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Après les 4 as, le club des 5, les 12 salopards, les 47 Rônins et les 7 nains de Blanche-Neige, voici les 11 Chinois. 11 Chinois, tous affublés d'une «tête avec 7 orifices » (j'aime assez cette description précise, anatomiquement correcte et toute chinoise du visage humain), vivant dans une cabane de 11 mètres carrés secouée toutes les 7 minutes par l'express Pékin-Guangdong.

Sur la photo de famille, autour de Père, un fieffé alcoolique bagarreur cognant régulièrement femme et enfants, et de Mère, une aguicheuse de première qui fait du rentre dedans à tous les mâles du quartier, on a (de haut en bas, de droite à gauche, comme il convient de lire le chinois) : Frère aîné, qui travaille de nuit pour libérer un lit dans la cabane ; Frère Deuxième, suicidé après avoir été humilié par une jeune fille d'une classe sociale plus élevée ; Frère Troisième, une vraie brute à la tête de dragon et aux muscles de tyran ; Frère Quatrième, dont l'infirmité le préserve du chaos qui l'entoure; Soeur Grand Parfum, une pauvrette pas bien méchante ; les jumeaux, Frère Cinquième et Frère Sixième, roublards professionnels ; Soeur Petit Parfum, vicieuse et aguicheuse comme sa maman ; et Frère Septième, le souffre-douleur. En bas à gauche, dans une boite sous une fine couche de terre et des fleurs rouges flamboyantes, c'est Frère Huitième, qui se « contente de regarder, calmement et éternellement, là-bas au pied de la montagne, vers cette vue splendide en perpétuelle transformation. »

C'est très rythmé, truculent et irrévérencieux. Ça va à toute allure, on s'attache pourtant à cette famille d'avant la politique de l'enfant unique, une famille misérable de dockers, qui vit de petits boulots, de rapines et de glanages. Ça m'a fait penser au film « Affreux, sales et méchants », version nouilles de riz et sauce soja.

Malgré la misère, cela reste un roman lumineux, car l'avenir ne peut être que meilleur…
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« Septième Frère dit : la vie, c'est comme les feuilles d'un arbre, un va-et-vient incessant. le destin des bourgeons du printemps est de voltiger en automne. Tous les chemins conduisent à la même fin ; »

Je vois que tu as déjà fait connaissance avec Septième Frère. Laisse-moi te présenter le reste de la famille : avant Septième Frère, il y a eu Sixième Frère et Cinquième Frère – les jumeaux – puis Quatrième Frère, Troisième Frère, Deuxième Frère – le plus sympa – et Premier Frère… Il y a aussi deux soeurs, Petit Parfum et Grand Parfum, mais elles ne comptent pas vraiment. Puis Mère, cougar à ses heures perdues, qui semble séduire tous les hommes qui passent. Et enfin Père, alcoolique notoire, ouvrier sur les docks et qui n'hésitent pas à battre ses enfants pour obtenir le respect – et surtout qui oblige Septième Frère rachitique à dormir à même le sol dans la boue et la moisissure. de cette paillasse à même le sol sortiront certainement sa détermination et sa force de caractère….

Bonjour l'ambiance, à onze dans cette minuscule cabane qui tremble de tout son bois lorsque le train passe à moins de cinq mètres de ses fondations. Je ne t'avais pas prévenu avant : l'atmosphère n'est pas des plus chaleureuses, encore moins heureuses. Une vie morose et triste. Mais tu n'es pas là pour te larmoyer du sort de cette petite famille de prolétaire chinois. Parce qu'au final il n'y a pas de quoi pleurer, c'est juste le quotidien presque banal d'une telle famille.

Fang Fang, l'auteure qui rime avec Ylang Ylang, l'exotisme en moins. La romancière a fait sensation avec ce livre lors de sa parution en 1987. Elle montre ainsi à travers le témoignage des membres de cette famille ce que peut être l'avenir de tels gens dans cette Chine contemporaine après la Révolution culturelle et la libéralisation économique du pays. En un sens, elle m'a fait penser également aux écrits du tout récent prix Nobel, Mo Yan. Je m'y suis amusé de cette plume franche, même si l'histoire ne prêterait pas à rire, les situations deviennent parfois cocasses, les anecdotes se mêlent aux grands moments politiques et économiques du pays. Oui, j'ai souri de ces petits malheurs. Je suis peut-être cruel alors que Père frappe ses gosses sous l'emprise de l'alcool, lorsque Cinquième Frère – ou Sixième, je les confonds – se fait tabasser par quelques membres d'une mafia locale juste pour les beaux yeux d'une sublime chinoise en robe rouge. Parce qu'il faut bien réagir, et ce livre est une formidable découverte.

«Septième Frère part toujours le dimanche matin très tôt ; cette famille lui répugne. Il n'a pas envie de regarder Père picoler, engueuler son monde et lancer dans un râle un gros crachat vert au milieu de la pièce. Il a horreur de voir Mère, maigre comme une allumette, jouer à la jolie gazelle dès qu'elle voit un homme et raconter comment le beau-père de telle famille a séduit sa bru et comment la belle-mère de telle famille a séduit son gendre. »

Au fait, tu t'apercevras qu'il est souvent question de Septième Frère dans ce roman, celui qui a cherché à s'élever – à tout prix – dans l'échelle sociale. Et de fait, je n'ai pas encore parlé du narrateur. Ce dernier n'est autre que Huitième Frère, celui qui sembla avoir eu la meilleure vie, qui lui permet d'observer avec un profond détachement des actes et déboires de sa propre famille. Huitième Frère, le seul fils aimé de Père, qui n'a vécu que quelques jours et qui se trouve enterré dans une petite boite en bois au pied de la cabane. de là, il a ainsi « une vue splendide » sur sa famille.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Ce roman est terrible de bout en bout. Fang Fang nous y narre le destin d'une famille, vu par les yeux du huitième enfant mort quand il avait quinze jours.

Cette famille vit dans une pauvreté extrême : la difficulté à se nourrir, la promiscuité de leur minuscule pièce (le septième fils dort sous le lit, le bruit incessant du train qui passe toutes les sept minutes, etc.

Nous y découvrons une vie d'une grande cruauté où il y a peu de place pour les sentiments : les femmes et enfants se font battre, les plus pauvres sont dénigrés, tout est bon pour obtenir une ascension sociale. La difficulté de cette vie pousse les gens à chercher un avenir meilleur.

À travers ce récit se fond en filigrane l'Histoire de la Chine : de la famine lors du Grand bond en avant aux horreurs de la Révolution culturelle, puis à l'enrichissement à tout va avec l'autorisation de Deng Xiaoping à posséder une entreprise privée et enfin la loi de l'enfant unique ne permettant plus aux Chinois d'avoir une floppée d'enfants comme les encourageait Mao à son époque.

La plume de Fang Fang est intéressante et ne cesse d'évoluer en fonction des romans qu'elle écrit. Ici, elle utilise un langage simple afin de s'adapter à son narrateur qui, rappelons-le, est censé être un bébé.

Fang Fang, tout comme l'auteure Chi Li, met en avant le destin des petites gens, ces personnes à la vie dure qui font progresser la Chine à la force de leurs bras et à la sueur de leur front.
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J'ai découvert Fang Fang il y a peu, avec son Wuhan, ville close.
J'avais aimé sa plume vive et acérée, et le regard lucide qu'elle portait sur son pays.

Ici, il en est un peu de même, on est toujours à Wuhan, quelques décennies avant la pandémie.
Mais ce n'est pas dans le quartier des intellectuels que se déroule cette histoire, cette fois on est près des docks, dans un endroit aussi pauvre que laid, là où la ligne ferroviaire laisse passer, inexorablement, toutes les 7minutes, un train bruyant et polluant.
Ce coin s'appelle Henan Pengzi, et le moins que l'on puisse en dire c'est que ce n'est pas un quartier huppé, on est plus près de la cour des miracles!
Dans une cabane de 15m2 vit la famille de Huitième frère ; lui, Huitième frère, est sous la fenêtre extérieure, enterré dans une boîte en bois, il est mort bébé, et, par la magie de la littérature, il raconte comment se déroule la vie de ses parents et frères et soeurs.
Parmi ces onze personnages(Père, Mère, Frère aîné, Deuxième, Troisième, Quatrième, Cinquième, Sixième et Septième Frères, Grand Parfum et Petit Parfum) aucun n'est sympathique ou attirant, ils ont tous une tare, un défaut, un handicap, ils sont tous mesquins, méchants, manipulateurs, agressifs, idiots, j'en passe et des meilleurs !
Et pourtant, pourtant....comme on s'attache à eux! surtout à Septième Frère, probablement parce qu'il a longtemps été le souffre-douleur de toute cette bande sans coeur !

J'ai passé un excellent moment en compagnie de ces gens pourtant peu recommandables, et j'ai compris pourquoi Vue splendide a tant fait parler lors de sa parution. C'est une description sans fard, extrême, d'une partie de la population chinoise d'avant la Révolution culturelle, d'avant la modernité.....
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Avec ce roman publié en 1987, Fang Fang a réussi un coup de maître. Ce récit de la vie d'une famille chinoise donne une image réaliste des prolétaires, qui m'a vraiment estomaqué. Tous les personnages sont bien typés, mais il y en a trois qui crèvent l'écran: Père, une brute alcoolique; Mère, une femme qui cherche à attirer les hommes; et Septième Frère qui est le souffre-douleur parce que Père doute de sa paternité: on le traite pire qu'un chien. En famille, les coups pleuvent, les vexations se succèdent et les injures fusent; le vacarme du train passant à quelques mètres de la cahutte rythme le quotidien. Ce n'est pas mieux à l'extérieur, où on lutte pour sa (sur)vie et où les bagarres sont fréquentes. La société chinoise décrite ici ne date pas du Moyen-Age, mais du XXème siècle. Elle se caractérise par une dramatique pauvreté et une effrayante brutalité. Mais pour tous, y compris pour Septième Frère, c'est ça la vie; on ne se révolte pas. Parfois, certains trouvent même des moments de fruste bonheur...

Toute la famille est passée en revue, les sept frères vivants et les deux soeurs (qui sont des pestes). Chacun a son caractère et son chemin. Fang Fang raconte très bien leurs pitoyables aventures, sans pathos. Le réalisme que je mentionnais plus haut n'a aucune lourdeur, le lecteur captivé accompagne au jour le jour les héros malheureux. Il est remarquable de signaler que, suite à des événements qui dépassent la famille (notamment la Révolution Culturelle), Septième Frère quittera sa famille et entamera une ascension sociale inespérée. Toute cette histoire est racontée par Huitième Frère, décédé peu après sa naissance et enterré près de la maison. Selon moi, ce procédé narratif n'apporte pas grand-chose au récit. Il n'en reste pas moins que le roman m'a fait une forte impression.
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Imaginez les "Affreux, Sales et Méchants" d'Ettore Scola transposés dans la Chine d'avant, pendant et un peu après la Révolution culturelle.....
Est-ce un hasard si le frère le plus intelligent, le plus instruit, se laisse littéralement mourir, transpercé par une fulgurante déception amoureuse? Si le Septième frère, enfant martyr de la famille, devient cadre du parti, tandis que deux autres frères appliquent à corps perdu la fameuse consigne "Enrichissez-vous!".
Mais je m'interroge: dans ce très surprenant roman paru en 1987, le narrateur omniscient ( ce nourrisson enterré à l'âge de 16 jours et qui observe sans jamais juger ni s'indigner cette monstrueuse famille ), ce narrateur qui sait tout sur tout et sur tout le monde , ne serait-ce pas l'Ame de la Chine Eternelle?
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Huitième Frère est le narrateur de ce récit original et dépaysant. En effet, notre petit héros est enterré sous le fenêtre car il est décédé à seize jours. C'est donc de son point de vue qui lui permet d'avoir "une vue splendide" que nous suivons l'histoire de famille. Et ce n'est pas une famille ordinaire en comparaison des familles actuelles suivant la politique de l'enfant unique.

Entassés à onze dans une toute petite cabane frémissant au rythme des trains qui passent à proximité, tous les membres grandissent dans la misère et l'insécurité. le père, colosse docker et ivrogne fait régner la tyrannie, inculquant l'inculture, le vol et tous ces préceptes honnis d'un autre temps. Nous nous immisçons dans les heurs et malheurs familiaux et sommes atterrés de constater que Septième Frère a été pris comme bouc émissaire. Paria du cercle, il vit sous le lit parental et se traine comme un chien nauséabond.
Plus généralement, tous les enfants - neuf au total - semblent pousser comme des mauvaises herbes et traversent la Révolution culturelle avec pour seul espoir de s'élever de cette si basse condition à laquelle ils sont réduits.

Ce qui m'a profondément ému c'est cette vision de l'histoire par le petit dernier de la famille qui a traversé la vie comme une comète. On le sent compatissant et paisible, tout près, cloitré dans sa petite boîte. C'est ce franc-parler qui a fait sensation en Chine lors de la parution du livre en 1987 car, comme on dit, "la vérité sort de la bouche d'un enfant" et ce tout-petit qui n'a pas eu le temps d'apprendre les convenances et les jugements de valeur livre tout à trac.
Qualifié comme le petit bout de fantôme, très présent pour le père qui ne s'est jamais remis de sa parte, le regard ingénu sur cette famille du Wuhan n'est pas sans nous rappeler Zola ou les Pieds Nickelés, car nous oscillons entre rire et larmes. Parce que le livre est d'une belle poésie et il semble plus s'apparenter à un joli conte qu'à un récit morbide sur la misère humaine.
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Je n'aurais sans doute jamais lu ce livre si son auteur Fang Fang n'avait pas publié "Wuhan, ville close" et je serais passée à côté d'une écrivaine courageuse et instructive. Marie Claire Huot qui enseigne le chinois à l'université de Montréal fait une très belle préface à une vue splendide qui a fait sensation lors de sa parution en Chine en 1987. "tout ce qu'on voudrait hors de vue est exposé :obscénité, viol, meurtre, suicide,infirmité, violence intrafamiliale ou entre gangs, vanité, cupidité, trahison,indifférence, alcoolisme, sexisme,machisme, opportunisme." C'est le huitième enfant mort peu après sa naissance qui raconte la vie de ses parents et celles de ces frères et soeurs de leur naissance à leur quarantaine à travers les grands bouleversements qu'a connus la Chine des années 50 aux années 90. le procédé est habile de faire parler un petit mort enterré au pied de la mansarde des parents qui se taira lorsque les parents seront expulsés; cela permet de dire beaucoup sans jugement !
Un pays étonnant dont l'Occident commence tout juste à prendre conscience et la puissance de la littérature pour dire le monde.
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Le petit Huitième, mort à 16 jours, a été enterré sous la fenêtre de la maison. Maison est un bien grand mot car il s'agit plus exactement d'une unique pièce de 13m², où s'entassent une famille chinoise de 11 personnes, frôlé toutes les 7 minutes par le train !
C'est Petit Huitième qui nous raconte le quotidien de ses parents, frères et soeurs.
Loin d'allier amour et protection, cette famille plongée dans la misère ne jure que par le chacun pour soi.
Le père, docker bagarreur et alcoolique bat sa femme et s'acharne sur Septième frère, dernier né traité comme un chien et qui dort sous le lit parental, faute de place. La mère aguiche les voisins et considère qu'être battue est une soupape nécessaire pour son mari. Grand frère travaille la nuit pour pouvoir dormir le jour, toujours faute de place. Bref les enfants ne souhaiteront qu'une chose : quitter au plus vite ce lieu sordide.

Vue par par l'innocence du regard du Petit Huitième, le portrait de cette famille est encore plus choquant. Aucun jugement de valeur n'est donné, au lecteur de se faire la sienne. Mais il n'est pas difficile de comprendre la cruauté des uns et des autres dans le luxe de détails offerts par l'auteur. La famille n'est qu'un cercle aléatoire de personnes. L'échec et le malheur leur ont fait oublier le sens des mots amour et famille. Fang Fang y dénonce aussi les conséquences du libéralisme : Il n'est pas anodin que le seul membre ayant "réussi" sa vie est celui qui aura écrasé tout le monde par rancoeur et qui aura su jouer de ses relations pour gagner de l'argent et un statut qu'il ne mérite pas.

Fang Fang, auteur du courant réaliste chinois, nous donne ici un véritable documentaire sur la vie d'une famille ouvrière pauvre des années 60-70 par l'intermédiaire du regard d'un enfant nous rapportant les choses les plus crues, comme les plus violentes avec la candeur et l'inconséquence de son age.
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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Un livre “politiquement incorrect” mais littérairement étonnant et détonnant.
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