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Jacques Tardi (Illustrateur)
EAN : 9782203334014
198 pages
Casterman (04/05/1993)
4.21/5   131 notes
Résumé :
Monsieur Même est un bien étrange personnage, il règne, tel un monarque déchu sur une terre dont il ne possède plus que les murs. Pour emmerder le plus possibles les habitants de ce royaume indépendant du "pays clos", ceux qui ont, selon lui, volé la terre de ses ancêtres, il est devenu le portier de toutes les grilles et passages et fait monnayer leur ouverture
.
Une fois son éreintant boulot achevé, il reste seul dans sa petite maison, posée sur l’ar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Que le roman graphique soit! Et le roman graphique fut. C'était en 1979. Forest avait écrit, Tardi avait dessiné. Ici Même était né. Une déflagration dans l'univers de la BD, une explosion qui lissait la houppette tintinesque, déculottait Sylvain, déplumait la mouette rieuse, passait au bulldozer toutes les cours de récré.
Soudain, la bande dessinée faisait les yeux doux du côté de Kafka. Sans cafards, sans château, sans procès (ou presque). Avec des murs, des grilles, des clés, des bouts de propriété, des politiciens véreux. La bande dessinée glissait vers un absurde en noir et blanc , piétinait les plates-bandes d'Ubu, dynamitait les clichés de la vieille école à lorgnon et blouse grise. La bande dessinée se hissait vers les sommets.

Oui, des sommets! D'ailleurs, Arthur Même vit sur des murs. Exclusivement sur des murailles élevées et dans un mirador. Arthur Même surveille le domaine de Mornemont, véritable camp retranché, composé de parcelles labyrinthiques aussi closes que des oubliettes royales. Nul habitant ne peut franchir les grilles sans l'assentiment d'un Arthur, dépositaire des clés. Aristocrate de naissance, Arthur fut dépossédé des terres familiales mais conserva la jouissance des murs. Amer, revanchard, Arthur taxe les propriétaires d'un morceau du domaine à chaque ouverture de grille… Aux fins de financer un nouveau procès qui lui restituerait son dû. C'est dire que l'on se déteste à Mornemont. Fort heureusement, la propriété a les pieds dans l'eau d'un lac, ce qui permet l'approvisionnement du roi Arthur (sans couronne) par bateau épicier, sans danger. le mur touche le lac.
S'obstiner c'est se condamner au funambulisme mural. A aimer Julie, l'unique amie qui l'aime bien comme elle aime les hommes. A échanger deux mots avec maman au téléphone. A rompre la solitude avec un épicier poursuivant le destin familial "de lac en lac, toujours plus à l'ouest" avant naufrage. A se faire chahuter par le président de la république dans un épisode surréaliste.

Lire Ici-même, c'est se frotter à des dialogues improbables et savoureux:

"- Vous voulez boire quelque chose ?
- Bah , si vous insistez …
- Je ne me souviens pas avoir insisté et je ne me souviens pas non plus avoir jamais compris pourquoi les gens boivent tant … je me demande si un jour quelqu'un m'expliquera ce qu'il y a dans le vin … Pour moi le vin et l'huile c'est pareil … avec le vin sur la langue les gens dérapent de la tête comme avec l'huile sur le pavé on dérape de la semelle ! Comment discuter avec des gens qui dérapent et qui, à tort, m'attribuent de l'insistance … Pourquoi pas de l'entêtement ?  »

La littérature a ses classiques. La bande dessinée également. Cette BD parue initialement dans "A suivre" me suit encore.
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Jean-Claude Forest (1930-1998) est un auteur de BD français, célèbre pour son imagination débordante, la finesse de son dessin et le sex-appeal de ses héroïnes telle Barbarella (portée à l'écran en 1968 par Roger Vadim avec Jane Fonda
dans le rôle-titre)
Il a participé au bouleversement de la BD francophone, en particulier de la bande dessinée dite « adulte » (voir Pif-Gadget, Pilote, L'Echo des Savanes, Métal Hurlant, Fluide Glacial…)
Ici avec le talent immense de Tardi il signe avec brio une BD-Roman graphique magnifiquement drôle, étrange, déjantée, onirique, politique style IVème république, érotique et héroïque avec ce Monsieur Même, incroyable personnage inattendu et si attachant! Une superbe découverte!
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Monsieur Même est un personnage bien étrange. Pas seulement à cause du chapeau melon et de sa redingote élimée. Peut-être parce qu'il marche sur les murs avec sa casserole au bout d'un manche à balai. Il passe ainsi ses journées à ouvrir des portails sans descendre à terre. Ladite casserole servant à la pièce de monnaie rétribuant son étrange service.
Un ermite sur les murs.
L'impudique Julie va le sortir de sa torpeur en le faisant souffrir d'amour. Mais ça c'est compréhensible.

Mais que viennent faire un marinier-épicier et un président de la 3ème république avec son gouvernement et son armée dans cette histoire?

Pour cela il faudra lire ou relire ce que Tardi et Forest ont concocté il y a bien longtemps. Ce roman graphique, devenu un classique, où un homme se retrouve esclave d'une situation kafkaïenne.
Un chef d'oeuvre ici même.







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De toutes les BD de Tardi, Adèle Blanc sec ou Nestor Burma, adaptations de Léo Mallet ou mises en perspectives d'une période de l'histoire -14-18 , 39-45, la commune...- Ici-Même reste celle que je préfère.

Poétique, inventive, à la fois décapante d'ironie et pleine d'imagination, cette saga du haut des murs, cet enfermement perché (à tous les sens du mot) est un ...monument de fantaisie et de profondeur! Le scénario, absurde et décalé, est de J. Forest et la mise en images, lunaire et mélancolique, est de Tardi.

"Même"- c'est le nom du héros- arpente son territoire de faîtes-de-murs labyrinthique: il s'est fait gentiment spolier, depuis des générations, de tous ses terrains, il ne lui reste en (nue) propriété que les murs.

Le haut des murs, exactement. Il relève inlassablement les taxes, les péages de ses murs, c'est son seul revenu, son gagne-pain, toute sa journée y passe mais au péril de sa vie, toujours: en bas l'attendent chausses-trappes et chiens féroces... Donc jamais un pied à terre, il y a danger!!

Il est le funambule maniaque des créneaux, l'acrobate tâtillon d'un domaine en pointillé...

C'est aussi l'histoire d'une névrose qui guérit, d'un repliement qui s'ouvre, d'un solitaire quasi-autiste qui découvre l'autre, le sexe, l'amour, la vie..et redescend sur terre...

Une petite merveille en noir et blanc. A déguster avec immodération!
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À défaut de régner, Arthur Même marche sur le pays clos de Mornemont. Morne pays duquel Arthur est le prince attitré , depuis une décision farfelue d'un antique roi, Mornemont est haché en propriétés dûment séparées par de hauts murs et de hautes grilles que possède et qu'ouvre Arthur, y gagnant là sa vie et ses misères. Car Arthur, tout prince sans trône qu'il soit, n'a pas renoncé à recouvrer son bien. En procès interminables il attaque, seul, ceux qui l'ont dépouillé, et dont il prononce les noms avec un mépris souverain. Sans personne à ses côtés, Arthur se méfie de tout et tous, exècre les chiens qui aboient, jure contre le mauvais temps qui le rendra malade, peste contre ces gens qui souhaitent sortir de chez eux à des heures indues.

Trois personnes trouvent une grâce toute relative à ses yeux. L'épicier, d'abord, qui non content de ravitailler et de délivrer le courrier, n'est jamais avare de bons mots ou d'aphorismes. le petit garçon du Bout, lecteur de Mickey Magazine, est le garant d'une innocence simple et salvatrice. Enfin, Julie Maillard, fille d'une famille honnie, dont tombe amoureux Arthur, l'ayant surprise nue, dans sa salle de bain. Fille aux amours libres et assumées, Julie suscite une adoration et une jalousie aussi violentes l'une que l'autre chez Arthur, le seul à ne pas la toucher. le huis-clos du pays clos gagne finalement une dimension internationale, lorsque le Président de la République voisine, pressentant les futurs résultats désastreux de la prochaine élection, se met en tête de trouver une porte de sortie pour lui et les siens, et une base arrière pour sa reconquête du pouvoir. Mornemont, pays en tout point fictif, y compris dans le récit, rencontre alors la grande Histoire et c'est sur l'autel de la raison d'Etat que la quête d'Arthur Même sera finalement résolue.

Ici même est un roman graphique riche, tant du point de vue du graphisme que du verbe. Quiconque connaît un peu l'oeuvre de Tardi sait les détails que l'auteur y met, et connaît le trait si particulier, volontiers appuyé et sombre, qui le rend immédiatement reconnaissable. L'esprit des deux auteurs, Forest et Tardi, plane aussi sur cette oeuvre, résolument nouvelle (par son format, par son découpage) à l'époque où elle fut publiée, et notamment sur son aspect littéraire. L'histoire un peu absurde de cet homme, Arthur Même, trouve une résonance dans les dialogues, volontiers absurdes et truculents, où l'on joue avec les mots, où l'on les prend au pied de la lettre, bien que toutes les lettres n'aient pas de pieds. Les mots, dans Ici même, ont une vie propre ; ils servent l'histoire, bien-sûr, mais ils digressent aussi, ils divaguent, ils reviennent à leurs sens premiers comme pour mieux rappeler la légèreté avec lesquels on les emploie. Tout ceci donne à la bande-dessinée une dimension poétique, conférant une profondeur à chaque case dont on peut examiner le détail graphique ou le sens littéral.

Ici même dresse le portait tragique d'un homme seul. Son quotidien est quelque peu triste, son combat est à la fois héroïque et absurde. Pour recouvrer un domaine que les infortunes familiales ont perdu, Arthur Même use de toute son énergie et de toute sa raison. Il est l'individu face à la collectivité qui le moque, qui joue avec lui comme on joue avec un pion, et il suffit que la politique s'en mêle pour que sa situation soit bouleversée. En cela, la politique est vue par son côté essentiellement machiavélique : le calcul politique, tout habillé de beaux mots et de belles intentions apparentes qu'il soit, reste tout petit. Au fil de l'oeuvre, Arthur Même, dans ce Mornemont qui est pour lui une prison, un endroit qu'il n'a jamais quitté, ainsi que le lecteur, découvrent les équilibres instables de la vie (ainsi cette détestation mutuelle entre les habitants et Arthur Même qui fondent pourtant l'équilibre de Mornemont), les amours imparfaites (la relation entre Arthur Même et Julie Maillard), les amitiés insoupçonnées (celle entre Arthur et l'épicier), tout cela formant une imperfection salvatrice.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J'ai comme tout le monde des opinions poli-
tiques. Elles sont faites de compromis et d'aménagements entre un romantisme atavique - qui soutient mon attachement à la liberté, à l'égalité des droits, à la justice sociale, au respect des individus - et les ruades de mon égoïsme, lequel oriente volontiers son rétroviseur nostalgique vers un dandysme peu soucieux des misères du monde et au demeurant inaccessible.
Mais qu'on ne vienne pas m'écrire dans le dos ce que je n'ai pas écrit. Ni travestir par rajouts, en filigranes ou estampilles, la mise en images - j'allais dire la mise en scène - de Tardi. Qu'on n'aille pas voir dans Ici Même un pamphlet, une satire de notre société ou des représentants de son régime politique. Je n'ai pas eu davantage l'intention particulière de tourner en dérision l'attachement à la propriété. Si cet attachement conduit ici à des situations grotesques, c'est au même titre que la politique, la loi, l'épicerie ou la fornication, il servait par ses errements un récit, une intrigue dont le fondement est ailleurs et qui devrait selon moi, parler de tout autre chose.
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Mon Dieu ! Je sais qu'il y a des gens pour avoir des idées sur tout...et même des idées claires...Eh bien, j'aimerais qu'ils me disent, ces gens-là, qu'ils me disent quel genre d'idées il faut avoir quand on a vu ce que j'ai vu : Julie Maillard entrer dans mon lit ! ...Dans le lit d'Arthur Même (moi), Julie (la fille Maillard) s'est couchée...Sous mes yeux elle s'est glissée dans mes draps et elle était...Nue ! Ca, j'ai pas traîné...vite fait de prendre la porte...On peut ne rien comprendre à rien, et avoir du réflexe...D'ailleurs j'avais à faire.
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Vous verrez quand vous voyagerez... si vous vous voyagez... vous connaitrez des femmes.. beaucoup de femmes, pas difficile!..(on croit le contraire, mais non) et vous verrez... chaque jour elles se découvrent (à elles-mêmes) différentes... du moins elles le croient; en réalité elles s'inventent, à mesure...
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Mademoiselle, j'ai omis de vous préciser que les femmes me portent assez facilement sur les nerfs.
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Des fois j'me dis : Mieux vaut n'en rien dire (sans pour autant se taire). Un exemple : le mensonge. Le mensonge c'est personnel - c'est un truc à soi...(d'abord chacun à sa manière).
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Videos de Jean-Claude Forest (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Claude Forest
Max Cabanes est un grand nom de la bande dessinée et un témoin privilégié des grandes heures de la production française. L?homme natif de Béziers a la gouaille du sud mais la modestie et la discrétion d?un auteur inconnu. Et pourtant, quelle carrière ! Remarqué dans la série "Dans les villages", il travaille avec Jean-Claude Forest, scénarise ou dessine des récits fantasmagoriques et réalise une superbe fresque dans la ville d?Angoulême. Il obtient même le Grand Prix d?Angoulême en 1990 grâce à une carrière accomplie où il s?est essayé à tous les genres et tous les styles graphiques avec une inventivité surprenante. Il prend ensuite un virage serré avec l?adaptation de trois célèbres polars du maître du genre, Jean-Patrick Manchette : la fusion entre deux monstres artistiques, rendue possible par le fils de Manchette, Doug Headline, donne forcément un rendu explosif. Dans son style graphique unique où le dessin crève la planche et les couleurs marquent les esprits, Cabanes parvient à égaler Jacques Tardi dans le même exercice. Nous avons eu la chance de l?interviewer lors du festival Quai des bulles, peu de temps après la publication de "Nada". « Rencontre du 3ème super type » en exclusivité pour Planetebd?
+ Lire la suite
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