C'est arrivé vite. Des garçons turbulents et moqueurs, une bousculade, la tête qui se heurte au trottoir, et une incisive (définitive) qui s'échappe de la bouche d'Eliane, qui a alors neuf ans. Elle qui, le matin encore, ne voulait pas être obsédée par sa dentition comme l'est sa mère alcoolique, va finalement rencontrer ce « complexe ». On la retrouve 25 ans plus tard. Elle vit modestement, est presque analphabète et vit avec ses 3 enfants, qu'elle eut de deux maris différents qui ne sont plus là désormais. Elle n'a pas quitté ce petit village où tout le monde se connaît et où rumeurs et clans sont formés depuis la nuit des temps. Elle fait le ménage à l'école et chez un écrivain et fait des gâteries au maire pour être logée à un prix dérisoire. Pour une raison inconnue, la femme du maire va vouloir lui payer une fausse dent pour combler ce trou béant qu'elle a dans la bouche …
Parallèlement, on suit Thibaud, un comédien sur le déclin qui sillonne les routes et qui va être amené à revenir dans ce village pour une fête...
Benoît Fourchard a un style bien à lui, économisant la ponctuation, et bannissant tout signe de dialogue, en n'utilisant que très rarement des virgules. Avec une écriture un brin caustique et non dénuée d'humour, il nous fait entrer dans le cercle quotidien de ce petit village où la réputation de chacun est faite, et dont il est difficile de se dépêtrer. Tout changement n'y changera rien, on est catalogué ainsi pour toute sa vie quoi qu'on fasse. Eliane en fait la dure expérience : elle qui croyait et espérait que cette nouvelle dent lui offrirait une nouvelle vie va bien vite déchanter. La mentalité n'évolue pas vite dans ces petites contrées… « Prendre
la lune avec les dents », ou vouloir tenter l'impossible, c'est ce qu'Eliane va expérimenter à ses dépens. Cette expression qui donne son titre au roman est apparue pour la première fois dans «
Pantagruel » de
Rabelais, la lune étant le symbole même de ce qu'on ne peut atteindre.