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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'ai été très perturbée à la lecture de ce livre, oscillant entre approbation et lassitude.
Le livre date vraiment et s'appuie sur la psychanalyse, il y a des jugements très durs, agressifs, vis-à-vis d'autres auteurs et autrices, et reposant sur des analyses psychanalytiques faites à distance. Il a été publié en 1952, et on sent que les sciences humaines ont fait de gros progrès en 70 ans (heureusement!) donc ça le rend assez peu utile, même s'il y a des points intéressants, par ci, par là.
Il est peut être à réserver aux personnes qui souhaitent avoir une vision historique, de l'évolution des luttes anti-racistes et de l'évolution des représentations sociales; et étudier des documents de différentes époques.
Pour avoir une vision plus actuelle ou universelle du racisme et des mécanismes de domination sociale, il vaudra mieux se pencher sur des livres de psychologie sociale ou de sociologie plus récents.
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Je ne connais absolument rien à la psychanalyse, je ne vais donc rien dire sur cet aspect de l'ouvrage - même si j'ai l'impression que d'après elle, tous nos comportements sont à interpréter sous l'angle de la sexualité.
Ce qui m'a intéressée, c'est donc ce que je connais mieux, c'est-à-dire l'aspect historique. On m'avait parlé de ce texte lors de mes études sur les sociétés coloniales, et notamment sur les circulations au sein de l'Empire français. Et ici, il s'agit bien de cela : Frantz Fanon publie son ouvrage en 1952, c'est-à-dire à un moment où l'Afrique est encore quasiment totalement colonisée par les Européens, où la guerre d'Algérie n'a pas commencé. Et c'est ce contexte qui explique les maladies mentales dont souffrent ses patients, mais plus largement, tous les hommes et les femmes noirs en contexte colonial : le racisme s'appuie sur une supériorité et une domination politique. Or, Fanon écrit en temps qu'Antillais, qui a fait ses études à Paris : il explique bien que, dans la France coloniale, les Antillais - les Martiniquais faisant ensuite une distinction entre eux et les Guadeloupéens - instrumentalisent les divisions et créent une hiérarchie entre les groupes : les Martiniquais sont perçus comme plus éduqués, plus proches des Blancs, car Français depuis plus longtemps, que les Sénégalais, terme générique pour les Noirs d'Afrique. A l'intérieur même des colonisés, ceux-ci reproduisent donc implicitement la hiérarchie que leur impose le colonisateur, avec les valeurs associées. Cela montre aussi que l'on circule dans cet espace colonial, avec des "Sénégalais" associés à la guerre, et les Antillais à l'éducation et à la culture : les élèves brillants partent en métropole étudier la médecine, le droit, la littérature, et c'est là qu'ils rencontrent le racisme de façon systématique, étant alors confrontés à leur différence. J'ai particulièrement apprécié les nombreuses références aux poètes de la négritude, même si je n'ai encore lu que Cahier d'un retour au pays natal. On sent que si Fanon n'apprécie pas toutes les idées de Césaire, il l'admire comme poète.
J'ai aussi été intéressée par l'aspect culturel et éducatif dans la construction de l'identité : je ne sais pas si c'est un des premiers penseurs à le faire, mais Fanon insiste sur le rôle de la culture populaire, films et comics, dans la construction identitaire d'un enfant. Ainsi, un jeune martiniquais apprenant "nos ancêtres les Gaulois", lisant des récits d'aventures, s'identifie aux personnages de héros, même s'ils sont blancs. Et la figure négative, le traître, le lâche, le méchant, est donc associé "au Noir très noir", au "Sénégalais", celui qui est un bouc émissaire porteur de valeurs répulsives, comme l'est le juif dans la conception antisémite. Fanon s'appuie d'ailleurs beaucoup sur les études de Sartre sur l'antisémitisme pour comparer les Noirs et les juifs.
Je n'ai donc pas tout compris sur les aspects théoriques liés à la psychanalyse, les aspects médicaux, mais j'ai apprécié cette oeuvre d'un point de vue historique, en voyant bien pourquoi elle peut servir de source aux historiens des post-colonial studies : c'est un témoignage direct d'un colonisé, qui se voit comme tel - même s'il se voit d'abord comme Noir face aux Blancs, qui sont les colonisateurs.
Il termine enfin par un message très politique, très personnel aussi sans doute, qui pourrait être très actuel "que cesse à jamais l'asservissement de l'homme par l'homme. C'est-à-dire de moi par un autre. Qu'il me soit permis de découvrir et de vouloir l'homme, où qu'il se trouve". Il faut dépasser cette opposition raciale et raciste, s'unir contre le véritable ennemi - qui est selon lui le capitalisme. Et pour finir, je citerai sa dernière phrase qu'il formule comme une prière et que je trouve très belle: "O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! "
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Peau noire, masques blancs
La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir-Blanc a gardé toute sa valeur prophétique : car le racisme, malgré les horreurs dont il a affligé le monde, reste un problème d'avenir.
Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l'homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser pour beaucoup d'intellectuels du tiers monde.

Frantz Fanon (1925-1961)
Né à Fort-de-France, il s'engage dans les Forces française libre en 1943, puis étudie la médecine, la philosophie et la psychologie à Lyon. Il devient médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida, mais il est expulsé d'Algérie en 1957 et s'installe à Tunis où il reste lié avec les dirigeants du GPRA. Il meurt d'une leucémie après avoir publié deux autres ouvrages consacrés à la révolution algérienne et à la décolonisation.

Avis :
S'apparente à une thèse de psychiatrie, hyper documenté avec de nombreuses analyses et passages de la littérature concernant les causes du racisme et de l'antisemitisme. Hyper intéressant même si parfois un peu dense et Technique. A mettre entre toutes les mains, surtout celles des Femmes et des hommes qui s'interrogent
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L'essai d'un grand intellectuel, un maître-à-penser dans le champ de l'antiracisme et de la décolonisation. Il aborde les représentations négatives et racistes des Noirs, infamantes, et la domination culturelle et psychique des Blancs. Un auteur incontournable, qui a étudié la médecine, la philosophie, mais aussi la psychanalyse, ce qui est très perceptible dans ce texte. Ce jeune médecin de 27 ans explique la psychologie d'un Noir antillais, qui ne se considère pas comme Noir tant qu'il n'a pas rencontré de Blanc de la métropole... c'est dans le regard de l'autre, à cause du regard de l'autre, qu'il déchoit. Frantz Fanon met à nu les mécanismes de l'aliénation : ce qu'est le racisme intégré, intériorisé. Un bel essai écrit en 1952, daté pour certains passages, mais toujours aussi pertinent et vibrant dans sa dénonciation du racisme.
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Dans son introduction à "Peau noire, masques blancs", Frantz Fanon explique que son ouvrage est une étude clinique, dont le but est d'analyser le cercle vicieux qui enferme noirs et blancs dans des rapports de sujétion générateurs d'incompréhension.

Il nous propose pour se faire de découvrir dans un premier temps "les différentes positions qu'adopte le nègre face à la civilisation blanche", pour ensuite développer les conséquences de cette confrontation sur la perception qu'a le noir de lui-même, et, par extension, de sa race.
Pour réaliser cette analyse, l'auteur s'appuie sur des cas qu'il a eu lui-même l'occasion de traiter, dans le cadre de l'exercice de sa profession de psychiatre aux Antilles, ainsi que sur des témoignages littéraires relatifs à son sujet d'étude et contemporains de la rédaction de son ouvrage.

Le but de ce travail, en mettant au jour les mécanismes d'infériorisation du noir, est de le désaliéner, le sortir du reniement de soi acquis durant la colonisation.

"Il s'agit de savoir s'il est possible au noir de dépasser son sentiment de diminution".

Après des siècles de domination européenne (par le biais de l'esclavage puis de la colonisation), d'humiliation, de non reconnaissance de l'individu dans son intégrité, le blanc est parvenu à inculquer au noir la haine de soi et de ses semblables. A la faveur des écrits (romans, livres scolaires, affiches publicitaires) et des images (cinémas) issues de la culture occidentale, il l'a de plus amené à se constituer une vision du monde blanche : aucune expression noire ne lui étant offerte, sa culture et son histoire étant oblitérées, l'indigène est lui-même anéanti, déstructuré en tant qu'homme. Il n'existe qu'avec et par le colon, qu'en tant que "négatif" du blanc. Se conformant à l'image de nègre primitif, abruti, analphabète, qui lui a été servie, il adopte une attitude servile, d'éternel coupable.
Dans ce contexte, la seule solution pour s'humaniser est à ses yeux de "devenir blanc", par mimétisme, assimilation, par le biais notamment du langage (le créole est délaissé au profit du français), mimétisme qui suppose le rejet de ses semblables.

Frantz Fanon nous fait bien comprendre qu'à partir du moment où un peuple est colonisé, il n'est plus lui-même. La colonisation a des conséquences économiques, sociales et psychologiques sur l'indigénat, et occasionne forcément une blessure absolue et profonde dans l'inconscient des masses colonisées. Elle amène à une conception manichéenne du monde, les noirs et blancs représentant deux pôles en lutte perpétuelle. Cette lutte est reproduite dans la conscience du noir.

L'auteur réfute les théories qui prétendent que le sentiment d'infériorité du noir serait inhérent à sa nature, et que les peuples colonisés éprouveraient un besoin de dépendance que le colon se contente finalement d'assouvir... Il réplique que c'est le colon qui crée le colonisé, et précise que, d'après son étude, "aux Antilles, toute névrose, tout comportement anormal, tout éréthisme affectif est la résultante de la situation culturelle", et non d'un quelconque patrimoine génétique.

"L'infériorisation est le corrélatif indigène de la supériorisation européenne. Ayons le courage de le dire : c'est le raciste qui créé l' infériorisé".

La lecture de "Peau noire, masques blancs" n'est pas spécialement facile : certains développements, exprimés d'un point de vue purement psychiatrique, m'ont échappée. L'ensemble de l'argumentation de l'auteur n'en reste pas moins très intéressante, dans sa démonstration que le colonialisme n'a jamais été source de bienfaits pour l'indigénat. Elle permet de saisir une partie de la mesure des dégâts infligés par le joug européen à la fois sur les psychés individuelles et sur la conscience collective des peuples colonisés.

Le souhait de Frantz Fanon est de "ré-humaniser" le noir, de lui rendre son statut d'homme. Il doit pour cela se rapproprier sa propre histoire, sa propre culture, et, dans une dynamique d'ouverture au monde, la partager, et la faire connaître.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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«Noir c'est noir» et bien non c'est plus compliqué que ça et Frantz Fanon a grand coup de psychologie adlérienne, freudienne, de philosophie hégélienne et littérature concordante va nous en faire restrictivement la démonstration car étant antillais ses observations et ses conclusions ne valent que pour les Antilles. Une restriction de la négritude, mot à prendre au sens de Danny Laferrière.
«Beaucoup de nègres ne se retrouveront pas dans les lignes qui vont suivre. Pareillement beaucoup de Blancs», «d'origine, — tout au moins en ce qui concerne le Noir chez lui»
Un texte politique, pourtant Fanon le donne pour psychologique, que l'on verra comme didactique et professoral avec l' abus de termes spécialisés de psychanalyse comme si Fanon voulait convaincre de sa compétence et sa valeur littéraire. Ces abus nuisent à la compréhension du texte et en noient parfois le sens mais ils se justifient si et seulement si ils s'adressent à d'éventuels détracteurs mais de détracteurs spécialisés comme lui en psychiatrie et politique: Ce texte s'adresse à l' élite du moment et donc le lecteur contemporain en subit les conséquences..
Les exemples choisis sont toutefois plutôt étonnants, amusants presque pince-sans-rire mais pas tous loin de là.
Ils permettent d'aérer un peu le texte et sont très parlant pour un néophyte en psychologie et philosophie.
le texte un peu agressif donne le ton fermement : Fanon n'est pas là pour s'excuser (entre nous il fait bien) mais ses démonstrations explicatives sont parfois difficile à saisir en raison des digressions fréquentes de «ni-ni», «je l'ai pas dit fort» à la Coluche qui passent pour excuses faisant passer ou non la pilule.
«Oui, il faut que je me surveille dans mon élocution... On dira il ne sait même pas parler le français.» Fanon a péché par modestie et vanité sachant que son langage de psy est réservé à cette époque à une élite médicale psy voir littéraire et politique, un effet pour se minorer faussement et en recevoir l'effet inverse: il se fait mousser.
Un texte volontairement artificieux, non pas écrit pour convaincre (d'ailleurs on se demande bien qui a lu à cette époque le livre de Fanon mis à part les gens au fait de la question : politiques et lettrés) mais surtout pour clore le bec à certains prosateurs racistes de l'époque car, d'une part, le texte est trop technique et que d'autre part, on s'aperçoit qu'il est valable pour une bonne majorité d' individus soumise aux caprices de leurs «Grands» et ce quelque soit la race et la couleur de la peau.
la citation de Césaire mise en exergue « Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme» qui pourrait être un aphorisme marxiste et communiste et qui ne concerne pas seulement les noirs mais tous les déshérités qui ont a subir le joug des puissants.
On aurait aimé qu'il y ait moins de «nature pré-oedipienne, conflits post-oedipiens, de phénoménologie et symptomatologie et autres termes spécialisés» qui enferment le lecteur dans une logique de psy et l'éloignent de la vraie vie c'est à dire du sujet concret.
L'écueil de ce genre d'ouvrage c'est l'ennui qui guette le lecteur ou le décrochage et pour suivre les raisonnements de Fanon il faut s'accrocher.
On apprécie toutefois le livre dans son contexte, son époque mais il est, il faut bien le reconnaître, aujourd'hui un peu désuet. le discours tenu est dépassé mais le fond reste très vrai et le restera encore longtemps
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