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Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni !
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe.
Ils se sont assis silencieusement en cercle autour de moi. Je leur ai tout de suite posé la question suivante : « Que pensez-vous des contes anciens où les princes volent au secours des princesses ? »
Ils se sont tous regardés les uns les autres, avec des yeux interrogatifs, cherchant dans ma question le piège éventuel.
« Toi Berni-Chou, tu as une idée derrière la tête », a fait la petite Anna d'un oeil empli de sagacité.
Je me suis retourné, mais non, je n'avais aucune idée derrière la tête. D'ailleurs, quelle idée ? Avais-je ainsi des intentions si malveillantes auprès de ces chers élèves de CE2 que j'adorais tant ? Moi qui bousculait même le calendrier pour faire désormais passer les histoires du mercredi tantôt le mercredi, tantôt le jeudi ? Que nenni !
Alors j'ai proposé :
« Et si on imaginait des histoires où l'on casserait les codes classiques. Par exemple, imaginons que ce ne soit plus Patounet qui répare le vieux jukebox déglingué comme s'il se penchait au-dessus du moteur d'une voiture, sous prétexte que c'est un garçon. (*) Cela pourrait très bien être une fille, Domi par exemple.
- Je connais rien au moteur de jukebox moi, a fait la petite Domi toute confuse.
- Tu vois, mon cher Berni, elle n'y connait rien, a répondu le petit Pat qui craignait pour son jukebox. C'est pas une affaire de fille ou de garçon, c'est juste une affaire de compétences.
- Mais je veux bien apprendre moi, a répliqué la petite Domi tout émoustillée.
- Ugh ! Moi je connais les moteurs de jukebox comme ma poche, a fait la petite Gaby très entreprenante, déposant au sol son grand sac à ustensiles insolites, prête de nouveau à étaler son contenu et dévoiler tous ses trésors.
- C'est pas avec une tourniquette à faire la vinaigrette qu'on sauve un vinyle collector de Karen Cheryl ma chère Gaby, a fait le petit Pat en se moquant légèrement.
- Tu n'as pas de mémoire petit Patounet, tu oublies la clé de douze qui a sauvé ton vinyle collector furieusement ringard. Certes c'est toi petit homme primesautier et facétieux qui a donné le dernier coup d'écrou, mais :
♫ quelle est la princesse ubique
qui a sorti l'objet magique ♫
♫ de sa besace unique
venue au secours tragique ♫
du mécanicien en panique ?♫ »
On a entendu un petit gloups dans la voix étranglée du petit Pat tout gêné, mais l'incident a été très vite clos par un petit baiser déposé par la princesse incroyable sur le front du mécanicien non moins incroyable du jukebox déglingué qui servait désormais aux travaux manuels de la classe.
« Je vais te transmettre tous mes rudiments, chère Gaby, a fait le petit Pat très coopératif, mais tu ne touches surtout pas au collector de Marcel Amont. C'est sacré, hein !
- Ugh ! Ça ne me serait même pas venu à l'idée un seul instant, je te rassure. »
Sur ce beau geste de transmission à venir, j'ai poursuivi.
« le livre que je vais vous présenter aujourd'hui s'inspire de contes célèbres anciens et les réinvente en proposant de manière malicieuse et intelligente une autre version. On inverse les rôles entre filles et garçons. Ce ne sont plus les princes qui volent au secours des princesses mais l'inverse. »
Alors je leur ai montré le livre de contes que j'avais apporté ce mercredi matin, écrit par l'autrice anglaise Karrie Fransman intitulé le Bel au Bois Dormant et autres contes où les princesses volent au secours de leurs princes. Qui plus est, les belles illustrations de Jonathan Plackett au gré des différents contes forment un enchantement qui nous emporte.
J'ai vu subitement dans l'assistance des yeux à la foi interloqués et captivés. On s'est regardés Sandrine la maîtresse d'école et moi, on a vu que la mayonnaise prenait.
Le mieux était d'entrer dans un des différents contes revisités par l'autrice pour voir la métamorphose tant attendue du texte. Enfin, peut-être il en serait fini de la jeune princesse innocente et gourde qui croque les yeux fermés dans la fameuse pomme empoisonnée.
Au hasard, je me suis saisi de l'histoire du Bel au bois dormant et je leur ai raconté cette nouvelle version revisitée du célèbre conte de Charles Perrault :
« II était une fois une Reine et un Roi, qui étaient si fâchés de n'avoir pas d'enfants, si fâchés qu'on ne saurait le dire. Ils allèrent à toutes les eaux du monde : voeux, pèlerinages, tout fut mis en oeuvre, et rien n'y faisait.
Enfin pourtant le Roi eut un fils. On fit un beau baptême, et on donna pour parrains au petit Prince tous les gentils Fées qu'on put trouver dans le reinaume (il s'en trouva sept), afin que, chacun d'eux lui faisant un don, comme c'était la coutume des fées en ce temps-là, le Prince eût toutes les perfections imaginables. »
Il y avait aussi Jacqueline et le Haricot Magique :
« Il était une fois un pauvre veuf qui vivait dans une petite ferme avec sa fille Jacqueline.
Jacqueline manquait de jugeote, mais elle était affectueuse et avait bon coeur. Il y eut un hiver très rude, et le pauvre homme attrapa une forte fièvre. Jacqueline ne travaillait pas encore, de sorte qu'ils tombèrent dans une extrême pauvreté. le veuf dut se résoudre à vendre son boeuf pour qu'ils ne meurent pas de faim; aussi un matin il dit à sa fille : « Jacqueline, je suis trop faible pour aller au marché, alors emmène le boeuf et vends-le. »
Allez, je vous en offre une troisième, comme cela vous aurez le ton donné :
« II était une fois, au coeur de l'hiver, quand les flocons de neige tombaient comme des plumes sur la Terre, un Roi qui cousait, assis à une fenêtre encadrée de bois d'ébène. Tandis qu'il travaillait à son ouvrage en regardant le paysage sous son blanc manteau, il se piqua le doigt avec son aiguille, et trois gouttes de sang tombèrent sur la neige au-dehors. En voyant rouge se détacher si joliment sur le blanc, le Roi se dit en lui-même : « Oh, que ne donnerais-je pas pour avoir un enfant aussi blanc que la neige, aussi vermeil que le sang, aussi noir que l'ébène ! »
Son souhait fut exaucé, car il eut bientôt un fils, un petit garçon, à la peau aussi blanche que la neige, aux lèvres et aux joues aussi vermeilles que le sang et aux cheveux aussi noirs que l'ébène. On l'appela Blanc-Flocon, mais le Roi mourut peu de temps après sa naissance. »
Vous l'aurez compris, ici les Fées sont masculins. Il n'est plus question de la douceur et de l'innocence des princesses, ni de la force et du courage des princes.
Ce qui est étonnant, c'est que les élèves trouvaient naturel ce que je racontais. L'histoire de Blanc-Flocon et des sept naines les avaient bien amusés aussi. Et je me demandais si la prochaine étape ne consistait pas à réunir leurs parents pour continuer de faire voler en éclats tous ces stéréotypes véhiculés par l'imaginaire collectif. Mais peut-être était-ce peine perdue ?
« La violence ordinaire du monde interdit aux garçons de pleurer et aux filles d'explorer la nuit. Elle interdit aux filles d'arpenter les routes en conquérantes et aux garçons de ne pas être de garçons. » J'avais aimé ce propos cité dans la préface du livre, rédigée par Marie Darrieussecq. Elle poursuivait notamment en disant ceci : « À force de répéter ces supposées descriptions, à force d'enfoncer le clou des stéréotypes, ils marquent au fer rouge l'imaginaire humain et forgent des sociétés entières. Ces sociétés sont binaires, divisées entre hommes et femmes ; et dès qu'ils y a du deux, il y a de la hiérarchie. »
Sandrine, la maîtresse d'école est venue vers le cercle des élèves pour leur proposer d'échanger sur le sujet...
« Vous voyez, a dit Sandrine la maîtresse d'école, on peut parfaitement et judicieusement imaginer des tas d'histoires où le rôle qu'occupait un personnage féminin pourrait être interprété par un personnage masculin, et vice-versa, et c'est intéressant de regarder ce que cela donne... Parfois, grâce à ce regard décalé, à ce pas de côté, on peut continuer de se laisser surprendre par la place qu'occupe dans l'histoire certains personnages auxquels notre imaginaire collectif s'était habitué.
- Mouais, a fait la petite Dori d'un air dubitatif, Mortelle Adèle pour moi sera toujours une fille, non mais oh ! »
Puis, l'idée est venue d'illustrer un des contes du livre par une petite mise en scène. Les suffrages l'emportèrent vers Blanc-Flocon et les sept naines. le petit Pat se porta volontaire pour jouer le rôle de Blanc-Flocon. Il s'agissait désormais de composer le casting des sept naines.
Prof, Timide, Atchoum, Joyeuse, Simplette, Dormeuse, Grincheuse.
Il y eut quelques volontaires, mais pas totalement.
Tiens ! Grincheuse ? Qui va faire Grincheuse ? Tous les regards se sont retournés bizarrement vers la petite Dori.
« Mais ! Euh ! »
La petite Francine proposa d'une voix solennelle : « Moi, je veux bien être Prof ! »
-Et moi Atchoum, a fait la petite Isa qui avait un gros rhume ce jour-là.
Fanny accepta un rôle de composition en jouant Timide.
- C'est pas trop compliqué ? a t-elle tout de même demandé timidement.
- Mais non, il suffit que tu ne dises rien, répondit la petite Sylvie d'un air plein de confiance... »
La petite Chrystèle accepta d'être Dormeuse. Pour Joyeuse, c'était presque évident que ce serait la petite Nico.
Et Simplette ? Qui sera Simplette ?
« Allez, je me sacrifie pour la bonne cause, a fait la petite Anna portant la main au front d'un geste d'abnégation, n'a-t-on pas dit ce matin qu'on faisait voler en éclats les stéréotypes et les images convenues ? Mouhahaha ! »
La petite Gaëlle nous a rejoint au dernier moment pour nous saluer d'un geste tendre. Elle était pressée, elle devait s'absenter pour quelques jours mais promettait de revenir très vite.
« Elle est belle ton histoire, camarade, m'a-t-elle dit de son air océanique, c'est drôlement bien d'inverser de temps en temps les choses, ça remet les choses à leurs vraies places... »
Le petit Pat a appuyé sur le bouton du jukebox et une farandole échevelée a quitté la classe sous les cris et les bravos.

♫ Heigh-ho
Heigh-ho
♫ Heigh-ho, heigh-ho, heigh-ho, heigh-ho
Heigh-ho, heigh-ho
On rentre du boulot ♫
♫ Heigh-ho, heigh-ho, heigh-ho, heigh-ho
Heigh-ho, on rentre du boulo ♫
Heigh-ho, heigh-ho ♫

(*) Ici il est fait référence à la précédente chronique du mercredi matin intitulée "Matilda".
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Soucieux d'élever leur progéniture hors des stéréotypes et des préjugés, Karrie Fransman et Jonathan Plackett réfléchissent au sens des contes lus par des générations d'enfants.
En effet on apprend quoi, à nos enfants, en leur lisant des contes ? Que les garçons sont tournés vers l'extérieur, l'inconnu, la découverte ? Que la place des filles est à l'intérieur, à se soucier du foyer et de leur apparence ?
Malicieusement, Jonathan Plackett met au point un programme pour inverser le genre des textes : le marchand devient marchande, la princesse devient prince.
Karrie Fransman illustre ces douze contes revisités, inspirée par les images nouvelles qu'ils révèlent.
J'ai beaucoup aimé ses très belles illustrations, fourmillantes de détails et éclatantes de couleurs.
J'ai été étonnée de constater que, si je connais assez bien Perrault et Andersen, j'étais moins familière de Grimm, et tout à fait ignorante de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve (pourtant l'autrice de "La belle et la bête").
Mais j'ai surtout été surprise de ne pas être davantage frappée par l'inversion de genres : non, ça ne surprend pas tant que ça de voir une princesse partir en guerre ou en quête, de voir les frères de Cendron se parer pour le bal, de voir Jacqueline escalader le haricot magique.
(Je dois être suffisamment déconstruite.)
Alors oui, c'est drôle de voir Monsieur Raiponce laisser pendre sa "barbe dorée". Il est plus frappant de voir un homme occupé à filer ou à coudre, comme le père de Blanc-Flocon. Clairement, les tâches féminines par convention sont déconsidérées dans les contes (et dans la société en général : encore en 2023 en France, une femme gagne en moyenne 25 % de moins qu'un homme, et assure gratuitement 75 % des tâches domestiques, j'dis ça j'dis rien.)
Mais le plus étonnant à mes yeux a été cette princesse allant visiter le château endormi du Bel au bois dormant, car elle est… "poussée par la gloire". Là aussi, la conquête de gloire par une femme est si peu représentée dans l'imaginaire collectif, que cette simple expression m'a ouvert un abîme de réflexion. (Ça m'a rappelé Marie-José Chombart de Lauwe, expliquant le manque de reconnaissance des femmes dans la Résistance par leur "faible attirance pour les honneurs".)
Traduit par Marguerite Capelle et Hélène Cohen.
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L'idée de départ est intéressante : confier à un algorithme les soin d'échanger les genres des personnages dans des contes bien connus. Cela donne donc de nobles princesses qui viennent en aide à de pauvres princes sans défense. Cela donne aussi parfois quelques créations étranges, telles le coq aux oeufs d'or et le lait de boeuf. Les personnages règnent désormais sur un reinaume, et il n'y a que Dieu, qui reste Dieu.
Le but avoué étant bien sûr de remettre en perspective les genres et les stéréotypes véhiculés dans l'imaginaire collectif. Et en effet, la niaiserie de Beau dans "Le Beau et la Bête" qui ne comprend rien à son rêve lui répétant de "ne pas se fier à ses yeux" et le courage de la petite Jacqueline en haut de son haricot magique sont plutôt étonnants de la part de ces personnages ainsi genrés. On voit aussi que dans les contes traditionnels, ce sont toujours les belles-mères qui ont le mauvais rôle, et cela transparaît bien plus lorsque celui-ci est confié au beau-père. Cette manière de porter un autre regard sur ces histoires bien connues montre qu'elles peuvent encore nous surprendre. de même, les illustrations, toutes de couleurs vives et aux nombreux détails, méritent qu'on s'y attarde.
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Une pépite! Durant notre enfance, la plupart d'entre nous avons été bercé.e.s avec ces contes : La Belle Au Bois Dormant, Jacques Et le Haricot Magique. Des classiques qu'on aime tous et qui nous rappellent de bon souvenirs. Cependant, en grandissant on s'aperçoit que ces contes ne sont pas si parfaits rempli de stéréotypes les mêmes qui font notre société. L'homme fort et intrépide, la femme belle et fragile. À partir d'un algorithme, inversant les genres les auteur.rice.s modifient complètement ces histoires. J'ai beaucoup apprécié cette version re-visitée de ces magnifiques contes. Je salue l'excellent travail des traductrices qui ont su les modifier avec la subtilité de la langue française tout en respectant les traductions originales de ces contes. Je vous recommande de les offrir à tous les enfants de votre entourage sans réserve qui pourront profiter des illustrations à l'aquarelle. C'est aussi une très bonne lecture pour les grand.e.s nostalgiques et celleux s'intéressant à la question du genre.
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Bonjour, cette nuit autour d'une tasse de café, j'ai terminé un très beau livre de contes où les genres sont inversés : 𝑳𝒆 𝑩𝒆𝒍 𝒂𝒖 𝑩𝒐𝒊𝒔 𝑫𝒐𝒓𝒎𝒂𝒏𝒕 𝒆𝒕 𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆𝒔 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒆𝒔 𝒐ù 𝒍𝒆𝒔 𝒑𝒓𝒊𝒏𝒄𝒆𝒔𝒔𝒆𝒔 𝒗𝒐𝒍𝒆𝒏𝒕 𝒂𝒖 𝒔𝒆𝒄𝒐𝒖𝒓𝒔 𝒅𝒆 𝒍𝒆𝒖𝒓 𝒑𝒓𝒊𝒏𝒄𝒆, traduit de l'anglais par Karrie Fransman et Jonathan Plackett et édité aux éditions Stock !

Au départ, j'ai été happé par les illustrations et le côté régressif voire plaisir coupable de cet ouvrage. Par la suite, je suis tombé sous le charme de l'ensemble de ce bel objet qui est un pas de plus dans la longue marche pour l'égalité des sexes. C'est un coup de coeur en ces temps de fêtes !

📖La liste des contes :
- le Beau et la Bête
- Cendron et la Petite Pantoufle de verre
- le Prince au petit pois
- Jacqueline et le Haricot magique
- Gretel et Hansel
- Monsieur Raiponce
- Blanc-Flocon
- le Petit Chaperon rouge
- le Bel au Bois Dormant
- La Naine Tracassine
- La Maîtresse Chatte ou la Chatte bottée
- Poucet
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Ce livre sorti en fin d'année 2021 a été l'une des meilleures ventes à Decitre lorsque j'y travaillais.

Ce recueil de contes présente douze contes de notre enfance revisité et renverse les codes des genres : la Belle devient le Beau, Blanc-Flocon est reccueilli par sept Naines, les soeurs deviennent les frères, etc. Et voici la liste des contes revisités :
le Beau et la Bête
Cendron et la Petite Pantoufle de verre
le Prince au petit pois
Jacqueline et le Haricot magique
Gretel et Hansel
Monsieur Raiponce
Blanc-Flocon
le Petit Chaperon rouge
le Bel au Bois Dormant
La Naine Tracassine
La Maîtresse Chatte ou la Chatte bottée
Poucet

Ce recueil est une vraie merveille de traduction et d'illustrations ! Ce fût très enrichissant de découvrir les contes qu'on connait tous d'une autre façon, qui rompt avec les stéréotypes, sans pour autant dénaturer les contes.

Un très beau livre-objet à lire et offrir aux plus jeunes !
Lien : https://mathildelitteraire.b..
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Depuis des centaines d'années les parents lisent et relisent les mêmes contes de fées à leurs enfants. Karrie Fransman et Jonathan Plackett n'ont pas échappé à la règle. Mais en redécouvrant ces histoires avec leur fille, ils se sont soudain demandé pourquoi les princesses attendaient-elles toujours bien sagement leurs princes charmants ? Pourquoi la Belle n'était-elle pas le Beau ? Pourquoi les princes n'avaient-ils pas le droit d'aller au bal ? Et ils ont décidé de dépoussiérer un peu tout ça. Mais attention, ils n'ont pas réécrit les contes. Ils n'ont réinventé ni les fins ni les personnages. Ils ont simplement interverti leur genre. Ainsi, d'un coup de baguette magique, les princesses ont pris le rôle des princes, les sorciers des sorcières et les reines des rois. Subliment illustré par Karrie, le Bel au Bois Dormant deviendra à coup sûr le nouveau livre de chevet de toute la famille.


Il était une fois un monde où les princesses sautaient sur leur fidèle destrier pour sauver leurs princes endormis, où les grandes méchantes louves portaient des talons et où les princes faisaient des insomnies à cause d'un satané petit pois…

S'amuser avec les genres, Jonathan Plackett connait bien ça. Il a crée la première application capable d'échanger les visages des utilisateurs. C'est dans ce concept malicieux qu'avec son épouse, Karrie Fransman, ils ont crée et utilisé un algorithme capable de faire la même chose avec n'importe quel texte!

Enfant, le papa de Jonathan lisait des histoires à ses enfants. Sans qu'ils le sachent, il inversait les rôles des personnages pour égayer les lectures. Trente ans plus tard, père à son tour, Jonathan s'est demandé s'il était possible de raconter à sa fille des récits où le monde apprend aux petites filles à être puissantes et aux petits garçons de pouvoir exprimer leur vulnérabilité sans se mettre en colère. Voici comment est né cet algorithme.
Il intervertit les marqueurs de genre; remplaçant les il par elle, les Madame par Monsieur, fille par fils. Épatée par cette technologie, Karrie, illustratrice et autrice de livres jeunesse propose de l'appliquer aux traditionnels contes de fées.

Grammaticalement cette aventure est surprenante! Symboliquement elle est fascinante! Si en toute logique, les Monsieur deviennent Madame, il est une particularité qui a surpris les auteurs: systématiquement dans cette revisite, les filles viennent en premier. Ainsi le célèbre conte devient Gretel et Hansel, les femmes endossent des rôles remarquables et les hommes sont autorisé à être à fleur de peau et se voient récompensés pour leur gentillesse.

Je vous confie que j'ai eu un énorme coup de coeur pour Monsieur Raiponce, mon nouveau meilleur ami de papier, enfermé dans sa triste tour avec sa longue, longue, très longue barbe dorée! Mais toutes ces revisites m'ont émues profondément!

Si l'aventure anglaise fut passionnante, la traduction de ce nouveau recueil en français l'a été encore plus, comme le racontent les deux traductrices, Marguerite Capelle et Hélène Cohen. La langue de Molière s'avère bien moins souple que celle de Shakespeare, bien plus genrée, sans le délicieux échappatoire du neutre. Il a fallu inventer de nouveaux mots et l'exercice est réussi, c'est amusant et frais! Il leur a fallu également respecter notre imaginaire collectif, les contes de Perrault sont très encrés dans notre culture, là encore leur travail est excellent!

Le Bel au bois dormant est un recueil merveilleux, amusant, d'une fraicheur stimulante et d'une imagination féérique. On tremble avec nos héroïnes, on est bouleversé par ces messieurs et on rit, on frémit, on apprend, on s'anime, on peste, on pleure aussi, à chaque page! Et voilà exactement à quoi servent les contes de fées. Un apprentissage de la vie, une quête, une construction de notre moi profond et une ouverture au monde!

Je me permets de vous partager quelques mots de Marie Darrieussecq, qui signe une préface aiguisée et d'un pertinence folle!

…Qu'elle est belle, la force des filles, et qu'elle est belle, la fragilité des garçons… Pourtant, la violence ordinaire du monde interdit aux garçons de pleurer et aux filles d'explorer la nuit…
Quand on dit d'une fille qu'elle est douce et innocente, on ne la décrit pas: on lui donne des ordres. Et quand on dit d'un garçon qu'il est fort et courageux, on lui intime de l'être. A force de répéter ces supposées descriptions, à force d'enfoncer le clou de ces stéréotypes, ils marquent au fer rouge l'imaginaire humain et forgent des sociétés entières. Ce livre de contes renverse joyeusement la structure et souffle toute la vieille charpente. Nos habitudes de pensée sont métamorphosées, la magie est toute simple et l'effet est à la fois drôle, instructif, moral et dérangeant, exactement ce qu'on attend des contes.

Commençons par donner aux garçons la chance d'être féminin et aux filles la chance d'être masculines. Laissons-leur cette liberté de trouver leur place malgré les injonctions de la langue. Transformons la langue. transformons le monde. Proposons-leur de nouveaux récits. C'est exactement ce que ce recueil de contes, avec son simple algorithme, crée sous nos yeux enchantés…

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Un livre précieux parce que les contes sont un trésor inépuisable pour les enfants et parce qu'il faut sortir des stéréotypes, et le plus tôt sera le mieux! un beau défi aussi pour ce livre en français où on doit jongler avec les accords de genre et parfois créer des néologismes. Une invention salutaire !
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Dans ce recueil de contes, Karrie Fransman et Jonathan Plackett, femme et mari, ont utilisé un algorithme écrit par monsieur pour inverser tous les genres d'un recueil étant libres de droit. Ici, ils n'ont rien écrit eux-même, ni rien changé aux histoires. Ils ont simplement lancé le logiciel pour tout inverser et constaté le résultat. Madame a fait les illustrations et nous voilà avec le recueil.

Et le résultat est assez parlant et impressionnant. Si dans la plupart des passages, on ne ressent pas de différences, d'autres sont révélateurs du parti pris des contes pour enfants. C'est normal, me direz-vous, ils ont été écrits à une autre époque. Mais il est intéressant qu'aujourd'hui, au XXIe siècle, on chamboule un peu ces vieux codes poussiéreux.
Ainsi, les hommes sont beaux et sensibles et rêvent de devenir pères, quand les filles sont fortes, protègent les faibles et supportent leur famille. J'ai particulièrement aimé Jacqueline qui fait preuve de grand courage et de persévérance pour grimper sur son haricot magique. Où quand un couple rêve d'avoir des enfants, c'est le mari qui en a un et la femme qui est oubliée. On parle de soeurs et de frère(s) ou de Gretel et Hansel.
Cela fait réfléchir à quel point les codes des contes pour enfants sont ancrés en nous et comment ces petits changements peuvent remuer notre lecture.

C'est une lecture intéressante pour petits et grands pour pousser à réfléchir et changer un peu les codes de notre enfance.
Lien : http://wlatetedanslesetoiles..
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