Découvert dans "
de silence et de loup", je retrouve
Patrice Gain avec bonheur, cette fois-ci dans les îles Féroé, amarrées entre Norvège et Islande. Découverte de leur nature préservée, authentique même si parfois fort hostile, de leur beauté sauvage et toujours époustouflante.
Raphaël Chauvet, violoncelliste de renom s'y rend précipitamment; son ex-femme lui ayant signalé la disparition de leur fille Maude sur l'île. Sa fille qu'il n'a pas vue depuis 11 ans, mais qu'il va rechercher frénétiquement, furieusement, désespérément.
Sa fille, militante activiste au sein de l'organisation internationale Ocean Kepper lutte contre le Grindadrap, cette chasse traditionnelle aux baleines et dauphins dans les eaux de l'île, abattage qui a encore éliminé plus de 2000 globicéphales et dauphins à flancs blancs en 2021, alors que la viande pourtant consommée est reconnue contaminée aux métaux lourds. Et la lutte est d'une violence inouïe, entre les pro-chasse insulaires et les actils : la fureur des combats est à l'image de la barbarie des combattants. Et la nature s'en mêle, âpre et austère, les tempêtes, la neige et le fameux kjaftsvart i mjorka, ce brouillard noir qui en rajoute à l'inquiétude et à l'insondabilité de l'île.
Ce roman est certes un polar, il y a chasse à l'homme et mort, il dégage une atmosphère étouffante et stressante Mais il est aussi l'observateur privilégié de ce phénomène propre aux îles Féroé, cette chasse traditionnelle aux cétacés avec cette question qui se pose alors : faut-il maintenir ce patrimoine culturel ancré dans les traditions féroïennes ou ne s'agit-il pas plutôt du vestige cruel d'un passé qui devrait disparaître ?
C'est aussi un roman intimiste et émouvant : l'histoire d'un père oublieux de sa fille pendant si longtemps , qui cherche à rattraper le temps perdu; cette quête qui le transcende, dans une sombre adversité qui le rapproche d'elle.
Et enfin, comme dans "
de silence et de loup", c'est un roman totalement immersif et terriblement sensoriel, d'où sa puissance évocatrice.
Vous y sentirez l'odeur de la viande boucanée, les effluves du vent, l'odeur de Maude au fond d'un sac de couchage; vous y verrez la lune-nuage,
les brouillards noirs, les geysers de sang, la mer qui moutonne et la marée écarlate du sang des globicéphales abattus.
Vous y entendrez le souffle torturé du vent, le gémissement des baleines agonisantes, le piaillement des goélands au-dessus des cadavres...
Violent. Intense. Emouvant.
Et le coeur de l'homme-violoncelle finalement plus proche que jamais de sa fille.