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4,1

sur 996 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne ferai pas une longue critique.
Le sort de ce chien blanc, dressé pour sauter à la gorge des Noirs, m'a troublée, plus que le destin des hommes, car lui n'avait rien demandé, il voulait juste être le meilleur ami de l'homme et lui obéir.
Ce chien blanc est devenu agressif envers les Noirs, car on l'a éduqué ainsi. Tout comme l'homme Blanc, dans les années 60 aux États -Unis est formaté pour la haine des Noirs.
Le sort réservé à ce chien est épouvantable, comme si les hommes ne se satisfaisaient pas de s'entre déchirer, il faut qu'ils y mêlent leur soi-disant meilleur ami.
Ce roman est un miroir sur l'Histoire de ce pays à cette époque. Une réalité qui est hélas trop souvent encore d'actualité.
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Alors qu'il vit aux États-Unis avec son épouse, Jean Seberg, Romain Gary recueille un berger allemand. L'animal trouve rapidement sa place dans la maison, auprès de l'autre chien et des chats. Il est ce qu'on appelle communément une bonne pâte, affectueux avec tout le monde. Tout le monde, sauf les noirs. Batka est un chien blanc, un chien dressé par les hommes blancs pour chasser les hommes noirs. Pour Gary et Seberg, il est impensable d'abattre le chien : ils le confient à un chenil qui a pour consigne de le guérir de cette haine que l'homme lui a chevillée au corps. Et c'est Keys, un soigneur noir qui se charge de réformer Batka.

Quand Romain Gary recueille le chien, le pays est au bord de l'explosion. L'assassinat de Martin Luther King est pour bientôt, la guerre de Vietnam traumatise les foules et les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. « Je suis en train de me dire que le problème aux États-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a des racines dans la profondeur de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. » (p. 37) Romain Gary observe de loin les implications de son épouse dans la cause noire, mais c'est un militant désabusé en qui le feu sacré de la révolution couve encore. Son action à lui, c'est l'écriture et il y met toutes ses réflexions. « J'éprouve le besoin dévorant d'une ségrégation absolument sans précédent dans l'histoire de la solitude. Avec en moi un tel besoin de séparatisme, il faudrait pouvoir créer un monde nouveau. Je m'y mets immédiatement : je passe tout l'après-midi à écrire. » (p. 128)

Outre la chronique du sauvetage du chien, Romain Gary interroge son rapport à l'autre, cet étranger à lui-même. « le seul endroit au monde où l'on peut rencontrer un homme digne de ce nom, c'est le regard d'un chien. » (p. 152) Ni meilleur, ni plus généreux qu'un autre, l'auteur fait face à ses démons. « Je me suis résigné à admettre une fois pour toutes le fait que je ne parviens pas à civiliser entièrement l'animal intérieur que je traîne partout en moi. » (p. 17) En s'identifiant à l'animal, en prenant plus qu'à coeur le traumatisme que le chien a subi, Romain Gary écrit un bel hymne à l'homme. Et finalement, sauver le chien, c'est sauver l'espoir. « Toujours cet infernal dilemme : l'amour des chiens et l'horreur de la chiennerie. » (p. 182) C'est bien pour cela que la fin de ce texte est un crève-coeur, une véritable tragédie pour tous ceux qui aiment les animaux et la race humaine « C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l'homme et de l'aimer. » (p. 212)

Ce livre m'a véritablement émue, à tel point qu'à deux reprises, des jeunes hommes m'ont proposé des mouchoirs dans le métro (Technique de drague à creuser, donc…) Il y a beaucoup de choses à prendre et à retenir dans ce livre, notamment l'humilité un peu caustique de l'auteur et son immense sensibilité qui le dispute à la raison quand il s'agit de causes perdues. Je voulais lire ce livre pour préparer la prochaine sortie de l'adaptation cinématographique, en version augmentée. Je doute maintenant de voir le film : s'il est aussi poignant que le texte, mon coeur d'amie des bêtes et des hommes ne va pas résister.
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Quelle claque ! Ce livre est vraiment exceptionnel !
Autofiction ? Essai ? Conte ? Un peu de tout ça à la fois.
En effet Romain Gary se met en scène ici avec sa femme Jean Seberg. Mais c'est aussi un texte qui étudie la ségrégation qui en 1969, gangrène encore et toujours les Etats-Unis. La violence des relations entre Blancs et Noirs. La violence tout court. L'hypocrisie des combats pour l'égalité. Combat parfois intéressé, hypocrite....
C'est incroyablement d'actualité ! D'ailleurs ça a un côté triste car ce livre est terriblement d'actualité alors qu'il a plus de 50 ans... Ce livre est également totalement dénué de manichéisme. L'étude est fine, sans parti pris.
Mais c'est aussi un conte où le chien Batka est le personnage central. Une pauvre bête dressée initialement pour attaquer et tuer uniquement les Noirs.... En fait j'aurais envie de dire que c'est presque le seul personnage humain....
.
Et comme d'habitude avec Romain Gary, un style exceptionnel. Que ce texte est bien écrit, savoureux ! Gary est capable d'intégrer de l'humour (parfois grinçant) dans un texte plutôt noir.
C'est finement écrit, quelle écriture !
C'est mon 3e livre écrit par cet auteur, c'est une évidence, ce ne sera pas le dernier.
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Alors qu'il vivait à Los Angeles avec sa femme Jean Seberg, Romain Gary trouva un jour un chien perdu, un beau berger allemand doux et affectueux. En amoureux des bêtes, l'écrivain le recueille. Très vite il découvre que l'animal est un "white dog", un chien dressé pour attaquer les Noirs. Il décide d'essayer de le "guérir" en le confiant à un employé de chenil spécialisé dans le dressage d'animaux.

A partir de ce point de départ, l'auteur aurait pu simplement raconter l'histoire de ce chien. Cela aurait été déjà fort intéressant. Mais on est dans un livre de Romain Gary et Gary n'est pas un romancier ordinaire. Cet esprit brillant, lucide, éclairé ne pouvait se contenter de narrer une histoire de chien, aussi intéressante soit-elle. A travers ce récit, Gary va s'intéresser à l'humanité en général, à la société américaine des années 60 en particulier. Il va particulièrement s'intéresser à la problématique des tensions "raciales". Gary aborde ce thème, et d'autres, avec toute la finesse et la subtilité qu'on lui connait. Ici point de simplisme ni manichéisme, juste un grand humanisme, au ton souvent désabusé mais parfois illuminé par des lueurs d'espoir.
Je n'ai pas envie de résumer ici les réflexions de Gary, ce serait réduire la pensée de l'auteur, une pensée riche, profonde, complexe qui doit être lue dans son ensemble.
En plus de l'intelligence du propos, "chien blanc" bénéficie de la toujours superbe écriture de Gary.
Un très très bon livre.
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1968. Romain Gary séjourne en Californie, où il vient de rejoindre sa femme, l'actrice Jean Seberg, pendant le tournage d'un film. Il recueille un chien perdu, un berger allemand, sorte de nounours affectueux qui trouve très vite sa place dans la maison. Jusqu'au jour où il s'avère que ce chien est raciste et saute à la gorge de tous les Noirs qui passent à sa portée. le chien n'est évidemment pas né raciste, mais a été dressé pour le devenir, avec une efficacité redoutable. Gary ne peut garder le chien chez lui, mais ne se résout pas non plus à le faire piquer. Il le confie alors à un chenil, dans lequel un soigneur noir va tenter de « guérir » Chien Blanc.

1968, c'est une période de feu et de sang aux USA : guerre du Vietnam, haine raciale, émeutes à travers tout le pays, Martin Luther King sur le point d'être assassiné.
Alors que sa femme s'investit dans différents mouvements en faveur de la cause noire, Romain Gary observe les événements d'un oeil désabusé, en tentant de rester à distance. Mais on ressent bien tout le bouillonnement intérieur de ce révolté-né, sa colère et son désespoir face au racisme, à l'injustice, à l'hypocrisie et à la bêtise humaine. Il trouve un exutoire dans l'écriture, qui est ici pleine de verve, d'ironie, de sarcasme, de cynisme. D'autodérision et de questionnement existentiel, aussi, parce que notre homme est parfaitement lucide sur ses douloureux tiraillements entre Coeur et Raison, sur ses emportements indomptés : « Je me suis résigné à admettre une fois pour toutes le fait que je ne parviens pas à civiliser entièrement l'animal intérieur que je traîne partout en moi ».

Autobiographique ou pas, ce texte de Romain Gary touche par sa sincérité, transcendée par une écriture élégante et émouvante. Il laisse transparaître sa grande sensibilité, encore exacerbée ici par ce qu'il ressent pour Chien Blanc, cette pauvre bête au sort terrible, qui n'avait rien demandé et qui voulait juste être le meilleur ami des hommes, de tous les hommes.
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Quand, je pense à l'homme qu'était Romain Gary, je pense toujours à ce mot qu'est l'espoir. Malgré sa fin tragique, son côté provocateur teinté d'un cynisme sardonique, cet écrivain de génie arrivait toujours à transposer cette flamme incandescente dans ces écrits.

Autobiographique, roman, pamphlet, Chien blanc nous transporte dans un récit où s'entremêlent vérités et mensonges. Martin Luther King est décédé, le racisme, la haine suintent de tous les pores, Jean Seberg est à ses côtés.
Utilisant la rencontre de Batka ce berger allemand dressé pour attaquer les noirs, il dénonce les disparités raciales qui existent dans le pays. Il faut évacuer, faire disparaître ce trop-plein, écrire, crier, tout en gardant la bonne distance.

Les dialogues pétillent d'intelligence, ce sont des bulles de champagne en bouche, qui provoquent le palais, et éclatent dans la gorge.

Humaniste, révolté, résistant, inconditionnel amoureux des animaux, Romain Gary ne rentre dans aucune case, évitant le troupeau, préférant s'évaporer en lui-même. Et c'est tellement mieux comme cela.
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L'histoire d'un chien dressé, par la police, pour attaquer les hommes de couleur, sert de prétexte à Romain Gary pour nous raconter la lutte pour les Droits Civiques aux Etats-Unis.

Grace à l'auteur et sa femme, nous rencontrerons la plupart des acteurs de cette lutte qu'ils soient blanc ou noirs.

Tout a déjà été dit sur ce livre passionnant et sans concessions de la part d'un auteur qui s'y connait en matière de combat.

Si peu de choses ayant changé dans ce pays surtout en matière de brutalités policières, rend ce livre d'autant plus actuel et terrifiant.

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Ceux qui ont eu des chiens ou des chats savent immédiatement que Romain Gary ne feint pas quand il parle des siens et de l'amour qu'il leur porte. Pour ce qui est des pythons, je laisse la réponse aux connaisseurs.
Le livre commence par des descriptions de ces animaux de compagnie, délicieuses, drôles et tendres. Mais le chien qui donne son titre au roman, ramène vite le lecteur à la réalité de l'Amérique du printemps 1968.

Chien Blanc, c'est plus qu'un roman. C'est un reportage de journaliste : Gary chronique les émeutes auxquelles il assiste et les états d'esprit qu'il constate, après l'assassinat de Martin Luther King. C'est un journal intime : Jean Seberg, actrice célèbre à cette époque et épouse de Romain Gary, l'accompagne dans ce séjour en Amérique, elle est souvent présente dans le livre, et se montre très concernée par les luttes anti-racisme. Ce sont aussi, tout au long, les pensées d'un homme qui a beaucoup vécu, s'est beaucoup engagé, voudrait croire à une humanité en progrès, mais dont le découragement devant la « Bêtise » des hommes gagne du terrain. Ces accès de lassitude découragée qui reviennent en leitmotiv, quand on sait le suicide de Gary dix ans plus tard, pourraient faire penser à des signes précurseurs, des alertes douloureuses.

Le texte autour de ce chien dressé à attaquer tous ceux qui sont noirs et que Gary a décidé de « guérir », est une salve ininterrompue de scènes denses, pleines d'émotions. Celles que Gary relate, celles qu'il ressent avec une sensibilité qui ne loupe rien mais qui traduit tout au prisme de son humour impitoyable. La dérision pour enrubanner le tragique.

Et il y a de quoi s'étonner ou plonger dans l'incompréhension : les Blancs aisés ou très riches (du monde du cinéma en particulier) qui pour se donner bonne conscience, participent généreusement aux comités de soutien de lutte contre le racisme, et dont les dons sont escamotés par le comité lui-même ou par son entourage proche; le racisme réciproque, quotidien, entre ceux de couleur et ceux qui n'en ont pas, tellement ancré qu'on se dit qu'il a été inculqué avec le premier biberon ; le mépris pour les couples mixtes ; les jeunes Noirs encouragés par leurs leaders à aller combattre au Vietnam sous le drapeau américain, pour apprendre les meilleures techniques de lutte et de guérillas, afin de former à leur retour aux Etats-Unis, une armée de terroristes aguerris qui délivrera enfin leur peuple de l'oppression des Blancs ; les excès idéologiques de tous ordres… Gary n'en finit pas de constater que la « Bêtise » de l'humanité est sans fin et cela le rend tour à tour désabusé ou furieux.

« Je ne suis pas découragé. Mais mon amour excessif de la vie rend mes rapports avec elle très difficile, comme il est difficile d'aimer une femme que l'on ne peut ni aider, ni changer, ni quitter. »

Ces avis de Romain Gary sur la société américaine et son racisme omniprésent datent de 1969. Aurait-il une vision différente un demi-siècle plus tard ?

Tout est dit avec une verve galopante et une ironie incisive constante, jubilatoire ou dévastatrice. Tant d'esprit et de brio dans ces constats qui pourraient être banalement amers, et qui conservent pourtant une intelligence subtile grâce à l'éclairage de l'humour. La politesse étourdissante du désespoir.

PS : je conseille au lecteur pressé le chapitre XXI : première soirée de Gary à son retour à Paris, en mai 1968, pendant "les évènements". Ce chapitre peut se lire isolément (il serait quand même dommage de rater tout le reste) et à lui tout seul, il résume l'esprit de Gary : son regard infiniment concerné sur le monde et par le monde, et sa lucidité hilarante sur ce monde tragicomique et sur lui-même.

PS n° 2 : j'ai dû lire ce livre une première fois, il y a une quarantaine d'années, si j'en crois la date d'édition de mon exemplaire. Je n'en avais aucun souvenir. Aucun. Etais-je trop boulimique de l'écrit à l'époque ? Ou y a-t-il un âge pour chaque livre et suis-je enfin à celui qui répond et correspond à « Chien Blanc » ? Je vous en reparle en 2063 ?
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Vous m'emmerdez !

Hier :
- Faites attention à vos filles. Ne les laissez pas seules dehors, me dit une voisine.
- Pourquoi ?
- Il y a des manouches qui traînent. Ils prennent les enfants.
- …

Sans voix car je ne la connais pas beaucoup cette voisine, pourquoi s'engueuler ?

Et ils les font cuire avant de les manger ? Putain ! Des manouches en Normandie… Ah ? Des manouches ou plutôt des gitans, des tziganes, des romanichels, des bohémiens, des roms, des gens du voyage, des voyageurs… ?

Faut-il connaître les gens pour pouvoir parler d'eux ?
Ben ça dépend si on veut dire des conneries ou pas…



Romain Gary écrit ici un roman, à n'en pas douter, même si celui-ci ressemble bien plus à un récit.


Il recueille chez lui Batka, un chien blanc, c'est-à-dire un chien dressé par les policiers à attaquer les Noirs.
Il confie ce chien à un ami spécialisé dans le dressage des animaux pour qu'il le « guérisse ».
Dans le zoo de cet ami travaille un Noir, Keys, qui accepte de se charger de l'animal.
Mais cet employé, Keys, a sa petite idée, qu'il cache sous un air songeur…

A noter que Gary dit avoir confié aussi à ce zoo Pete l'Etrangleur, un python. Quelques années avant Gros-Câlin


Tout le temps que Batka est confié au zoo est l'occasion pour Gary de raconter sa vision des événements de 1968 en Amérique et d'évoquer ceux qui ont lieu en France.
Comme à son habitude, il fait preuve d'une lucidité éclairée de son regard d'homme cosmopolite.


Il a un regard acéré sur le problème Noir :

Il fait preuve de tolérance car « tout ce que nous avons fait subir à l'âme des Noirs, même si nous avons incontestablement fait beaucoup pour eux aussi, devrait nous rendre un peu plus circonspects dans les jugements moraux que nous portons sur eux ».

Par contre il est cinglant avec eux en remarquant par exemple qu'un Noir dira presque toujours qu'il a eu une grand-mère blanche et pas un grand-père blanc, parce que « ils éprouvent une désarmante satisfaction à affirmer qu'une Blanche s'était fait baiser par leur grand-père noir… ».


Il évoque le pouvoir de la parole, en disant que les discours ultra-violents permettent aux Noirs de « se libérer » et de retrouver leur dignité, pointant aussi le fait qu'en Afrique, le « dire » se confond parfois avec le « faire ».

Cependant, il regrette l'inflation verbale, qui fait utiliser l'expression « ennemi du peuple » pour parler de Beethoven ou le terme « crucifixion » en parlant de la révolte contre le célibat des prêtres hollandais.


Il porte des réflexions pleines de clairvoyance :
Sur la société de l'image : « […] les mass media qui vivent de climats dramatiques qu'ils intensifient et exploitent, faisant naître un besoin permanent d'événements spectaculaires. »
Sur la société de consommation : « [la] sommation à acheter et la psychose de la possession […] équivaut à un appel au viol. »


Il analyse les mouvements de protestations des Noirs américains, en particulier les Panthères Noires, et les manipulations dont ils sont victimes de la part du F.B.I. ou de la C.I.A.
Il dénonce la confusion entre criminel de droit commun et héros activiste : les Noirs cherchent à faire passer les criminels de droit commun pour des héros, les policiers cherchent à faire passer les héros pour des criminels de droit commun.


On retrouve l'ironie et le cynisme de Romain Gary à plusieurs reprises :
Dans les personnages de Ballard et de Philip, tous les deux fils de Red, un activiste Noir.
Philip fait la guerre au Vietnam et tandis que son père pense qu'il « s'entraîne à la lutte » pour pouvoir aider ensuite la cause, en réalité, Philip a trouvé dans l'armée une fraternité qui dépasse la couleur de la peau et il se bat pour son pays.
Ballard, quant à lui, a déserté, mais pas pour des idées ou une cause, non, pour une belle fille !


Enfin les vedettes qui soutiennent la cause des Noirs s'en prennent plein la gueule, avec leur fausse culpabilité ou leur stupidité lorsque l'un d'eux dit « Nous devons aller dans les familles noires, apprendre à les connaître… » alors qu'il est entouré de dix-sept millions de Noirs en Amérique !

Tout au long de son récit, Romain Gary parle de son épouse Jean Seberg qui s'est beaucoup investie dans les mouvements Noirs.
Son histoire personnelle sur le sujet est très trouble, ce qui explique sûrement la révolte que l'on ressent chez Gary à la lecture de ce livre.


En effet, ici il exprime sa colère : « une colère d'autant plus douloureuse qu'elle ne vise personne, il n'y a pas de cible, sinon nous-mêmes ».

La fin de l'histoire est surprenante et pleine d'un cynisme désabusé habituel à Gary !

Beaucoup de citations entre guillemets car Romain Gary a comme toujours le sens des mots et de la formule alors « je ne saurais mieux dire » que lui.



Enfin, terminons en chanson :
« […]
Pour être tout à fait clair
Et pour nous connaître mieux
Je vais vous dire ce qui m'indiffère
Dans ce monde merveilleux :
Qu'un étranger passe la frontière
Qu'il vienne partager mon pain
Si ça peut faire moins de misère
Je le veux bien
Ceux qui trouveront démagogique
Cette façon de penser
Vous avez compris la musique
Vous m'emmerdez ! »
(« Vous m'emmerdez ! », extrait de l'album éponyme, Les Ogres de Barback)
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"Quand je me heurte à quelque chose que je ne puis changer, …, je l'élimine. Je l'évacue dans un livre." Et s'il est bien une chose qui ne changera pas, c'est "la plus grande force spirituelle de tous les temps : la bêtise". Car pour Romain Gary, le racisme c'est de la bêtise, affirme-t-il par euphémisme, et "la bêtise, c'est grand, c'est sacré, c'est notre mère à tous".

Son ouvrage, Chien Blanc, est un cri d'une colère à peine voilé, une colère bien pesée, une colère froide, contre cette bêtise.

Romain Gary nous a habitués à des ouvrages auto biographiques. Celui-ci est très personnel, très intime. Après sa mère dans La Promesse de l'aube, il y implique une autre femme de sa vie, Jean Seberg, son épouse. On y découvre leur convergence de point de vue contre la discrimination, à la fin des années soixante aux Etats-Unis, même s'ils ne partagent pas les moyens de se faire entendre. Martin Luther King vient d'être assassiné, le pays est à feu et à sang dans les luttes raciales que cet événement a suscitées.

Chien blanc est un berger allemand qui a trouvé refuge chez Romain Gary, en son domicile familial de Los Angeles. Particulièrement affectueux avec les Blancs, il est féroce avec les Noirs. Il a été dressé pour l'attaque de ces derniers. Quand tout le monde préconise de faire euthanasier cet animal tordu, irrécupérable, contre vents et marées, Romain et Jean se refusent à s'y résoudre. Ils s'accordent sur l'espoir de prouver que les tares peuvent être corrigées, même les plus détestables. Rien n'est irrémédiable chez qui n'est pas responsable de son état.
Avec ce subterfuge de l'animal dressé pour tuer, Romain Gary choisit de développer le thème de l'innocence pervertie. Frappé d'impuissance devant un contexte qui le bouleverse, il manifeste son aversion pour la bassesse des comportements humains. À cette fin il façonne un ouvrage très personnel dans sa forme narrative. La sensibilité à fleur de peau, il interpelle son lecteur, vient cueillir son oreille attentive en créant une forme de huis clos pour condamner le crime : le racisme. Mais pas son auteur. Il conserve en effet en l'homme tout sa confiance, car "il est moins important de laisser pendant des siècles encore des bêtes haineuses venir s'abreuver à vos dépens à cette source sacrée que de la voir tarie". L'homme n'est que le jouet d'un grand tout qui porte si mal son nom : la civilisation.

Le racisme est une chose. Son exploitation en est une autre. En avocat de tout ce qui vit et croît sur terre, Romain Gary ressent une grande solitude dans son combat. "Minoritaire-né", il ne prend partie ni pour ou contre l'un ou l'autre. Il ne cache en revanche pas son antipathie pour tous ceux qui font commerce de la compassion, s'auto proclament bon samaritains, au premier rang desquels se précipitent tout ce que le show-biz comporte de vedettes en vue. Époux de Jean Seberg alors au sommet de sa gloire, il est bien placé pour observer ce monde qui s'auréole de sainteté. Il ne se trompe pas sur les intentions réelles de ces « égomaniaques » régentés par leur narcissisme. La hantise de l'homme de spectacle, c'est la salle vide.

Mais là où le discours de Romain Gary sonne juste c'est quand il affirme que ni couleur, ni condition, ni statut ne sauraient être motif d'indulgence. Lui ne reconnaît de grâce que dans l'amour de son prochain. Ou en tout cas dans l'absence de haine. Et il n'a pas besoin d'un dieu pour se faire dicter cette conduite.

Pourtant sa "colère ne vise personne", même si elle écorne l'un ou l'autre au passage qu'il ne se prive pas de citer : Marlon Brando, "éternel enfant gâté" qui fait de la charité un business, Hemingway, "créateur d'un mythe ridicule et dangereux : celui de l'arme à feu et de la beauté virile de l'acte de tuer", Barbara Streisand, et d'autres encore, membres d'une société du paraître. Avec leur discours de générosité pré fabriqué, ils imaginent s'absoudre de leur culpabilité de participer à construire cette "société de provocation" en donnant des leçons de philanthropie. Les choses n'ont pas vraiment changé.
Selon Javier Cercas, "la littérature est une défense contre les offenses de la vie". C'est à n'en pas douter ce qui anime Romain Gary lorsqu'il écrit Chien Blanc. Cet écorché vif nous invite une fois de plus à ses humanités, au spectacle d'une civilisation qui n'a de cesse de cultiver les inégalités. Mais, avec la même constance, il se garde bien de juger. Point de condamnation à l'égard de celui dont "l'intelligence est au service d'une aberration congénitale qui s'ignore". de ces humanités on ne se lasse pas. On en connaît la sincérité, le désintéressement.

Persuadé qu'il était de me savoir lire son ouvrage en des temps qui lui survivraient, il prend la précaution de me mettre en garde : "Rien de plus aberrant que de vouloir juger le passé avec les yeux d'aujourd'hui". Il est vrai que lorsque je regarde autour de moi, je sens bien que de ces concepts vertueux gravés sur le fronton de nos édifices publics on n'a retenu que le premier : la liberté. Les choses n'ont pas beaucoup évolué depuis que Romain Gary nous a livré sa colère dans Chien blanc.
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