Citations sur Sur ma peau (126)
Les reproductrices sont inséminées inlassablement, portée après portée, jusqu'à épuisement du corps, après quoi elles sont conduites à l'abattoir. Mais tant qu'elles peuvent encore servir, on les oblige à allaiter, sanglées sur le flanc, dans une cage de mise bas, pattes écartées, tétines exposées. Les cochons sont des créatures extrêmement intelligentes, sociables, et cette promiscuité de chaîne d'usine à laquelle on contraint les truies qui allaitent leur donnent envie de mourir. Ce qu'elles font, sitôt que leur lait est tari.
Le seule idée de ces méthodes est répugnante. Mais les voir à l'oeuvre pour de vrai, ça laisse des traces, ça vous rend moins humain.
J'ai vidé mon verre cul sec et j'ai commencé à mâchonner ma paille cabossée. "Puis-je vous offrir une tournée Camille ?"
J'ai secoué mon verre vide en hochant la tête. "Bourbon. Sec.
-Formidable."
Pendant qu'il commandait au bar, j'ai écrit 'dick' sur mon poignet, d'une écriture chantournée. Il est revenu avec deux verres de Wild Turkey.
Comment s'y prend-on pour demeurer saine d'esprit quand les journées sont aussi infinies et vides que le ciel?
Les journalistes sont comme des vampires. Ils ne peuvent pas pénétrer chez vous sans y avoir été invités, mais une fois dans la place, impossible de vous débarrasser d'eux avant qu'ils aient sucé tout votre sang.
- J'ai bien peur, commissaire, qu'il n'y ait guère le choix. Des enfants ont été pris pour cible. Le public devrait en être informé." C'était la phrase que j'avais répétée tout en conduisant. Elle rejette la faute sur les dieux.
"En quoi ça vous concerne? Ce ne sont pas vos gosses, ce sont ceux de Wind Gap."(...)
- Ecoutez, j'ai le droit d'être ici. Evitons de nous compliquer la vie. Vous me donnez une information. Quelque chose. Et je me tiendrais un petit moment à l'écart. Je ne veux pas rendre votre travail plus difficile qu'il ne l'est. Mais j'ai besoin de faire le mien.
Avec les morts, il n'y a pas de compétition possible. J'aurais aimé être capable de ne plus essayer.
– Tu as désobéi dès le début, tu refusais de te nourrir. Comme si tu me punissais d'être née. Tu me
ridiculisais. Tu me ravalais au rang d'enfant.
– Tu étais une enfant.
– Et là, tu reviens, et tout cela quoi je peux penser c'est : pourquoi Marian et pas elle ?
Je suis tellement désolé pour toi, mon petit », m'avait-il dit à la fin de la visite, et je savais, aux larmes dans sa voix, qu'il était sincère.
Les petites villes pourvoient en général aux habitudes d'un seul profil de buveurs.Qui peut varier : il y a les villes bastringues qui cantonnent leurs bars en périphérie, ce qui donne aux habitués l'impression d'être un peu des hors-la-loi. Il ya les villes bourgeoises, où l'alcool se sirote dans des bars qui facturent leur verre de gin la peau du bas du dos, si bien que les pauvres n'ont plus qu'à picoler chez eux. Il y a les villes commercantes, peuplées par les classes moyennes, où la bière est servie avec des beignets aux oignons et des sandwiches aux noms coquets.
« Je voulais t’aimer, Camille. Mais tu étais si difficile. Marian, elle, étais si facile.
- Ça suffit, maman.
- Non. Ça ne suffit pas. Laisse-moi prendre soin de toi, Camille. Juste une fois, aie besoin de moi. »
Qu’on en finisse. Qu’on en finisse, une bonne fois pour toutes.
« D’accord », ai-je dit. J’ai vidé mon verre d’un trait, j’ai détaché ses mains de ma tête et intimé à ma voix de ne pas trembler.
« J’ai toujours eu besoin de toi, maman. C’était un vrai besoin. Pas un de ces besoins que tu créais de toutes pièces, et que tu pouvais satisfaire ou ignorer à ta convenance. »