Frain Irène – "
Un crime sans importance : récit" – Seuil, 2020 (ISBN 978-2-02-145588-5) – format 21x14cm, 250 pages. – prix Interallié 2020
Il ne s'agit pas ici d'un roman :
Irène Frain relate sans fard, sans digression, à la pointe sèche et en toute honnêteté les suites de l'assassinat ignoble de sa soeur aînée, à coups de marteau, le samedi 8 septembre 2018 (cf p. 204), agressée, torturée et mise à mort dans son pavillon de la banlieue parisienne, à Brétigny-sur-Orge, comme sept autres femmes âgées dans le même périmètre (cf p. 121) avant elle, et encore de nombreuses autres après !
Et depuis ?
Rien, absolument rien : la bonne et grande "justice" de la doulce France n'a pas de temps à perdre avec ce "crime sans importance" ne concernant finalement qu'une vieille femme, donc très peu porteur dans les médias si chers à nos magistrat(e)s et avocat(e)s...
Irène Frain le dit elle-même : elle enrage face à l'inertie qui lui oppose "le mastodonte", terme par lequel elle désigne si justement la "justice" française, peu intéressée par ce meurtre ordinaire, dans une banlieue ordinaire, en lisière d'un de ces "territoires perdus de la République" (cf
Georges Bensoussan pseud.
Emmanuel Brenner).
La justice française, et plus particulièrement la magistrature, ne consacre plus la moindre énergie ni la moindre attention à de tels "faits divers". En collusion, en osmose, avec les médias, elle ne s'intéresse plus qu'à des affaires politiques à grand tapage, gaspillant allègrement l'argent du contribuable en procès interminables contre des hommes et femmes politiques toutes et tous catalogué(e)s "à droite" – par le plus grand des "hasards" judicieusement piloté par le "syndicat de la magistrature" (celui du "mur des cons").
Chirac étant décédé,
Dominique Baudis ayant été suffisamment traîné dans la boue, Balladur et
Marine le Pen (pour laquelle la justice s'autosaisit !!!) constituent déjà des proies non négligeables. En revanche, Strauss-Kahn et Dodo la Saumure n'encourent aucune pénalité, tout comme Darmanin, puisqu'ils n'ont fait "que" se servir de prostituées...
Le summum fut atteint avec l'affaire Fillon, dans laquelle notre justice – mondialement réputée pour sa lenteur – s'imposa de battre des records
de vitesse : une procédure en à peine quarante-huit heures (du jamais vu), des dossiers fuitant dans la presse sitôt déposés sur le bureau des juges... Il va de soi que le financement pour le moins miraculeux de la campagne de Macron n'a point retenu l'attention de nos juges, ni d'ailleurs la demande d'enquête introduite par le député
Olivier Marleix : le PNF choisit "soigneusement" ses priorités.
La magistrature, puissamment relayée par les médias, a ainsi démontré qu'elle pouvait modifier le cours d'une consultation électorale.
Mais la chasse à courre la plus spectaculaire et la plus tenace est réservée à
Sarkozy, qui osa – crime impardonnable – évoquer la responsabilité des juges lorsque l'un d'entre eux s'avéra avoir par négligence remis en liberté Tony Meilhon, un marginal "bien connu des services de police et de justice", qui, dès sa remise en liberté, s'empressa d'assassiner Laëtitia Perrais (janvier 2011).
Sacrilège !
Sarkozy osait dire sans fard qu'un magistrat était un salarié comme un autre, devant rendre des comptes (comme tout un chacun) lorsqu'il commet une grave erreur professionnelle : absolument in-ad-mi-ssi-ble pour nos magistrats, qui descendirent immédiatement dans la rue pour protester.
Juste pour mémoire, rappelons – parmi tant d'autres – quelques unes des pétaudières judiciaires provoquées par nos braves magistrat(e)s, un véritable florilège depuis Bruay-en-Artois (1972) comprenant par exemple les affaires
Roland Agret (1973), Christian Ranucci (1974), Emile Louis (1981-2001),
Guy Georges (1981-1997), Gregory Villemin (1984, toujours en cours), Francis Heaulme (1984-1992), Omar Raddad (1991), Patrick Dills (1987), Outreau (1997), sans oublier bien évidemment l'affaire Fourniret (merci à la police belge).
Ce n'est là qu'un aperçu très très partiel, très très lacunaire. Avec de tels ratés, on comprend que nos braves magistrat(e)s veuillent à tout prix exercer leur noble sacerdoce sans aucun contrôle sous couvert d'indépendance...
Une jeune femme, Cintia Lunimbu, a récemment (juillet 2017) payé de sa vie la toute belle indulgence envers Jean-Baptiste Rambla, un brave prévenue qui avait assassiné son ex compagne et venait d'être libéré... tiens, ça vous rappelle l'affaire Meilhon ? vous avez vraiment mauvais esprit...
Le meurtre de la soeur d'
Irène Frain est, pour l'instant, à l'abri de toute erreur, puisque ne donnant lieu à aucune investigation, ce qui n'est pas un cas rare, comme le montrent les nombreux autres assassinats commis dans le même périmètre à la même époque.
Et à supposer que l'on juge un jour le coupable, le laxisme proverbial de nos tribunaux lui assure une peine réduite à son minimum, il pourra même demander à être relâché immédiatement s'il juge ses conditions de détention indignes de sa noble personne...
Après avoir assassiné sa compagne en juillet 2003,
Bertrand Cantat fut rapatrié le plus vite possible en France (on allait tout de même pas le laisser dans les inconfortables prisons lituaniennes), obtint sa liberté conditionnelle dès juillet 2007 et définitive en 2011 (la justice peut travailler vite !) ; son épouse se suicide (alors qu'il était sur les lieux) en janvier 2010. Avec ce très joli palmarès, il remonte se faire applaudir sur les planches. L'ignominie n'a plus aucune limite...
Ainsi va la justice dans notre pays, entre irresponsabilité revendiquée et collusion médiatique complaisante...