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Jean-Claude Forest (Illustrateur)
EAN : 9782203334083
98 pages
Casterman (30/11/-1)
4.22/5   9 notes
Résumé :

Échoué sur une côte de Saravonie Argovine, après le naufrage du cuirassé sur lequel il avait été enrôlé, Gaston Gamine décide de déserter et de fuir cette guerre du début du XXème siècle. Il est recueilli, puis embauché comme apprenti, par l'étrange Winnic Radbod, commerçant itinérant en "fenêtres hygiéniques" de son invention. Bientôt, Gaston cherche ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Jean-Claude Forest, je pense que ça été une de mes plus grandes découvertes dans les années 90 (oui, bon, j'étais pas en avance sur mon temps). J'ai commencé par Barbarella, vu que ça a toujours été sa série la plus connue. Puis je me suis aventurée un peu plus loin, et là, paf, je tombe sur Enfants, c'est l'Hydragon qui passe et La Jonque fantôme vue de l'orchestre. C'était bizarre, c'était enchanteur, et c'était de l'inédit pour moi. J'en ai gardé depuis un souvenir très singulier, comme une sorte de combinaison entre l'émerveillement et l'incompréhension. Et j'ai donc beaucoup attendu avant de relire l'album.


Ce qu'il faut savoir sur Jean-Claude Forest, ce n'est pas seulement qu'il est le père de l'audacieuse Barbarella (parce que ça, vous le saviez déjà, ou vous l'aviez déjà compris). Savoir de quelle façon il travaillait (ce dont j'ai eu connaissance très récemment) se révèle très intéressant, parce que ça permet de mieux appréhender un album de bande dessinée comme La Jonque fantôme vue de l'orchestre. Après tout un travail de tri de notes accumulées au cours du temps, et une fois qu'il tenait une idée générale, Forest écrivait un texte comme s'il s'agissait d'un roman ou d'une nouvelle. E.P. Jacobs procédait lui aussi de la même manière, mais on sait que Jacobs n'a jamais fait confiance au medium de la bande dessinée, alors que Forest, lui, y était très attaché depuis son enfance. C'était donc après avoir écrit son texte qu'il se mettait à concevoir son album. D'où un style très littéraire. Ce qui ne fait pas de Forest un meilleur ou un moins bon auteur de BD que d'autres - loin de moi de penser que ce qu'on appelle "roman graphique" (quoi que ça veuille bien dire, mais c'est un autre sujet) se situerait au-dessus du reste de la production de BD ! En revanche, il est clair que ce style "littéraire", ça a été une des grandes particularités de Forest, à une époque où la BD française était très imaginative et tentait pas mal d'expériences nouvelles.


Et La Jonque fantôme dans tout ça ? Titre curieux, pour une histoire curieuse, racontée de manière curieuse. Une histoire qui a visiblement pour cadre la Première guerre mondiale, et pour personnage principal Gaston Gamine, un jeune marin qui échoue sur une côte de la Saravonie Argovine (ce qui doit vous faire penser à un pays qui existait encore il n'y a pas si longtemps), décide de déserter, et rencontre Winnic Radbod, un vendeur de fenêtres hygiéniques, accompagné du coati Sabayon. Qu'est-ce qu'une fenêtre hygiénique ? C'est bien là que réside le mystère et le coeur de tout cet album. Gaston passera un sacré bout de temps à se poser la question, à n'oser la poser à Radbod, jusqu'à ce que lui et nous, lecteurs ahuris, saisissions, au moins en partie, de quoi il retourne. Sachez pour l'instant qu'une fenêtre hygiénique vous montre une villa sur la mer. Sachez qu'une fenêtre hygiénique, ça fait rêver ou ça fait peur. Sachez qu'une fenêtre hygiénique, c'est tout un monde.


Au-delà des dessins assez impressionnants et très travaillés, rappelant plus ou moins les gravures qui illustraient les romans de Jules Verne (ce qui n'est pas un hasard, puisque Forest adorait Jules Verne), c'est l'ensemble du travail graphique qui est très soigné. Pas tant le découpage, après tout classique, que la mise en page, clairement décorative ; j'en veux pour preuve la toute première planche. Mais... Mais le travail graphique perdrait beaucoup de son sens s'il n'y avait pas le texte, davantage développé en voix off que dans des dialogues entre personnages. On alterne sans cesse entre le narrateur omniscient (qui n'est autre que Forest, qui fait tout pour se montrer derrière un pseudo-narrateur anonyme) et ce que Gaston se raconte dans sa tête. C'est presque toujours teinté d'humour, malgré des thématiques sombres. Et surtout, il y a un jeu constant entre texte et dessin, Forest s'amusant à vous faire remarquer que oh, comme c'est pratique, alors que Gaston se noie, un escalier apparaît comme par magie, avec en sus un anneau pour s'y accrocher ! Ou encore que le dessinateur (mais qui peut-il être ?) a judicieusement placé un corbeau sur un paysage de neige dans l'image pour donner le ton. Vous avez de la méta-BD, ce qui n'est pas si courant. Mais de la méta-BD qui ne se prend pas au sérieux. Bref, c'est un peu comme si Forest se comportait en critique d'une peinture (il nous fait bien remarquer que certaines de ses images sont construites comme des tableaux), ou d'un roman, en insistant sur la façon dont il a choisi de conduire la narration. Sauf que c'est bel et bien un jeu, qui, cela dit, demande un peu de concentration de la part du lecteur. Voire beaucoup.


Je vais m'arrêter là pour le côté méta, parce que ça deviendrait lourd, mais avant j'ajouterai que la thématique théâtrale, centrale, rajoute du méta au méta. La Jonque fantôme vue de l'orchestre va en effet nous emmener assez loin, du côté de la guerre, toile de fond dont il est impossible de se dépêtrer, du spectacle (guerre ou théâtre), du côté de la mort, du temps qui se fige ou qui passe trop vite, du côté de la réalité à laquelle on aimerait échapper, et, par conséquent, du côté des rêves et d'un monde onirique qui est aussi un mirage (d'où le nom "Théâtre chimérique" qui va apparaître en cours de route). On pourrait d'ailleurs penser à Pirandello et à ses Géants de la montagne, avec le personnage de Cotrone qui a choisi de vivre parmi ses illusions. Ou on pourrait penser au film Céline et Julie vont en bateau, avec ses acteurs de théâtre qui rejouent indéfiniment les mêmes scènes. Ou aux Cités obscures. Ou bien, on peut juste se laisser porter par l'imagination de Jean-Claude Forest, entre rêves et réalité, avec la mort en plein milieu.
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Haut niveau.
Je conseille vivement
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
- Vois-tu, Gaston, dans la vie d'un forain il y a les jours ordinaires et les jours non ordinaires... qui ne sont pas pour autant et obligatoirement des jours extraordinaires... ce serait trop beau !
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Gaston, t'es vivant !
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Videos de Jean-Claude Forest (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Claude Forest
Max Cabanes est un grand nom de la bande dessinée et un témoin privilégié des grandes heures de la production française. L?homme natif de Béziers a la gouaille du sud mais la modestie et la discrétion d?un auteur inconnu. Et pourtant, quelle carrière ! Remarqué dans la série "Dans les villages", il travaille avec Jean-Claude Forest, scénarise ou dessine des récits fantasmagoriques et réalise une superbe fresque dans la ville d?Angoulême. Il obtient même le Grand Prix d?Angoulême en 1990 grâce à une carrière accomplie où il s?est essayé à tous les genres et tous les styles graphiques avec une inventivité surprenante. Il prend ensuite un virage serré avec l?adaptation de trois célèbres polars du maître du genre, Jean-Patrick Manchette : la fusion entre deux monstres artistiques, rendue possible par le fils de Manchette, Doug Headline, donne forcément un rendu explosif. Dans son style graphique unique où le dessin crève la planche et les couleurs marquent les esprits, Cabanes parvient à égaler Jacques Tardi dans le même exercice. Nous avons eu la chance de l?interviewer lors du festival Quai des bulles, peu de temps après la publication de "Nada". « Rencontre du 3ème super type » en exclusivité pour Planetebd?
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