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EAN : 9782818053546
1040 pages
P.O.L. (19/08/2021)
4.59/5   29 notes
Résumé :
– C’est toi qui l’as tué, le fils Fabre ?
Je suis pas du tout surpris par la question et d’ailleurs,
je suis même pas sûr que ça soit vraiment une question. J’ai d’abord l’idée de contester mais j’en fais rien, je réfléchis, je me dis que désormais entre Gabin et moi, c’est à la vie, à la mort, il m’a dit des choses, il faut que moi aussi j’y donne une vraie preuve de confiance et même une preuve d’amour, et donc je me tourne vers lui et lui aussi il q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Dans une petite ville entre l'Aveyron et Clermont-Ferrand, Jacques Bangor, anciennement mi-commercial mi-designer de lingerie fine, est actuellement au chômage et son peu d'entrain à retrouver du travail risque de lui faire perdre le bénéfice de ses indemnités. C'est un « rabalaïre », c'est-à-dire, en occitan, un homme qui va chez les uns et chez les autres, qui farfouille, qui ne tient pas en place. C'est un grand amateur de vélo, mais surtout il a l'esprit très occupé par ses nombreuses amours et aventures sexuelles, avec des hommes et des femmes, même s'il se définit lui-même comme homosexuel. Son attirance envers autrui ne suit pas les canons habituels et il aime aussi, par exemple, les hommes laids, voire difformes, ou les vieilles femmes. Il lui arrive tant de choses qu'il ne sait plus où donner de la tête, tout cela dans un contexte d'attentats islamistes qui peuvent le toucher de près. Il semble perdre peu à peu le contrôle de sa vie, et la rencontre qu'il va faire avec un tord-boyaux stupéfiant, dans un hameau perdu en montagne, ne va pas contribuer à le lui faire retrouver. ● Depuis 2014 et son premier roman Ici commence la nuit, j'attendais avec grande impatience le nouveau livre d'Alain Guiraudie, connu surtout comme réalisateur de films (L'Inconnu du lac, par exemple). Il faut dire que son premier livre avait été pour moi une vraie gifle littéraire. Je n'étais pas revenu de son audace et de son originalité. Et voici que pour la rentrée littéraire 2021 il publie un pavé de 1040 pages, rien que ça ! le volume m'a fait peur, je dois le dire, et j'ai différé la lecture jusqu'à maintenant. ● Mais quel livre ! Là encore, de quelle liberté Alain Guiraudie ose faire preuve ! Son monumental roman ne ressemble à aucun autre. Tout est perçu à travers la conscience de Jacques ; le roman restitue le flux de ses pensées, brassant et mettant en relation une somme de faits, d'états d'âme, de sentiments qu'on ne songerait pas forcément à relier. Les personnages sont hors du commun, leurs réactions et leurs aventures tout autant, l'histoire va dans tous les sens sans que le récit ne manque jamais de tenue et on s'y retrouve toujours. Tout est un peu décalé par rapport à la réalité qui fait notre quotidien. Tout est fabuleusement original, y compris la fin, sublime. On ne s'ennuie pas une seconde aux tribulations de Jacques et des autres nombreux personnages. ● C'est sans aucun doute le roman le plus original de la rentrée littéraire, et quel écho a-t-il eu ? Quels articles dans la presse ? (Un dans Elle et une mention dans Les Inrocks.) C'est tellement dommage ! Même s'il risque de ne pas plaire à tout le monde, avec ses scènes très osées et sa prose volontairement relâchée, on ne lui laisse pas assez la chance de rencontrer son public. Je vous le conseille vivement.
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Ah Jacques ! L'entropie croissante de ton univers fout un bordel inimaginable dans ta vie. Ta fabuleuse disponibilité pour toute la palette de tes émotions sensuelles pourrait se résoudre dans une pansexualité heureuse et tranquille, mais, simultanément, t'abandonnant à ta générosité amoureuse et sexuelle, tu vas compliquer un peu et finalement beaucoup ton existence de chômeur hédoniste. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, minces ou dodus, surtout dodus, dits beaux ou dits laids (souvenir sonore de Dylan ou Trenet), flics ou curé, ou qu'importe, il suffit de l'émotion, fût-elle mystique. Même le sublime paysage d'un col pyrénéen, tu lui as fait l'amour.
Qui pourrait faire face, Jacques, sinon toi ? Soucis, tracas, frayeurs, angoisses, bonheurs aussi, engendrent des jaillissements de pensées qui semblent surgir perpétuellement de ton cerveau en fusion. Un feu d'artifice dont les fusées sophistiquées – oh les belles rouges ! –, se métamorphosent en d'autres coloris. Tes pensées y ressemblent : affirmations rutilantes immédiatement nuancées par les doutes nécessaires et souvent, étincelles finales, la méditation des conséquences. D'un tourment à l'autre, d'une émotion à l'autre, s'irriguant l'un l'autre s'édifie un réseau anastomosé complexe, qui englobe tout. Qu'importe la fantaisie des événements, ton esprit en action tu l'exposes. Tu m'as fait rire aussi, souvent, tant je reconnaissais les exaltations, les vrais réflexes et les petites lâchetés.
Ton récit, Jacques, quelle épopée ! du col cévenol de l'homme mort jusqu'au pied des Grands Causses, allumé, tout schuss vers des amours sans exclusives, j'ai tremblé pour toi.
Quel plaisir de lecture !
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Arrivé dans les dernières pages de Rabalaïre, je me suis fait la réflexion que je n'avais jamais rien lu de tel ! Pourtant j'en ai lu des livres mais là, plus de mille pages d'un seul tenant, sans fin de chapitre pour caler son marque-page, sans même les deux sauts de lignes qui parfois séparent un chapitre en plusieurs parties plus petites, là aussi pratique pour faire une pause. Rabalaïre, c'est une narration sans début ni fin, à la première personne du présent, c'est un quotidien assez déroutant dans les méandres duquel nous sommes entraînés presque malgré soi. Au début, c'est à vélo que Jacques nous entraîne sur les pentes du Col de l'homme mort et poursuit son rêve cycliste, puis ce sera, l'hiver et le froid arrivant, en voiture ou à pied. Jacques ne peut pas rester en place, il a une bougeotte d'enfer et toujours une gaule qu'il découvre chaque fois, émerveillé par sa vitalité !
Rabalaïre, c'est de la littérature de l'extrême. C'est l'histoire d'un mec qui poursuit son phallus, jamais intéressé par autre chose que le destin de sa semence, jamais vraiment préoccupé par autre chose que cet endroit magique, Gogueluz, village imaginaire situé dans une région montagneuse indéterminée. L'action se déroule en continue dans un triangle Gard, Clermont-Ferrand, les Pyrénées. Ceci dit, les distances ne semblent pas préoccuper beaucoup le personnage principal.
Dans Rabalaïre, il y a beaucoup de monde, des personnages que Jacques nous décrit toujours avec précision, guidé par l'intérêt érotique que chacun d'eux présente, qu'il soit jeune ou vieux, homme ou femme, gendarme, paysan, curé ou islamiste radicalisé. Jacques se définit comme homosexuel, mais ça n'est pas si simple, il est bien autre chose, il se découvre peu à peu comme tout sexuel, tout phallique.
Au-dessus de Gogueluz il y a une forêt dans laquelle il se passe de drôles de choses, il y a des endroits dans lesquels vivent des hommes et des femmes sans âge, sans eau courante ni électricité. Des plantations dans lesquelles poussent des plantes dont je ne vous dirais rien de plus sinon qu'elles attisent les convoitises.
Pour terminer cette mise en bouche, sachez qu'Alain Guiraudie à écrit un millier de pages assez facile à lire, le langage n'y est pas alambiqué, nous frôlons même le langage parlé de Céline. Ce n'est pas par la langue que Rabalaïre nous ensorcelle mais par la magie du monde tel que le narrateur le perçoit et le vit.
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Célinien par le flux,
Rabelaisien par l'esprit,
Huysmansien par les circonvolutions métaphysiques,
'Rabalaïre' est un grand roman français, attaché à la tradition mais inventant sa propre langue, son propre univers, sa propre logique. Roman d'initiation métaphysique, roman fantastique, roman de terroir, roman mystique, c'est un livre est à la fois exigeant et profondément populaire ~ non seulement le peuple [sa langue, ses modes d'être, ses traditions] est son sujet, mais le style est populaire, la forme est populaire : jamais Guiraudie ne se paie de mots, jamais il n'use d'arguments d'autorité littéraire, sa langue ne cherche jamais à impressionner ou à dominer le lecteur, elle gagne toute son épaisseur au fil du récit. C'est une flamboyante course de fond, pas un sprint démonstratif.

'Rabalaïre' n'est pas de ces romans dont on pourrait citer telle ou telle phrase emblématique ou pleine d'emphase égotique. Ce qui impressionne c'est l'ensemble, c'est le flux dans sa continuité, la somme d'actions inconstantes et indécises qui finissent par former cette splendide cathédrale romanesque.

Ambitieux et modeste, foncièrement sexuel et profondément spirituel, ordinaire et surnaturel, trivial et picaresque, Guiraudie embrasse tout, étreint bien, fait feu de tout bois, produit sa propre logique, et nous emmène jusqu'au bout du bout de son voyage au bout de la nuit de l'inconstance du désir, de la clandestinité du crime et des mystères de l'amour.

Guiraudie était depuis fort longtemps mon cinéaste français préféré ~ c'est aujourd'hui aussi mon écrivain favori.
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Commencé en octobre 2021, Rabalaïre m'a accompagnée de longs mois, quelques pages par soir sans se presser, pour ne pas le finir trop vite. Fidèle aux écrits (livre et films) d'Alain Guiraudie, le roman se passe dans la tête de Jacques qui raconte sur 1000 pages en flux de conscience ses errances entre le sud-ouest et Clermont-Ferrand. C'est sa passion pour le vélo qui lui fait découvrir le col de l'homme mort et ses habitants dont il tombe sous le charme, troquant ainsi de passion. Il n'a qu'une idée en tête : faire partie de ce monde et découvrir tous ses secrets. Petit à petit, il s'immisce ainsi dans la vie des habitants du hameau. Guidé par son obsession presque maladive pour le sexe (chaque nouvelle personne rencontrée est une personne à qui faire l'amour, peu importe le sexe, l'âge, la disponibilité, etc.), Jacques, sans le savoir, va détruire le microcosme du col de l'homme mort, et ses amours avec.
Une particularité très appréciée de ce roman : l'écriture de l'occitan.
Quelle tristesse que ce livre ne m'accompagne plus chaque soir.
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critiques presse (2)
Un Rabalaïre, en occitan, désigne une personne jamais chez elle, toujours par monts et par vaux.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
LesInrocks
06 septembre 2021
Du Rabelais contemporain brillant de mille feux, d’un français débraillé tel qu’on le parle du côté des oublié·es de la société. C’est un fleuve de 1040 pages, et à son embouchure on est enchanté·e d’y avoir navigué.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
alors je rajoute encore des feuilles et puis des petites branches, et puis aussi une grosse, mais ça va toujours pas, on sent bien que c’est pas la nature qui a fait ça. Je rajuste l’ensemble, je décale la grosse branche pour que ça fasse pas vraiment un tas, et puis je sais plus et je me fous à pleurer au milieu de la forêt. Y a de la fatigue de la nuit, c’est sûr mais y’a aussi l’impression que ça sert à rien que de toute façon, de nos jours, c’est pas possible qu’un corps reste introuvable. Ni qu’un crime reste impuni. Enfin, en plus de la solitude amoureuse que j’éprouvais tout à l’heure, y a la solitude de l’assassin. J’ai tué un homme (et même deux), c’est pas seulement très grave, c’est irréparable, je crois pas que je puisse vivre avec ça tout le reste de ma vie, ou alors ça veut dire que je perdrais mon humanité, que je deviendrais quelque chose comme un monstre. Oui, je pleure longuement sur la table d’Éric, comme s’il était mon meilleur ami, comme si je pouvais me passer de lui. Je me calme tranquillement en pensant aux soldats de toutes les guerres qui sont bien arrivés (et qui arrivent encore) à s’accommoder de ça, ils arrivent bien à survivre après avoir tué d’autres hommes, des ennemis qui auraient pu être des amis, alors pourquoi pas moi, et puis je pense à Gabin, je ne sais pas si c’est de la légende ou si c’est vrai mais ça me revient comme une réalité, lui aussi est un assassin, Jessica me l’a dit, Jordan l’a insinué, ça me le rend encore plus proche tout d’un coup, et je me demande si, au fond, c’est pas ça l’amour, ce sentir proche parce qu’on vit intensément les mêmes choses. Et après, je pense à la solitude du mort, seul pour toujours dans la forêt, je me demande si je préférerais être enterré dans un cimetière, en sachant que les gens que j’aime pourraient venir se recueillir sur ma tombe, je trouve pas d’autre verbe que « se recueillir », et je trouve cette action de se recueillir bien mystérieuse, je comprends pas vraiment ce que ça veut dire, j’ai des flashs qui me passent par la tête, je repense à ce mec de chez moi dont j’étais persuadé qu’il était homo et qui a fini par se suicider en se jetant dans le vide, et ça me fait penser à Éric, jamais on a évoqué de femme, ni d’enfants, c’est bizarre pour un mec de son âge à la campagne, je peux pas m’empêcher de penser que j’ai tué un mec qui voulait peut-être juste faire l’amour avec moi et qui s’y est très mal pris. La révélation m’éclate à la gueule, sans doute grâce à la Brigoule, parce que je me mets à bander sur la tombe d’Éric, j’ai dans l’idée que je pourrais me branler dessus et jouir sur les feuilles mortes pour lui rendre un dernier hommage, mais y a un vieux truc de morale qui me fait penser que ça serait pas très respectueux, au contraire.
page 452
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Le vélo à haute dose, c'est un truc de dépressif
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Pour être vraiment libre, il faut risquer la prison à tout moment.
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dans la vie en général, je suis meilleur quand je me tais
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Vidéo de Alain Guiraudie
Anne Portugal S&lfies éditions P.O.L - où Anne Portugal tente de dire de quoi et comment est composé son livre "S&lfies" et où il est notamment question de portraits et d'amitié, d'un cadre et du tremblé, de la manière de faire un selfie avec un autre, de savoir si on est dans l'image ou si l'on en est absent, de poésie et de roman, de "Rabalaïre", d'Alain Guiraudie et de Liliane Giraudon, à l'occasion de la parution de S&lfies aux éditions P.O.L
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