Récit qui se déroule dans les années 1960-1970, un exhausteur de nostalgie efficace avec cette évocation de la sortie de l'album REVOLVER des Beatles. le narrateur est à Londres.
Aperçu réaliste de la dèche ambiante chez ceux qui ne sont pas les Héritiers que Bourdieu a décrit dans son essai paru en 1964, et qui entendent malgré tout poursuivre des études. Poursuivre est le verbe pertinent. Recherche de petits boulots rémunérateurs, faciles et n'exigeant pas de compétences particulières. Une façon politiquement correcte de ne pas dire arnaque.
Jean-Michel et René se retrouvent des années après à l'occasion du décès de Catherine qui fut leur égérie alors. le charme n'opère plus :
« J'avais longtemps pensé à lui au fil des années, sans pour autant lui faire signe. Et puis l'image s'était dissipée, le tiroir s'était fermé. » se dit René en revoyant
Jean-Michel qui après plusieurs verres de vin rouge se répand auprès des membres de la famille « On en a eu des aventures avec elle et René. Hein, on était une bonne équipe, un vrai trio rythmique… »
Surpris, René apprends que Jean-Mi et Catherine continuait à se voir et parlait de lui, le romancier qui avait réussi…
Cela suffit à faire remonter les souvenirs de René. « nous avons commencé à sortir ensemble, repas chiches, cafés noirs, cinéma rue
Champollion et pour les films américains, l'Action Lafayette, rue Buffault. Elle me montra des poèmes qu'elle avait écrits, honorables mais dans la manière d'Éluard que je détestais. »
Mai 68 les sépare, « Doxa gauchiste » pour elle ; socialisme tiède pour lui…mais, « leurs prétentions sociales » ne cessaient « de croître. » « La dèche à vingt ans, c'est la moindre des choses, un joli folklore. »
Au Flore, ils rencontrent Willys Michels, un quarantenaire qui leur propose, pour se faire un peu d'argent, de vendre, « plutôt à des bourgeois nantis », des abonnements à des grands titres de la presse « Paris Match, Jours de France,
L Express,
Le Nouvel Observateur ». C'est à cette occasion qu'ils se lient d'amitié avec
Jean-Michel.
Ils vivent leur road movie; sillonnent la France « Pour nous il y a eu La Rochelle, Bordeaux, Tours, Dijon, Cannes, de ces villes, j'en suis sûr, mais aussi d'autres de plus petite importance. (…) nous sonnions sans être annoncés (…) Parfois nous étions reçus fraîchement (…) et rapidement éconduits. Mais souvent notre bonne mine, nos frimousses avenantes emportaient le morceau. (…) nous logions dans des établissements de deuxième ou troisième catégorie. (…) où souvent les douches et les toilettes étaient sur le palier. Nous partagions à trois la chambre et dormions au hasard des lits. C'était Catherine qui réglait l'intendance. »
Le récit raconte comment chacune de ces trois personnalités différentes voire opposées se découvre dans la confrontation avec l'autre même si parfois l'obligation du sexe ne garantit ni l'amour ni les sentiments « Il n'y a rien d'érotique dans notre étreinte, rien de cette précarité du sentiment amoureux, de l'inquiétude et du qui-vive de l'amour. »
L'auteur nous ramène à notre propre histoire avec cette phrase qui sonne comme une morale « On ne peut pas, sans déchoir, mentir à ceux qu'on a connu au début de la vie. On ne peut pas leur imposer le roman de notre existence, qu'on l'embellisse ou qu'on le déprécie. Ils ne croiront ni le meilleur ni le pire. »