Les aventuriers de l'art moderne, tome 1 : Bohèmes

Dan Franck passe d'un artiste à l'autre avec aisance, le ton est léger mais les récits historiques sont sérieux. Un magnifique livre pour tous les amateurs d'art.

… et une incommensurable nostalgie des artistes du vingtième siècle m'envahit…

C'est à l'occasion de la publication en 2015 chez Grasset du Temps des bohêmes (1 200 pages serrées !), qui regroupe les trois tomes des Aventuriers de l'art moderne, que j'ai entrepris de lire le premier tome de la trilogie, Bohêmes, qui m'avait échappé lors de sortie en 1998.

Dan Franck est un des écrivains français les plus sympathiques et les plus talentueux, qui inonde depuis plus de 35 ans les librairies d'une quantité ahurissante d'oeuvres qui ont tout le mérite d'être à la fois très agréablement écrites, très faciles à lire, et d'une érudition étonnante.

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Dan Franck passe d'un artiste à l'autre avec aisance, le ton est léger mais les récits historiques sont sérieux. Un magnifique livre pour tous les amateurs d'art.

Voilà un ouvrage qui fleure bon le début du 20° siècle. Il fourmille d'anecdotes concernant les personnages qu'on y croise ainsi que les lieux populaires de l'époque. J'ai plongé avec délice dans cette période débordante de talents en devenir.

J'ai rencontré Guillaume Apollinaire déclamant sa poésie dans les rues de Montmartre, mangé en compagnie de Braque au Lapin Agile, autrefois Lapin à Gill, nid préféré de la bande à Picasso, croisé de nombreux modèles dénudés comme la belle Fernande courant poser dans les couloirs du Bateau Lavoir.

C'était au temps où, quelques sous en poche, les artistes se noyaient dans l'absinthe et l'opium pour oublier l'incompréhension que rencontrait leur travail, les laissant dans une précarité dangereuse. le temps où des mécènes comme Ambroise Vollard, Léo et Gertrude Stein, Khanweiler et bien d'autres, achetaient les toiles de Matisse, Derain, etc, sentant poindre le génie chez certains alors qu'ils étaient rejetés par tous les Salons traditionnels.

Puis, avec la période difficile de la première guerre mondiale, la faune artistique a peu à peu déserté la Butte pour investir Montparnasse. Une nouvelle ère artistique s'ouvre, tout aussi décriée que la précédente. D'autres muses se trouvent propulsées sur le devant de la scène telle que la célèbre Kiki de Montparnasse. L'impressionnisme est presque rentré dans le rang, place au fauvisme, au dadaïsme décadent et bien d'autres mouvements trop novateurs pour répondre aux caractéristiques formatés de l'époque.

Les trente premières années du 20° siècle sont explorées et fouillées, laissant le lecteur pantelant devant cette explosion de couleurs, de mots, de chorégraphies. Ce livre donne un aperçu de la recherche dont ont fait preuve les artistes en tous les domaines pour trouver une nouvelle dimension à l'Art.

Ce volume est le premier tome d'une trilogie: Libertad (1931-1939) et Minuit (1940-1944). le premier sur fond de guerre d'Espagne reprend les artistes rencontrés dans Bohèmes auxquels se rajoutent des écrivains comme Hemingway, Céline, Lorca...etc. le deuxième donne un éclairage sur le comportement trouble de certains pendant la deuxième guerre mondiale.

La trilogie est intéressante mais j'ai préféré, sans hésitation, "Bohèmes". Certains pourront être déroutés par la richesse et le nombre d'artistes qui habitent ces pages mais, à mon sens, c'est tout à fait représentatif du rythme endiablé et ébouriffant de l'époque.