Les Bourgeois

Nous ne faisons que passer: d'autres sont passés avant nous et d'autres passeront encore après. Chacun laisse une trace que l'on peut remonter pour découvrir notre histoire et souvent, à travers elle, celle des Hommes.
Ce roman nous fait remonter jusqu'à la fin du XIXème siècle pour découvrir l'histoire de la famille Bourgeois, celle de la France qui verra défiler deux guerres mondiales et les guerres de décolonisation, et celle d'une société dont les moeurs évoluent.
L'auteure n'adopte pas un regard présent pour lire l'histoire passée, elle nous raconte le présent du passé, nous livrant un ressenti à l'instant t des évènements par les membres de la famille Bourgeois et la société dans laquelle ils vivent.
Chaque évènement de l'Histoire semble résonner dans la vie de cette grande famille qui vivra ses chagrins et ses joies personnels au cours des drames et célébrations nationales.

Si les allers-retours entre le passé et le présent peuvent déstabiliser le lecteur au premier abord, l'écriture fluide et construite de l'auteure l'aidera rapidement à prendre le rythme pour se retrouver plongé dans un passé commun.
A travers l'histoire de la famille Bourgeois, le lecteur est renvoyé à sa propre histoire, à son propre passé, bien qu'il puisse être très différent de celui d'une famille bourgeoise, parisienne, catholique et conservatrice, car les joies et peines de la vie et les résonances de l'Histoire se retrouvent dans toutes les familles.

Un roman teinté de nostalgie et riche d'enseignements qui retrace l'histoire d'une famille française à travers le temps et nous renvoie à notre propre famille et notre passé.

Ce long roman paraît de prime abord appartenir au genre « saga familiale », puisqu'il retrace la biographie d'une vaste famille (les Bourgeois) tout au long du 20ème siècle. le pilier central est Henri, né en 1895, père de dix enfants dont nous connaîtrons à peu près toute la destinée. Mais le mot « saga » risque d'induire en erreur, vu qu'au long du roman, il ne se passe à peu près rien de ce qui nourrit habituellement la fiction romanesque. Au risque de décevoir, disons-le : durant ces 500 pages, pas de coup tordu, pas de mari trompé, pas d'enfants illégitimes, pas de secrets à déterrer. Les accidents de la vie : maladies, chutes, décès. Sinon, des mariages et des enfants. Des carrières rondement menées, sans crise majeure ni période de chômage. Peu de crises existentielles. En fait, cette famille Bourgeois, la bien nommée, est atypique en littérature. Et on ne peut que saluer le tour de force d'Alice Ferney de nous tenir (à peu près) en haleine malgré ces personnages sans intrigues.
Dès lors, passe au premier plan ce qui d'ordinaire dans ce genre de chronique sert de décor. L'Histoire, bien sûr, essentiellement marquée par les quatre guerres que la France a menées au vingtième siècle, racontées à travers le prisme particulier de ces grands bourgeois qui n'en ont pas été à proprement parler victimes. Surtout, le sentiment du temps qui passe, ressenti d'autant plus intensément que les moeurs changent. Henri ne mourra pas dans le même monde que celui où il est né, constate Alice Ferney. Oui, c'est bien là une caractéristique de ce siècle – mais il ne fait guère de doute qu'il en ira de même pour les enfants nés en 1995. Sentiment du temps qui passe, et de belles et utiles réflexions sur la mort. Les Bourgeois ont beau représenter presque à la perfection un mode de vie traditionnel, catholique, conservateur, ils ne peuvent échapper ni à l'un ni à l'autre.

Belle fresque historique du XXème siècle à travers cette fratrie.
Très belle analyse de l'époque, un peu long parfois mais on se sent concerné par cette période qui est presque la notre. de plus elle l'aborde avec la connaissance actuelle. C'est ce qui est très intéressant. Je compte le relire avec plus d'attention maintenant que je connais la vie de chacun

Alice Ferney raconte l'histoire d'une famille catholique française, les Bourgeois sont des bourgeois, sur quatre générations. L'histoire familiale et l'Histoire de France s'entremêlent, particulièrement sous l'angle des guerres, car les Bourgeois sont essentiellement des militaires. Ainsi, du père et des oncles à la guerre de 14-18, puis des fils pendant la seconde guerre mondiale, et les guerres coloniales. La galerie de personnages est plus masculine que féminine. Les femmes s'y ressemblent toutes un peu, frappées par la fatalité de la maternité. Elles ne sont cependant pas idiotes, et souvent dominent l'ordre affectif et l'organisation du foyer.
Mais le pouvoir donné au patriarche ne se discute pas. Historienne, l'autrice met en garde le lecteur et l'enjoint à respecter ce contrat : il ne faut pas lire les évènements à l'aune des connaissances du présent, avec nos ressentis actuels, mais les replacer dans leur moment d'apparition. Il est crispant de suivre son postulat, et sa lecture est une lutte pour une femme féministe qui a lut tout Ernaux. On ne peut s'identifier à aucune femme, mais plutôt à certains hommes (mais c'est si souvent le cas pour une femme lectrice), qui laissent voir des fragilités, des oppositions au père. Etre mère (plus que femme) chez les bourgeois, c'est se taire, brider sa personnalité et son ambition, mourir doucement sans avoir dit qu'on était malade, mourir à la dixième grossesse. « C'était l'ordre des choses, celui qu'on accepte le mieux » ? Voire…
Le dispositif du récit s'épuise peu à peu, et le style est parfois pesant, mais il faut reconnaître deux choses à Alice Ferney. le récit des événements historiques est très bien documenté et donne un point de vue rare sur les drames, celui des gens de droite, des légitimistes, souvent trompés par le pouvoir politique. le monde dont nous parle Alice Ferney est celui de la permanence et du confort, mais aussi des conflits intérieurs.
Elle développe un art certain de la nuance. La soumission à l'ordre patriarcal s'achève avec la reconnaissance des grandes lois libérales des années 70 : divorce par consentement mutuel, contraception, légalisation de l'avortement et l'on sent alors sous sa plume qu'elles étaient nécessaires : « Il était temps que les femmes cessent de mourir pour vivre comme elles voulaient. Il était juste qu'elles devinssent sujets de leur vie familiale et sentimentale plutôt que ventres au service d'une société patriarcale et nationaliste qui avait été capable de les condamner à mort au nom de la protection de la vie. »

Les Bourgeois portent bien leur nom. Ils sont catholiques, traditionnels, instruits et privilégiés. Ils sont militaires, médecins, avocats ou chefs d'entreprises. Elles, sont épouses et mères.
Ils vont traverser ce XXe siècle au gré des guerres et des révolutions, ballottés par la vie comme par l'Histoire, en une influence mutuelle et incessante.

Alice Ferney nous offre une fascinante fresque familiale qui dépasse l'intime. Un roman enrichissant.

La vie des Bourgeois, c'est leur nom, famille parisienne de 10 enfants nés entre 1920 et 1940. Famille très classique, où l'éducation, la religion ont un rôle de premier plan. Les parents, Henri et Mathilde, se marient après la guerre de 14-18 qui a bouleversé le monde et l'a traumatisé. Les "grands" puis les "petits" auront une enfance entourée de gouvernantes, de domesticité comme on n'imagine plus à notre époque. Les parents sont finalement peu présents dans la vie quotidienne des enfants mais cela n'empêche qu'il faut suivre le droit chemin, ne pas sortir du rang. On suit les règles. Alice Ferney nous emmène, au travers de la vie de ces 10 enfants, dans la guerre d'Indochine, d'Algérie, nous brossant des pans de l'histoire très récente et pas toujours connue.
Une très intéressante lecture.

Mais comment font-ils ces écrivain.e.s pour vous aspirer dans leur sillage, sans se perdre dans la facilité et sans nous perdre au fil de leur foisonnante imagination et de leur cargaison de personnages : les bien-nommés Bourgeois nous embarquent le long d'un siècle d'une richesse passionnante. Pour ne rien gâcher, Alice Ferney ne manque ni de style ni de bienveillance.
Un petit bémol (j'adore les bémols) : je me serais bien passée des (longs) descriptifs de batailles... Je m'en suis passée d'ailleurs. Oups.

Non, le roman d'Alice Ferney n'est pas une saga de plus. Plongeant le lecteur dans un sujet traditionnel, elle sort de tous les sentiers battus et elle affirme une volonté de réfléchir contre tous les "prêts-à-penser" que le politiquement correct aimerait imposer. Ainsi choisit-elle d'évoquer la vie d'une famille bourgeoise au cours du vingtième siècle, car ce n'est pas seulement son patronyme. Non contente d'établir une distanciation pas le recours à une narratrice qui n'est jamais nommée et seulement très vaguement située dans la famille, elle place chaque destin personnel dans un contexte historique qu'elle incite à envisager avec les yeux de l'époque évoquée et non seulement les nôtres. Une invitation à relativiser notre regard sur le passé et sur les autres absolument passionnante.

J'ai acheté ce livre dans le but de suivre l'histoire, sur plusieurs générations, d'une famille nombreuse, bourgeoise et catholique.
 
Entre le nombreuse de naissance, de décès, de personnages aux profils assez similaires et de faits historiques détaillés, j'ai parfois dû m'accrocher pour ne pas me perdre !
 
Cependant, j'ai le sentiment d'avoir trouvé dans ce roman l'information que je recherchais et peut-être plus encore. En effet, en étant partie prenante des évènements historiques et des évolutions sociales du siècle dernier et du début de celui-ci, les Bourgeois nous interpellent. Sympathisants ou non, l'auteur nous pousse à nous interroger. Et nous, qu'aurions-nous penser de ces évènements à une époque où il n'existait aucun poste de télévision, où il était facile de cacher l'essentiel ?
 
Enfin, je suis ravie d'avoir découvert une romancière que je n'avais encore jamais lu. Une partie de ses thèmes de prédilection m'intéresse beaucoup et j'ai donc hâte de poursuivre la découverte de sa bibliographie.

Livre prêté par une amie : j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire. J'avoue que les sauts entre les différentes époques, les années, demandent une gymnastique assez contraignante. Mais au fil du roman, l'accroche s'est faite. C'est un plongeon dans nos racines, quelles que soient nos origines, nous y trouvons forcément des liens avec notre histoire. C'est un livre qui laisse des traces, et nous rappelle que nous ne sommes que de passage. Juste un élément de la chaîne familiale, un lien entre les différentes générations.
Je voulais noter quelques citations, mais il y en a trop : il faudrait choisir. Il faut tout lire ... sur cette période d'un peu plus d'un siècle.
J'ai beaucoup aimé !