Elle pressentait que les mœurs changent plus que le fond des âmes.
[...] on attend que les autres vous aident à passer le moment noir, mais les autres peuvent rien.
-Deuxième partie-Chap 3-p.92-
Elle avait la patience et l'élan pour accueillir l'enfant, découvrir son visage à l'instant où la douleur cesserait. Toutes ses frayeurs l'avaient quittée. C'est sans doute l'attente des choses, plus que les choses elles-mêmes, qui inquiète (et peut-être sera-t-il aisé de mourir).
- 1ère Partie - Chap. 3 - p.27 -
Qu'est-ce qu'on avait d'autre dans la vie que se caresser pour le plaisir, se disputer pour le soulagement et s'endormir pour l'oubli ? demandait-elle.
... il avait dans son lit une amante. Angéline l'avait deviné, puisqu'elle percevait les animations secrètes de la chair : elle savait qui avait ce don de la vibration, de l'accord et de l'alliance. Nadia l'avait, et Misia aussi Nadia était la féminité de l'amour. Dans le désir lui venait une fluidité de loutre, et de cet animal elle avait aussi la coquinerie et l'effroi. Antonio avait l'impression d'une femme à la fois lascive et mutine, qui savait jouer et se donner. Et cependant il courait.
... c'était peu pour être heureux et trop pour oublier. Il n'avait pas le temps de se réjouir que déjà elle était repartie, et pas celui de se faire une raison que déjà elle était de retour.
Moi aussi, on me tétera ! avait dit Anita, sensible à l'étrange sensation de bien-être qui se dégageait de la mère et de l'enfant.
On aurait, pensait-il, qu'il n'y avait que ça dans la vie, aller se perdre dans sa femme, l'entendre gémir, la respirer, haleter dans le creux de son épaule; il vivait dans sa tête chacun des gestes qu4il aimait avec elle, en même temps qu4il la regardait de loin, appuyé à son camion. Non, pensait-il, il n'y avait rien de mieux, et pourtant il fallait ne pas en parler, faire mine que tout le reste était plus important; la certitude de cette constante tricherie le calmait, comme s4il avait dénoué à la fois son être et le monde. Une bouffée d'amour pour sa femme le prenait.
Le songe est une autre manière de vie et la part de rêve que peut accepter l'esprit est grande. (p.83)
C'est ainsi qu'ils quittèrent la ville, dans la colère des femmes, le silence abruti des maris et les pleurs des enfants. Non pas que cela changeât beaucoup de l'ordinaire des humeurs, mais ils étaient expulsés tels des cafards indésirables, c'était une offense autant qu'une blessure. Ils reprenaient la route. Ils abandonnaient deux caravanes défoncées, le corps d'une vieille et celui d'un enfant.