Les déferlantes est un roman d'ambiance, terre et mer, où le lecteur pénètre dans une atmosphère grise, mitraillée à bout portant par les courtes phrases de l'autrice.
À la pointe du Cotentin, à La Hague, en 2009, s'est réfugiée l'héroïne de
Claudie Gallay : elle est ténébreuse, taciturne, s'est installée pour écouler son impossible deuil. Elle est ornithologue, fait le recensement des espèces d'oiseaux, des nids, sans enthousiasme, mais cette monotonie l'aide à panser ses blessures, survivre au manque, à la perte.
Le jour où va sévir la tempête, soulevant la mer en vagues déferlantes, elle découvre et observe au bar du coin, un homme qui ne va tarder à bousculer la quiétude apparente du voisinage : on dit de lui qu'il revient sur les traces de ses parents noyés lors d'une sortie en mer et de son petit frère disparu que la mer n'a pas rendu, quarante ans auparavant. On dit qu'il veut savoir ce qui s'est passé réellement cette nuit-là, certains ont affirmé que le phare s'est éteint, le laissant brutalement seul, orphelin.
L'intérêt de la narratrice s'éveille alors, lui permet d'échapper à sa lancinante tristesse.
Petit-à-petit, patiemment, elle récoltera des indices qui déverrouilleront des secrets bien gardés, aidera cet homme qui l'intrigue à faire son deuil, s'aidera peut-être elle-même.
« C'était une nuit de pleine lune. Je n'arrivais pas à dormir. Je suis sortie. La mer était éclairée comme en plein jour. J'ai marché sur la plage.
Je saignais. Depuis quelque temps, je ne saignais plus. Depuis des mois. Et maintenant, je saignais. Étrangement, ce sang qui s'écoulait de moi m'apaisait. Je me suis assise sur un rocher. Je l'ai regardé s'écouler dans le sable. S'épandre.
Ce sang qui revenait, c'était l'oubli de toi, je n'étais pas sûre d'en vouloir. »
Ce roman est un huis-clos à ciel ouvert, avec la mer et la lande en toile de fond, la lande, des animaux, des oiseaux, quelques petits souvenirs de
Jacques Prévert qui a vécu dans le Cotentin, des légendes et croyances, certains habitants du village taiseux, bourrus, bizarres, fantasques ou curieux, mais toujours intéressants, attachants.
J'ai apprécié ce roman à l'ambiance particulière; le rythme était lent, afin de s'imprégner de cette insolite atmosphère, de cerner les caractères des principaux protagonistes. Toutefois, ce rythme lent était habilement dynamisé par les phrases courtes et les parataxes de l'autrice.
Une belle expérience de lecture à la fois poétique, mordante, grise, d'une beauté touchante.