AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,13

sur 73 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Ça aurait pu donner une nouvelle d'une cinquantaine de pages intéressante. Cette immersion d'un narrateur, qui, après le deuil de sa fille, survit plus qu'il ne vit, dans un quartier fantomatique, l'atmosphère qui se dégage du lieu, la transformation du quartier qui se scinde en deux, ville-haute et ville-basse, la rencontre avec deux personnages mystérieux aussi bien que tourmentés, la thématique de la disparition, la thèse de l'épidémie... Tout ça, c'était de la bonne matière.

Bon, pas de chance, une bonne partie de ces thèmes ont déjà été traités par d'autres auteurs, et, en particulier, de façon assez magistrale en bande dessinée dans le cycle des Cités obscures de Benoît Peeters et François Shuiten (la ville qui semble un artifice, la propagation d'un syndrome lié à la cité, , la perte d'identité, la ville scindée en deux, etc.) Il ne restait qu'à Philippe Forest de faire aussi bien, tout en proposant autre chose. Hum.

Et il en a fait autre chose, c'est certain. D'ailleurs, lui-même prétend jouer ici avec les codes du fantastique. Alors, je veux bien qu'il flirte de loin avec le genre, mais enfin, n'est pas Lovecraft qui veut et tout le monde n'est pas capable de le renouveler, ce genre. Malheureusement, ici, le fantastique se limite à une simple ambiance de fond, à un vague prétexte, qui s'efface vite au profit d'une métaphore grandeur nature un peu trop tape-à-l'oeil. L'apogée est atteinte lorsque la montée des eaux coïncide avec les larmes, jusque-là refoulées, du narrateur. Ce n'est pas que je sois sans coeur et insensible à la douleur des autres, mais je serais bien hypocrite de taire l'ennui qui m'a tenue pendant presque toute la lecture du roman, première partie exceptée.

Crue, c'est aussi un constat, prenant l'urbanisation pour support, sur les changements de la société. Mais de ce côté, ça regorge un tout petit peu de platitudes et de passages moralisateurs, le narrateur se défendant constamment, et à grand bruit, de porter un jugement moral sur la société. Or ce jugement, il le porte pourtant bel et bien. Pas forcément à tort (le sort des clochards, des travailleurs immigrés), mais ça ne va pas bien loin, vu qu'il a visiblement peur de s'engager sur cette voie-là. Et les saillies faciles sur l'art contemporain en milieu urbain ou autres sujets, là non plus pas forcément à côté de la plaque, mais qui sentent tout de même leur petit côté beauf et réac, je pense qu'on aurait pu s'en passer. Ça n'apporte strictement rien au sujet principal. Pire, ça l'appauvrit.

Un mot sur le style. Un rien pompeux, agaçant. Philippe Forest nous prend par la main pour nous faire comprendre que le langage est sournois et traître, et qu'il est difficile de mettre en mots la pensée. Que rien n'est dit qui ne puisse se dire différemment. D'où le recours incessant à un procédé fastidieux ; il écrit une phrase, qu'il fait suivre d'un "ou :", d'un "ou encore : ", d'un "ou bien :", d'un "je veux dire :", locution qui est elle-même suivie d'une autre phrase qui reformule la première. Par exemple (oh, mon Dieu, voilà que j'écris comme Philippe Forest !) : "Car telle était encore plus ou moins la physionomie de la ville quand je m'y suis installé. Ou plus exactement : elles étaient en train de changer." Bon, on a vite compris l'intention, donc l'émaillage constant du texte par cet artifice devient rapidement éprouvant.

Donc, nous voilà avec sur les bras un livre qui distille une ambiance brumeuse, ce qui est plutôt réussi, un livre sur le deuil, la perte, avec un propos que l'auteur tente de rendre universel - c'est dit avec beaucoup d'insistance - mais qui se compromet peut-être trop du côté de l'autofiction pour me toucher. Et un récit qui s'étire, qui s'étire, qui s'étire encore et encore, à tel point qu'il finit par se déliter complètement. Alors certes, cette utilisation de la désagrégation dans l'écriture est voulue, l'histoire tendant vers une conclusion qu'on voyait venir depuis le début : tout, tout le monde, disparaît. Philippe Forest prétend avoir capté une vérité. Oui, il ose.

Voilà, je sens que je vais me faire des amis chez Gallimard, moi...



Masse Critique privilégiée
Commenter  J’apprécie          418
Le narrateur est de retour dans la ville de son enfance. Elle a tellement changé qu'il ne reconnaît presque plus son ancien quartier dont les immeubles semblent inhabités. Solitaire et dépressif depuis la mort de sa fille dont le décès plus récent de sa mère fait écho, il adopte un chat, rencontre une femme pianiste et un homme obsédé par les « revenus ». Tous disparaissent.
Réflexion philosophique sur la vie qui ne serait que néant, « Crue » m'a globalement déçue. J'ai bien aimé la première partie qui nous fait ressentir avec réalisme l'anonymat des villes nouvelles qui effacent toutes traces du passé, moins la suite.

Lien : http://papivore.net/litterat..
Commenter  J’apprécie          20
Ce roman m'a laissée perplexe, à la fois intéressée et agacée par une logorrhée verbale dérangeante, une écriture souvent un peu trop appuyée comme si l'auteur craignait de ne pas être compris et un désir évident d'aborder des sujets sociétaux qui n'étaient peut-être pas indispensables ici.
Malgré mes réticences j'ai trouvé dans ce récit des passages séduisants qui confirment que l'auteur est un écrivain sensible capable de nous émouvoir.
Copieusement allégé, ce qu'il aurait perdu en longueur, il l'aurait gagné en intensité et aurait pu prétendre au terme si convoité de nouvelle !
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (178) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1720 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}