de sacrés avertissements et un retour du bâton. Les despotes devenus des esclaves, case noire et case blanche. L'antithétique en diapason, les couleurs mutent.
Le récit prend place. Nous sommes dans la magie d'une fiction de haute voltige.
Doris est une jeune enfant dont « les cheveux blonds raides coiffés en tresses auxquelles s'entremêlait du fil de fer et arrangées en cerceau au-dessus de la tête ». « Je voulais protester : nous les blanches n'avons pas la structure osseuse permettant de supporter cet échafaudage ». Elle vit avec ses parents, des serfs dans le Grand Nord en Angleterre. Ces derniers sont soumis au maître Lord Perceval Mortagne (Percy quand il avait le dos tourné). Et ce de génération en génération. Ils cultivent des choux, humbles et pauvres. La dime obligatoire, et tutti quanti. Doris va être kidnappée par des trafiquants et revendue en Aphrika. On ressent de plein fouet les mouvances de notre monde contemporain. La structure parabolique et insistante, le chef des esclaves est Kaga Konata Katamba 1er. « Quand Bwana m'a achetée, il a fait tatouer aussi son nom: KKK ». La peau marquée, la blancheur ensanglantée, la violence exacerbée, esclave devenue pour Madame Bienfaitrice, le masque, ne plus ressembler « aux misérables filles venues d'Europa ». « Je découvrais comment les Ambossans avaient endurci leur coeur contre notre humanité. Ils s'étaient convaincus que nous ne ressentions pas les choses de la même manière qu'eux et que par conséquent ils n'avaient pas à éprouver le moindre sentiment pour nous ». La transmutation coopère. Ce qui fût est bousculé. Les Arricians méprisent les occidentaux, les quartiers «Banlieues Vanille » « Cités Chocolat » pour les blancs libérés, tentes communautaires, symbole de nos propres rejets, la part sombre de notre contemporanéité. le récit vibre en rythme géopolitique et pointe du doigt, dans une subtilité hors norme car tout est suggéré et flouté, les méandres de nos racines historiques.
« Pour les Ambossans les Banlieues Vanille étaient en général Zone interdite, sauf pour les chérifs qui traquaient les fugitifs dans les dunes ».
Doris va chercher à s'échapper. le jour clef, où les Ambossans vont à la messe Voodoo, ce que d'aucuns ne manqueraient pour rien au monde. La fuite est risquée. Doris part, court, vole, se terre et ne désire qu'une liberté en advenir et son émancipation. Retrouver les siens et sa terre-mère. Sa tête est mise à prix pour qui ramènera la maigre esclave blonde Omorenomwara, alias Doris, et ce plutôt morte que vivante. Elle est dans le vif d'une peur intestine. le périple est houleux. La société hostile à sa vue-même. le racisme criant et son apparence frêle et apeurée font d'elle une source de vulnérabilité. Mais c'est mal la connaître.
Le récit est une transposition sociétale et idéologique. Les Noirs ont pris le pouvoir. La colonisation est caricaturée. Bernardine Evaristo décortique les diktats et ce roman devient malgré la fiction, un signal pour nos consciences. « Des racines blondes » où le summum est la création même de cette histoire. L'imagination de Bernardine Evaristo est le pictural de ce récit. Les noms des villes, des pays, les sous-entendus, les symboles forts. Europa l'île paradisiaque de la Nouvelle-Ambossa ou Japon-Occidental, et cetera. Il ne suffit pas de lire ce chef-d'oeuvre, mais de s'imprégner aussi des couleurs, des intuitions d'une autrice éveillée qui remet d'équerre le tracé de notre Histoire. Ce roman gorgé de vitalité et d'une haute intelligence dont la morale, « ne fais confiance qu'à ceux qui le méritent » est inventif, audacieux. Politique, mémoriel, ce conte fabuleux est un signal pour nos consciences. Et si c'était nous ?
Cette fresque engagée, excelle, tant elle est critique de notre monde et de nos habitus sociologiques. « Apprendre à toujours se méfier », comme le disait Prosper Mérimée.
« Considérée comme l'héritière de Toni Morrison » Bernardine Evaristo après Fille, femme, autre, Mr Loverman et Manifesto, Des racines blondes est une consécration littéraire. Traduit à la perfection de l'anglais (Royaume-Uni) par Françoise Adelstain, publié par les majeures Éditions Globe.
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Doris Scagglethorpe, jeune anglaise d'Europa a été kidnappée enfant et convoyée à fond de cale d'un navire marchand, vers la Grande-Ambossa, un archipel attaché au continent prospère d'Aphrika. Vendue à une riche famille pour tenir compagnie à leur fille puis revendue à un puissant propriétaire terrien, le chef Kaga Konata Katamba 1er (KKK), elle devient la secrétaire de "Bwana" jusqu'à ce que ses rêves de liberté la rattrapent. Son nom d'esclave est Omorenomwara traduit par « Pas destiné à souffrir ».

2 voix nous racontent ce livre, celle de Doris qui nous raconte sa condition et celle de Bwana qui se justifie de la normalité des choses.

« ne fais confiance qu'à ceux qui le méritent » de Bernadine Evaristo rentre en écho avec Prosper Mérimée « Apprendre à toujours se méfier ».

Une transposition sociétale et idéologique où les Noirs ont pris le pouvoir et les Blancs sont les esclaves. L'autrice décortique les diktats et ce roman devient, malgré la fiction, une prise de conscience.
J'ai retrouvé le questionnement qu'avait soulevé Octavia Butler dans Liens de sang avec sa protagoniste contemporaine qui retourne dans le passé.
Notre regard d'aujourd'hui, libre et instruit, nous empêche de concevoir pleinement l'impensable. Et la force de l'autrice réside dans les descriptions visuelles détaillées. « Des racines blondes » est pictural. Elle nous dévoile une fresque audacieuse. du nom des villes, des pays, en passant par les personnages, tout y est symbole.

Dans les livres qui parlent de l'esclavage, en tant que blancs d'aujourd'hui, nous avons l'empathie, nous sommes horrifiés, nous nous demandons COMMENT tout cela a pu se passer durant des siècles ! Mais dans ce livre nous le vivons vraiment. l'identification est saisissante. La frontière de l'oppresseur à l'oppressé franchie, on se demande plus comment mais POURQUOI.

« Toute chose est sujette à interprétation : l'interprétation qui prévaut à un moment donné est une affaire de pouvoir et non de vérité ». Nietzsche

Un conte fabuleux qui force le devoir de mémoire, inscrivant dans notre chair la violence historique pour ne jamais oublier.
Ce livre deviendra je l'espère, un grand classique de demain que tout le monde devrait lire !!

Le petit plus : la carte en début de livre nous permettant de nous situer dans ce nouveau monde.
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«Intérieurement, pourtant, je savais que les trafiquans d'esclaves n'abandonneraient jamais une telle vache à lait. L'un des business internationaux les plus lucratifs qu'on ait connus, comprenant le transport à grande échelle des Blancs embarqués par millions du continent Europa vers les îles du Japon-Occidental, ainsi baptisées quand le « grand » aventurier et explorateur Chinua Chikwuemeka, qui essayait de trouver une nouvelle route vers l'Asie, les avait confondues avec les légendaires îles du Japon. le nom leur était resté.
Me voici donc, habitante du Royaume-Uni de la Grande-Ambossa (R.U. ou G.A. en raccourci), lui-même partie du continent Aphrika. Qui se situe juste de l'autre côté de la Manche ambossane. On l'appelle aussi le continent ensoleillé, du fait de la chaleur torride qui y règne.
La Grande-Ambossa est en réalité une très petite île avec une population croissante qu'il faut nourrir et qui donc déplie ses petits doigts avides sur la totalité du globe, dévalisant des
pays et volant des personnes.
Moi y compris. Je suis l'une des Personnes Volées.»

Des racines blondes, Bernardine Evaristo @bernardineevaristo @editions_globe

Puissant🔥

Ce roman est absolument incroyable et bien pensé! Il réécrit l'histoire en inversant les rôles: ce sont les Blancs qui se retrouvent esclaves des Ambossans!

«Les Ambossans sont en général un peuple fier et vigoureux.
Selon une plaisanterie largement répandue, les Gambiens frappent à la porte, les Ghanéens la poussent et l'ouvrent, et à votre avis que font les Ambossans ? Ils la défoncent, mec !
Bwana était un vrai chef ambossan. Il avait les lèvres humides et spongieuses d'un homme habitué à les satisfaire, le nez large et poreux qui se fronçait quand il était agacé et suintait quand il enrageait, les épaules rigides de Monsieur Muscle et une corpulence qui lui conférait la solennité d'un vieux dictateur militaire.
Le riche mâle ambossan, souvent agile et mince comme un lévrier dans sa jeunesse, se forge un blindage de graisse en vieillissant. Un gros homme non seulement occupe un espace physique démesuré, mais marche en se dandinant et avec la lenteur de quelqu'un dont l'autorité n'est jamais mise en cause.»

Autant vous le dire directement: ce livre est une pépite! 👌🏼 le décor est planté dès le départ et les références à l'époque sont diverses et bien étayées!

« Ma seconde camarade de chambre était la jeune et joyeuse
Sitembile, qui venait d'avoir vingt ans. Elle aimait nous rappeler, à nous humbles mortels, qu'elle était née princesse Olivia de
Champfleur-Saxe-Cobourg-Grimaldi-Bourbon-Orléans-Habsbourg dans un palais de l'ancien territoire de Monaco.
Prise en otage au cours d'une guerre contre les Français, elle avait été vendue à ses kidnappeurs par son père le roi qui refusait de payer une rançon pour la libération d'une fille alors qu'il avait déjà cinq fils héritiers de la couronne.
Sitembile occupait la position enviée de laveuse des toilettes de la maisonnée, vidant approximativement cinquante pots de chambre tous les matins, avant de passer le reste de la journée à écoper les chiottes et à les arroser de désinfectant à la chaux pour dissuader les insectes et les mouches. »

En inversant les rôles, en transposant le vécu, la réalité prend une toute autre forme! C'est criant de réalisme, brut, violent, sans demi-mesure!

« Ils ont amené les « rebelles ». Un spectacle allait commencer.
Slade n'était pas parmi eux.
Puis j'ai aperçu Garanwyn, qui se traînait sur le sol en s'aidant d'un bras. On lui avait brisé les rotules. Les yeux disparaissaient sous des enflures et des ecchymoses. le côté droit du visage avait deux fois sa taille normale. Il lui manquait l'oreille gauche, la droite était de la chair ensanglantée. La poitrine s'était effondrée comme si on en avait extrait toutes les côtes. Un bras pendait, désarticulé. Il n'avait pas d'ongles aux mains ni aux pieds. Ses parties génitales étaient de la bouillie. »

La puissance du récit repose aussi sur le fait qu'il est à deux voix: un premier livre raconté par Doris, l'esclave qui souhaite retrouver sa liberté…

« Les Ambossans nous qualifiaient de tribus, mais nous étions des nations, chacune avec sa propre langue et ses drôles d'anciennes coutumes, comme dans les Territoires Frontaliers, où les hommes portaient des jupes en tartan sans caleçon dessous.
Les Ambossans qualifiaient aussi l'Europa de Continent Gris, à cause de ses ciels toujours couverts.
Mais si vous saviez combien me manquaient ces ciels gris nuageux.
Combien me manquaient le crachin et le vent qui me frappaient les oreilles. »

… un second livre de la main du Bwana, Seigneur puissant et incontesté, convaincu de sa légitimité…

« du fait qu'il est si rabougri, le cerveau caucasoïnide n'éprouve que des émotions émoussées. Tout comme les bêtes de somme qui travaillent les champs, le Caucasoï est incapable d'une émotivité aiguë, car son statut de Néo-Primate le situe à quelques pas seulement du règne animal et de ses besoins d'Ambulation, d'Agitation, de Capitulation, de Somnambulisme, d'Ejaculation, de Procréation, de Mastication, de Procrastination et d'Hibernation. »

Le troisième livre enfin rend la plume à Doris avec quelques incartades de Chef Kaga Konata Katamba Ier. Ce qui permet de rendre le récit plus vivant, plus intéressant avec l'alternance des points de vue et l'expérience de chacun.

« Oui, Cher Lecteur, les indigènes de ces terres commencent seulement maintenant à émerger des profondeurs abominables de la sauvagerie que nous, nations civilisées, avons abandonnée dans les temps préhistoriques. »

Un livre brillant et passionnant, un regard différent et percutant, une histoire d'esclavage comme vous n'en avez jamais lue!

Une pépite je vous dis 🌟
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