Un drôle de petit roman dans lequel l'auteur semble avoir tenté d'appliquer à l'écriture et au travail romanesque les relations d'incertitude et/ou d'indétermination mises en évidence par le physicien allemand
Werner Heisenberg, sorte de « héro » de ce court roman. Personnellement, je dirait plutôt « héraut ».
Incertitude et indétermination quant à l'identité du narrateur. Est-il l'auteur, un personnage fictif, un personnage réel, un peu de tout ça et d'autres encore.
Incertitude et indétermination dans la construction des phrases. Par exemple dans le premier chapitre mettant « romanesquement » en avant l'indétermination liée à la position (en regard de celle entre la position et la vitesse), la construction-même des phrases semble brouiller les frontières typographiques suscitées habituellement par les points en les métamorphosant en une sorte de flou incertain représenté par les virgules.
Incertitude et indétermination historique des vies et expériences des personnages « connus », dont Heisenberg. À ce niveau aussi les frontières de nos connaissances sont bousculées.
Ce roman ne semble pas seulement « parler » du principe d'incertitude d'Heisenberg, il l'applique à la forme littéraire. Il n'y a qu'à regarder les titres des 4 chapitres.
Ce roman est aussi, pour moi, un essai de retranscription, sur le papier, de l'essence-même de la pensée. J'ai voulu lire ce livre parce que j'avais cru y deviner que l'auteur aborderait ce rapprochement que je me plaît à faire (depuis que j'ai découvert Heisenberg et son principe cet été lors d'un MOOC) entre ce principe et la pensée. Pour moi, rien n'est jamais figé, tout n'est que « mouvement » (ce n'est pas le bon mot, mais je n'en ai encore pas trouvé d'assez précis, mais on en revient-là exactement à ce que je vais tenter d'exprimer après la fermeture de cette parenthèse). Dès qu'on regarde quelque chose, dès qu'on pense à quelque, on ne peut que « voir » un instant infime, une parcelle de cette chose mais pas sa totalité qui n'est que « mouvement », qu'indétermination pour reprendre ce terme. Il ne s'agit pas du mouvement au sens où on l'entend habituellement, déterminé et avec une direction et une origine précises. Pour moi cette notion de mouvement, que j'applique à le pensée à défaut de pouvoir l'exprimer autrement, est beaucoup plus vaste que ça. Elle comprend à la fois toutes LES origines et LES « orientations », qu'elles soient temporelles et géographiques, réelles et irréelles, connues et inconnues, accessibles et inaccessibles, imaginables et inimaginables, déterminées et indéterminées... des choses et des êtres.
Tout ça pour dire que j'ai vraiment apprécié ce petit livre.
Et aussi le hasard de la vie qui a fait que c'est une cousine habitant le Danemark qui l'a offert. Clin d'oeil fort plaisant.