Citations sur Sur ma peau (126)
"Je crois que j'ai enfin compris pourquoi je ne t'aime pas", a-t-elle lâché.
Qu'elle ne m'aimait, je le savais - mais jamais je ne l'avais entendue l'admettre aussi ouvertement. J'ai essayé de me dire que j'étais intriguée, tel un scientifique sur le point de faire une découverte, mais ma gorge s'est nouée et j'ai dû me concentrer pour continuer à respirer.
"Tu me rappelles ma mère, Joya. froide, distante, et tellement suffisante. Ma mère, elle non plus, ne m'a jamais aimé. Et si vous, les filles, vous ne m'aimez pas, ne comptez pas sur moi pour le faire."
Elle ne m'avait jamais raconté comment elle avait rencontré Alan. Ce que je savais de leur histoire, je l'avais appris par d'autres. On n'encourage pas les questions, elles sont considérées comme de l'indiscrétion. Je me souviens du choc que j'avais éprouvé en entendant ma camarade de chambre, à la fac, discuter au téléphone avec sa mère : ce luxe de menus détails, cette absence de censure - ça me semblait décadent. Elle racontait des anecdotes sans intérêt.
Un enfant nourri au poison considère que faire mal participe du bien-être.
Je portais un pull neuf, d'un rouge agressif, hideux. On avait beau être le 12 mai, le thermomètre avait chuté sous la barre des dix degrés et après quatre jours à grelotter en petite chemise, plutôt que de fouiller dans mes cartons de fringues d'hiver, j'étais allée acheter de quoi me couvrir dans un magasin qui faisait des promos. Le printemps à Chicago.
J'étais dans mon box tendu de toile de jute, devant l'ordinateur, le regard rivé sur l'écran. Mon papier du jour traitait d'un cas aussi sordide que banal. On avait retrouvé dans le South Side quatre mômes, âgés de deux à six ans, enfermés dans une chambre avec deux ou trois sandwiches au thon et un quart de lait. Cela faisait trois jours qu'ils étaient parqués là, à s'agiter sur la moquette comme des poules en cage, au milieu de la nourriture et des excréments. Leur mère s'en était allée tirer sur une pipe, et les avait tout bonnement oubliés. Ce sont des choses qui arrivent. Pas de brûlures de cigarette, ni d'os brisés. Juste une étourderie, irrattrapable. J'avais vu la mère après son arrestation : Tammy Davis, une femme de vingt-deux ans, blonde et grasse, avec une grosse pastille de fard rose sur chaque joue. Je l'imaginais sans peine affalée sur un canapé déglingué, en train d'arrondir les lèvres sur la pipe, d'inhaler une bouffée âcre. Ensuite, tout ce mettait à flotter dans sa tête : oubliés les mômes, loin derrière ; elle revoyait ses années collège, où elle était la plus jolie - une ado de treize ans qui mettait du gloss et mâchait des chewing-gums à la cannelle avant d'embrasser ses prétendants.
Il décrit sa cadette sous les traits d’une fillette intelligente, brillante, à l’imagination débordante. « Une fois, raconte-t-il, elle avait inventé une langue, avec son propre alphabet, son propre vocabulaire. Avec n'importe quelle autre gamine, ça aurait donné du charabia », observe-t-il avec un rire contrit.
« Parfois, tu laisses les gens te faire du mal, mais en réalité, c'est toi qui leur fait mal », m'a rétorqué Amma en sortant une sucette de sa poche. A la cerise.
« Tu vois ce que je veux dire? Quand quelqu'un cherche à te bousiller, et que tu le laisses faire, c'est toi qui le bousilles encore plus. Et après, c'est toi qui as le pouvoir. Tant que tu ne perds pas la tête. »
Les infirmières sont un peu plus respectées aujourd'hui. Juste un petit peu plus.
Les gens trouvent ça tellement excitant de voir leur nom imprimé. Comme si c’était une preuve de leur existence. Je me suis imaginé une prise de bec entre des fantômes qui épluchaient des piles de vieux journaux. L’un montrait un nom sur une page. Regarde, mon nom est écrit là. Je te disais bien que j’avais été vivant. Je te disais bien que j’avais existé.
Au dix-neuvième siècle, les gens, en particulier dans les États du Sud, avaient besoin d’espace pour se tenir à l’écart les uns des autres, pour éviter de contracter la tuberculose et la grippe, ou se préserver d’appétits sexuels trop avides; il leur fallait des murs pour se protéger des émotions fortes. De l’espace en plus, c’est toujours bon.
A son âge quand j'étais triste , je me faisais du mal Amma, elle, faisait du mal aux autres Quand je voulais qu'on fasse attention à moi, je me soumettais de moi même aux garçons : fais moi ce que tu veux mais apprécie moi les avances sexuelles d' Amma prenaient la forme d'une agression