Ce tome fait suite à My life as a weapon (épisodes 1 à 5, + "Young avengers presents" 6). Il contient les épisodes 6 à 11, tous écrits par Matt Fraction, initialement parus en 2013. Ces épisodes ont eu droit à une réédition avec une couverture rigide dans Hawkeye 1 (épisodes 1 à 11, + "Youg avengers presents" 6).
Épisode 7 (dessins de
Steve Lieber pour Clint Barton, et de Jesse Hamm pour Kate Bishop) - Cet épisode se déroule pendant la nuit où l'ouragan Sandy s'est abattu sur New York (29 octobre 2012). Clint Barton accompagne Grills (Surnom de Gilbert, un de ses locataires) à Rockaway Beach (comme dans la chanson des Ramones) pour aider son père à construire une digue pour protéger sa maison. Pendant ce temps, Kate Bishop est dans un restaurant huppé (au dernier étage d'une tour) qui se voit privé d'électricité. Elle doit aller dans une pharmacie pour chercher les médicaments d'une vieille femme en attendant les secours.
Cet épisode rend hommage au courage des newyorkais qui ont affronté l'ouragan Sandy, et qui se sont entraidés. Les 10 pages consacrées à Clint Barton forment une belle histoire courte sur une relation père / fils prenant en compte le caractère de l'un comme de l'autre, et sur le degré de connaissance très relatif qui peut exister entre 2 voisins (Clint ne connaît même pas le vrai prénom de Grills). le style de Lieber est plus fruste que celui d'Aja, mais il convient bien à l'histoire, avec son apparence un peu rugueuse. 4 étoiles.
L'histoire de Kate Bishop est déjà beaucoup plus convenue. Sa façon d'houspiller le chef de rang relève d'une forme de mépris facile et sans fondement. Sa mission de sauvetage s'avère très basique, pour une aventure dont la fin se veut chaleureuse et fraternelle, de façon trop primaire. Les dessins de Jesse Hamm sont encore plus frustes avec l'inclusion d'une exagération à caractère comique, qui n'apporte rien au récit. 2 étoiles.
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Épisode 7 - C'est bientôt Noël et Clint Barton n'arrive pas à brancher son lecteur DVD (malgré l'aide de Tony Stark). En plus le gang d'Europe de l'Est (ceux qui mettent "Bro" dans chaque phrase) est de retour dans le quartier. Épisodes 8 à 10 - Cherry est de retour : elle se rend à l'hôtel particulier des Avengers pour demander l'aide de Clint Barton. Elle souhaite qu'il l'aide à voler un petit coffre fort dans un bar malfamé, tenu par l'un des membres du gang des "Bro". Épisode 11 - le chien "Lucky" (surnommé Pizza dog) accomplit 2 missions dans un épisode silencieux (sans paroles).
Hawkeye apparaît pendant 2 pages en costume de superhéros (aux cotés des avengers), et il passe le reste des épisodes en civil. Clint Barton est toujours un jeune homme blanc, en pleine forme, disposant d'une certaine aisance financière. En cela, il reste un stéréotype du héros d'aventure à destination d'adolescents en mal de fantasme de puissance virile. Pourtant, il échappe à ce cliché dès les premières pages. Son plus grand défi est de démêler les câbles de son lecteur DVD, perdu dans un schéma de montage indéchiffrable. Malgré la présence d'un ami riche et technophile (Tony Stark), il a perdu d'avance, mais il ne souhaite pas jeter un appareil électronique qui fonctionne encore. L'insertion d'un schéma de connexion simplifié par Aja en bordure de case ajoute encore au fossé existant entre ce trentenaire sans souci, et ce casse-tête insoluble de la technologie moderne. Ce cliché s'écroule encore en miettes quand le lecteur assiste à la chute disgracieuse d'Hawkeye lors d'un combat contre des hommes de main de seconde zone de l'organisation criminelle AIM. Décidément ce n'est pas son jour. Et voilà que ses locataires viennent se plaindre qu'ils ne captent plus la télévision (une flèche s'est fichée dans la coupole de l'antenne satellite). Encore pire, par 2 fois quelqu'un est sur le point de révéler la fin de la saison de la série préférée de Clint : "Dog cops", sans oublier son voisin qui l'a surnommé Hawkguy, avec une bonne dose de mauvaise foi.
Matt Fraction s'emploie avec habilité à montrer que Clint Barton n'a rien de super, que ses choix prêtent à discussion, que sa vie amoureuse va de naufrage en naufrage (avec la participation de 3 de ses ex : Bobbie Morse, Natalia Romanova et Jessica Jones), et que ses actions d'éclat dans le tome précédent n'ont rien résolu et ont même fait empirer la situation.
David Aja est de retour pour dessiner et encrer les épisodes 6, 8, 9 et 11, l'épisode 10 étant dessiné, encré et mis en couleurs par
Francesco Francavilla. Ce dernier dessine un épisode centré sur la découverte d'un nouveau cirminel dépourvu d'empathie : Kazimierz Kazimierczak (dit Kazi). Ses dessins induisent une forte implication du lecteur par une mise en scène des états d'esprits et des actions très soignées. En fonction de la séquence, Francavilla va faire varier le nombre de cases pour accélérer ou ralentir le rythme de lecture, va incliner quelques cases pour indiquer le déséquilibre d'un individu dû à la confusion provoquée par une attaque, ou un sentiment exacerbé. Il va également jouer sur le tracé des bordures de case, bien droits à la règle, tremblés ou inexistants. Il utilise une palette de couleurs sans dégradé, ce qui intensifie chaque surface. Il sait faire aussi bien faire apparaître la folie dans un regard, qu'une absence totale d'émotion.
Et puis il y a les 4 épisodes dessinés et encrés par
David Aja qui emmènent ces histoires dans une autre catégorie. En termes d'apparence globale, il est possible d'évoquer
David Mazzuchelli pour un rendu à la fois précis et lâche. le nombre de cases par page est fonction de la séquence pouvant varier de 4 à 16, sans perdre de lisibilité. Aja dessine avec des traits un peu grossiers, des personnages et des décors qui semblent avoir été vite croqué de manière spontanée, mais avec une précision époustouflante. L'examen de chaque dessin montre que chaque trait est nécessaire et suffisant, et que chaque variation d'épaisseur apporte une information utile. En prenant un peu de recul par rapport à la page, il apparaît que chacune d'entre elles s'insère et participe à une approche conceptuelle discrète.
En fin de volume,
Matt Hollingsworth explique par l'exemple comment il effectue la conception de la composition de couleurs d'une séquence. Par opposition à une approche case par case, il reproduit 15 planches en petites vignettes (sur 2 pages) avec uniquement les couleurs (sans les traits de l'encrage) pour mettre en évidence chaque composition. À la lecture, il est possible de ne pas y prêter attention. Ainsi mis en évidence, le lecteur a sous les yeux l'un des éléments structurant sous-jacents de la narration visuelle.
De séquence en séquence, le lecteur découvre une narration très fluide, pleine de surprises visuelles, riche sans être écoeurante. Il remarque qu'Aja apporte un soin tout particulier aux tenues vestimentaires (évident lors de la première apparition côte à côte de Natalia, Bobbie et Jessica, avec leurs robes très "swinging London"). Il est possible également d'apprécier les tenues décontractées de Clint Barton, ou la robe de Cherry. Il constate que chaque séquence dispose de son ambiance, en particulier la réunion au sommet des chefs du crime organisé dans le bureau de Wilson Fisk (saurez-vous tous les reconnaître, de Typhoid Mary, à Mr. Negative ?).
Enfin il y a l'utilisation d'éléments graphiques plus conceptuels, totalement intégrés et indissociables de la narration. Matt Fraction et
David Aja, aidés par Chris Eliopoulos (le lettreur), ont conçu leur narration comme un tout, à l'opposé du principe de chaîne de montage des comics. Il y a bien sûr ces couvertures de type romance insérées dans l'épisode 8 (réalisées par
Annie Wu) qui sont à la fois les couvertures des comics que Cherry a offert à Clint, une exagération gentiment moqueuse de la situation dans laquelle elle se trouve, et une mise en abîme savoureuse d'une collection de comics dans un comics (sans parler d'un hommage à un genre aujourd'hui disparu dans la production de comics). Dans le même ordre d'idée, il y a donc ce schéma de connexion du lecteur DVD, ainsi que tours les symboles de l'épisode 11. Ils sont fondus dans les dessins, et réalisés par Eliopoulos. L'épisode 11 est donc consacré aux activités de Lucky (le chien d'Hawkeye). Par le biais des symboles, le lecteur perçoit la réalité comme elle est assimilée par le cerveau du chien. Fraction, Aja et Eliopoulos présentent chaque scène telle qu'elle est perçue, décodée et comprise par Lucky, tout en déroulant une intrigue facilement compréhensible et divertissante. Il s'agit d'un accomplissement exceptionnel en termes de narration, impossible à décrire en mots.
Alors oui, ce comics raconte les aventures d'un superhéros blanc et nanti, sans superpouvoirs utilisant un arc pour se battre contre de méchants criminels, en comptant fleurette à des jeunes femmes accortes. Mais à partir de ce point de départ stéréotypé, Matt Fraction,
David Aja et Chris Eliopoulos racontent une histoire de bons contre des méchants qui déjouent tous les clichés narratifs (sur le plan de l'intrigue et du point de vue visuel) pour les aventures d'un homme faillible, courageux, dont les combats physiques ont tendance à aggraver les situations (quand il a le dessus), dont la conduite suscite la réprobation de la gente féminine, avec une habilité narrative saisissante, conceptuelle, facile d'accès (en arrière plan, par comparaison à celle mise en oeuvre par Fraction dans Casanova). Clint Barton finit par être tellement peu sûr de lui qu'il demande à sa voisine s'il peut lui souhaiter un joyeux Noël, ne sachant plus trop si c'est politiquement correct du fait de la connotation religieuse. Clint Barton continue à vivre dans L.A. Woman.