Le vase à fleurs, la chemise de flanelle, la coupe du singe... des images qui vous évoquent un tableau ? Une nature morte peut-être ? Vous y êtes presque, sauf que dans "
Paz", ces tableaux figurent des cadavres bien réels, mis en scène de façon à évoquer la Violencia, cette guerre civile qui a causé plus de deux cent mille morts en Colombie, entre 1948 et 1960. Une époque que l'on pensait révolue, mais voilà que de nos jours une nouvelle explosion de violence secoue le pays, mettant à rude épreuve les nerfs de Lautaro Bagader, chef de la police criminel
le de Bogota. Avec sa brigade secrète, il tente de résoudre le mystère de ces meurtres en série qui ont lieu aux quatre coins du pays, laissant derrière eux des corps suppliciés et démembrés.
C'est que les élections sont proches, et son père Saul, le Procureur Général de la Fiscalia, proche du candidat représentant la paix et la réconciliation du pays, est inquiet pour l'image de marque de celui-ci. Maintenant que le problème Farc est officiellement réglé, ce n'est pas le moment de faire face à une nouvelle crise !
Les FARC, justement : Les Forces Armées révolutionnaires de Colombie, cette guérilla rura
le dont nous avons entendu parler en France suite à l'enlèvement d'Ingrid Bettencourt. Et bien figurez-vous que Saul a un deuxième fils, Angel (frère de Lautaro, si vous avez bien suivi) qui s'était engagé à leur côté, il y a vingt ans et qui a officiellement disparu lors des missions de "pacification" (les raids de l'armée). En réalité, Angel a été le seul rescapé de son unité, et il en a bavé...Aujourd'hui, sous une identité d'emprunt il est inclus dans un programme de réinsertion sous l'égide d'une jolie formatrice, Flora Ibanez, et occupe un emploi dans une librairie. Il n'a qu'un seul espoir dans la vie : retrouver la fille qu'il a eu avec Valeria, sa compagne abattue pendant les années de clandestinité, qu'ils avaient confié à la grand-mère de celle-ci. Luisa a maintenant 15 ans, son père ne l'a pas revue depuis dix ans, et il vient d'apprendre que la grand-mère a été assassinée à son tour dans le cadre de cette vague de violence qui déferle sur le pays.
Une dernière protagoniste manque encore à l'appel pour que le tableau soit complet, c'est Diana Duzan, une reporter d'investigation intrépide qui travaille pour le journal El Espectador, et s'est retrouvé par le hasard de Tinder dans le lit de Lautaro, un matin où celui-ci est appelé à l'aube par son bras droit, un nouveau cadavre de femme ayant été trouvé exposé en plein coeur de la vil
le. Diana va flairer le scoop, et va fouiller dans les petits secrets (nombreux) de la famille Bagader.
Maintenant que tous les acteurs sont réunis, l'action peut se mettre en place, et croyez-moi, vous n'allez pas vous en remettre ! C'était mon premier
Caryl Férey, et je peux vous dire que pour un baptême, j'en ai pris plein la tête... Dire que j'avais eu du mal à digérer "
Congo requiem" de
Jean-Christophe Grangé, là on est clairement dans le registre au-dessus niveau violence, parce qu'en plus, on sait que ce n'est qu'une version "édulcorée" de faits réels, selon les notes de l'auteur en fin de volume. Les reportages ont beau vanter l'attrait touristique de la Colombie, soi-disant débarrassée des narco-trafiquants et des guerres civiles qui l'ont déchirée, je vous assure qu'après cette lecture je ne suis pas près d'y mettre les pieds. L'auteur est connu pour se documenter à fond, d'ailleurs il a voyagé dans le monde entier pour un éditeur de guides touristiques, et il connait bien tous les pays qu'il décrit dans ses romans.
J'ai eu vraiment du mal à certains moments, j'ai dû interrompre ma lecture parce que j'avais les images en tête (d'ailleurs j'en ai fait des cauchemars). On ne peut même pas dire que les descriptions sont complaisantes, elle reflètent les pratiques locales, c'est tout. Heureusement que les personnages font montre d'un peu d'humanité de temps en temps (enfin certains !), parce que sinon je pense que j'aurais abandonné. Et pourtant...on pourrait penser que j'ai détesté ce roman, mais ce n'est pas du tout le cas, au contraire j'ai été emportée par la narration et l'histoire de chacun des protagonistes, j'avais besoin de savoir comment tout ceci allait se terminer. Et j'ai été comme fascinée, sous emprise même pourrait-on dire, comme quand on ne peut détacher son regard d'une scène particulièrement glauque au cinéma.
Par moments je me suis sentie un peu perdue aussi, ne connaissant pas bien l'histoire de la Colombie et les multiples factions qui se sont affrontées lors du siècle écoulé, il faudrait presque se faire un vade-mecum pour différencier chaque groupe parmi les "bons" et les "méchants". En fait c'est loin d'être aussi tranché.... J'ai eu aussi un peu de mal avec l'écriture de
Caryl Férey, je n'ai pas toujours compris ses métaphores ou certaines expressions jamais rencontrées ailleurs. C'est un récit foisonnant où l'on suit chacun des principaux protagonistes tour à tour, et ils sont loin d'avoir des personnalités lisses !
Je suis absolument incapab
le de mettre une note à ce roman qui m'a captivée-dégoûtée-ébahie et qui me donne quand même envie de découvrir d'autres oeuvres de l'auteur, mais pas tout de suite, oh non ! Je déconseille formellement aux lecteurs et lectrices sensibles ou impressionnables, vous en perdriez le sommeil. Par contre si vous aimez plonger dans la noirceur de l'âme humaine, foncez !