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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le premier roman de Romain Gary a pour lieu Wilno, en Pologne devenue depuis Lituanie. Son héros, Janek, doit se cacher avec l'aide de son père, dans la forêt, il reste seul, en attente du père qui ne revient pas (comme lui, l'auteur, qui n'a pas connu son père) il a froid, il est seul, il a peur, la guerre gronde, finalement il fait la connaissance des « partisans ».
La guerre, c'est Stalingrad, avec l'affrontement entre les nazis- qui occupent la Pologne -et les Russes.
Si les partisans attendent l'issue de Stalingrad et la fin de Hitler, Janek, un peu perdu, ne peut que se raccrocher à l'idée que son père est ce héros dont on parle tant sans l'avoir jamais vu. Et il découvre la musique, reste des heures à écouter une jeune femme de Wilno jouer Chopin, il en pleure d'émotion, et reviendra souvent voir la pianiste…les partisans aussi écouteront la polonaise de Chopin :
« Pendant plus d'une heure, les partisans, dont certains avaient marché plus de dix kilomètres pour venir, écoutèrent la voix, ce qu'il y a de meilleur dans l'homme, -comme pour se rassurer – pendant plus d'une heure, des hommes fatigués, blessés, affamés, traqués, célébrèrent ainsi leur foi, confiants dans une dignité qu'aucune laideur, aucun crime, ne pouvaient entamer. »
Janek retrouve ensuite la musique, Mozart, jouée par un Allemand, cependant les enjeux sont trop forts pour que la paix intervienne : ni l'un ni l'autre ne cédera de terrain, ils sont ennemis, point.
L'humanité a produit la civilisation, Dobranski son ami l'avait écrit dans son livre : « Éducation européenne », où il doute parfaitement que les idées de liberté, dignité humaine, fraternité, les plus belles idées de notre civilisation, puissent faire oublier « les pelotons d'exécution, l'esclavage, la torture, le viol, la destruction de ce qui rend la vie belle. »
L'heure des ténèbres est arrivée, dit Dobranski, avec l'impossibilité d'imaginer apprendre aux ennemis la bonté, eux qui ne connaissent que la haine. « La haine, comme l'amour, ne se désapprend pas. » C'est que l'on parle d'Éducation européenne au moment des crises, lorsqu'ils fusillent votre père, ou quand tu tues toi aussi, ou quand tu crèves de faim, mais en fait les guerres se font en se basant sur des contes et l'on tue quelqu'un qui ne vous a rien fait.
Et pourtant il y a la musique du petit juif souffre-douleur d'une bande d'abrutis, qui, en jouant sur son violon, fait sortir le monde du chaos, fait oublier « la faim, le mépris et la laideur. » Janek pense alors à la mort, qui pourrait mettre fin- il suffirait d'une balle allemande- à cette joie éperdue d'entrevoir un autre monde, sans l'occulter : les grandes souffrances existent, persistent et continuent avec leurs larmes de sang, la cruauté de la nature et des hommes. Mais la musique, infiniment triste, incite à la révolte et aux rêves inassouvis.
Janek, une fois la guerre terminée, étudiera à Université de musique de Varsovie.

Gary ne peut s'empêcher de railler le pro-nazi qui clame, pour s'infiltrer, que les naïfs bourgeois de Paris croiront qu'il a vraiment fait punir un officier allemand. Qu'il cache de temps en temps un étudiant coupable d'avoir distribué des tracts.
Dans son immeuble, tout le monde craint ce Monsieur Karl, en particulier Monsieur Chevalier, un émule de toujours, à la botte, avec une petite moustache «je vous rappelle quelqu'un ? ».
Ce dernier, avec la complicité de l'immeuble, fait éditer des tracts « Libération ».
Et toc !
Allez, un petit verre de Volga !
Volga pour oublier que Romain Gary a retouché son texte et l'a (je le subodore) truffé de dialogues en polonais, alors que le corps du texte court avec lyrisme, avec poésie musicale et avec questions sur le pourquoi des guerres, sur l'inhumanité côtoyant les grandes idées, sur l'impossibilité parfois de dépasser les étiquettes mises sur les « ennemis », sur la persistance du mal malgré le rêve qu'il soit éduqué, et, enfin sur la certitude : rien d'important ne meurt jamais.







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Nous sommes en 1943 en Angleterre. Quand il n'est pas en mission pour les Forces aériennes françaises libres, Romain Gary peine sur son premier roman, « Education européenne », qu'il espère achever avant d'être abattu comme tant de ses camarades pilotes. Nous sommes en 1943 en Pologne. Janek, quinze ans, sort prudemment de la cache souterraine où l'a dissimulé son père et s'aventure de la forêt. Il y rejoint les groupes de patriotes qui s'y calfeutrent depuis l'invasion de la Pologne par les forces allemandes. Janek est jeune, mais il veut se battre et pour cela, il est prêt à sacrifier beaucoup de choses, son innocence, sa candeur et même ses rêves de devenir un jour un grand compositeur reconnu et admiré par tous. Dans les bois polonais, des hommes se cachent, ils patientent l'oreille collée au poste de radio, ils tuent quand ils ont en l'occasion et, entre deux assassinats, deux bombes artisanales, ils rêvent… Ils rêvent du jour où leur pays sera enfin secouru, où les armées alliées s'abattront comme une grande marée sur les troupes allemandes, où ils pourront enfin rentrer chez eux, retrouver leurs femmes et leurs enfants. Ils rêvent qu'ils ne sont pas seuls.

Pour certains, l'Education européenne, ce sont « les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes », la leçon infligée par l'Allemagne nazie au monde entier. Pour d'autres, c'est « une chanson, un poème, un livre », quelque chose qui permette aux hommes de tenir jusqu'à la fin de la guerre, d'apprendre à ne pas désespérer. Sans surprise, Romain Gary se place du côté des rêveurs. Oui, la guerre est épouvantable. Oui, les femmes y sont violées, les hommes fusillés, les enfants abandonnés. Oui, on n'en voit pas la fin et chaque jour est une occasion de plus de sombrer. Pourtant, un jour viendra où la guerre s'arrêtera, un jour « couleur orange » comme le disait Aragon où toutes les plaies seront cicatrisées et où les nations vivront en paix. C'est beau, c'est très beau même, et on n'a beau avoir du mal à y croire, c'est toujours réconfortant de lire un livre si porteur d'espoir. « Education européenne » ce n'est pas un roman sur les patriotes polonais, mais un livre sur tous les résistants contre l'oppression, quels que soient leur pays, leur continent et leurs raisons de combattre. Pas l'oeuvre la plus aboutie de Romain Gary, mais puissante et touchante tout de même.

« Un jour pourtant, un jour viendra couleur orange
Un jour de palme, un jour de feuillage au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »

(« Un jour, un jour » d'Aragon. Merci Ferrat ! Nan parce qu'allez pas vous imaginer que je connais Aragon par coeur quand même…)
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Lorsque Romain Gary prend la plume pour écrire ce qui deviendra son premier roman édité sous ce nom, il ne connaît pas encore l'issue de cette guerre qui écrase son pays natal sous la botte des feldgrau de l'Allemagne nazie. L'Europe est plongée dans la dévastation. Pourtant, lui n'accable pas l'espèce humaine. Il est convaincu que l'homme, fût-il allemand, n'est pas responsable de son malheur : "Mon Dieu, est-ce vraiment Toi qui tire les ficelles. Comment peux-Tu ? Comment peux-Tu ? "

Au comble de la détresse, Romain Gary condamne la guerre à sa manière. Il ne s'épanche pas sur le sort des victimes. Ne Console ni ne plaint. Il ne vilipende pas non plus les traitres et les bourreaux. Il use du subterfuge de la déraison pour les engloutir dans le grand tourbillon du ridicule. Tel sergent décore de sa croix de fer la neige pour saluer son rôle dans le sort des batailles. Tel général soviétique se fait tirer l'oreille pas son petit caporal de père. Tels soldats allemands chevauchent des troncs d'arbres dans un ballet nautique délirant sur la Volga.

1943 ! L'issue de la guerre n'est pas encore envisagée. Quand sa ville natale est le théâtre des exactions qui banalisent la mort, Il lance ce "cri désespéré qui semble clamer d'avance la certitude de l'échec, la vanité de toute tentative, le deuil fatal de tout espoir humain."

La Bataille de Stalingrad sera peut-être un tournant. C'est la première fois que l'armée allemande est tenue en échec. Janek a alors 15 ans, son père l'a mis à l'abri dans une cache souterraine. Les événements le dépassent, mais les épreuves le rattrapent et lui volent sa jeunesse. Une maturité venue trop vite le jette dans l'action. Il rejoint un groupe de partisans qui se cache au coeur de la forêt.

"Education européenne, pour lui ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes…". C'est cet énorme gâchis que Romain Gary dénonce. Mais il le dit et le répète : "Ce n'est pas la faute des hommes. C'est la faute à Dieu."

1943 ! Il faut se mettre dans la peau de cet homme, auteur au succès encore en devenir, qui a choisi de combattre avec les Forces françaises libres. Alors que le bout du tunnel n'est pas en vue, il prend la plume pour crier l'absurdité de la guerre, tout en rejetant le défaitisme. N'a-t-il pas choisi la lutte, en contradiction avec ses convictions humanistes.

A contre-courant du catastrophisme général, il se force à envisager un sursaut de sagesse. C'est pour cela que Janek rencontre l'amour au coeur de l'hiver et de la misère, au fond de son trou dans la forêt, quand un sac de pommes de terre est une manne tombée du ciel. C'est pour cela qu'il arrache Zosia à son commerce infâme qui lui fait vendre son corps à l'ennemi pour la bonne cause.

Roman noir écrit au plus profond de la guerre, mais roman d'espoir quand même. La raison des hommes triomphera de la déraison dans laquelle les plonge son Créateur. La démence déploie ses ailes dans des chapitres qui tirent en longueur. Mais n'est-ce pas cela cette guerre qui n'en finit pas et qui ne peut être qu'oeuvre de folie. Ne sommes-nous pas 1943 ?
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Les sensations de la guerre sont encore vivaces chez Romain Gary, qui l'a vécue avec toute la force et le courage de ses nerfs, quand il publie ce premier roman en 1945. Cela se ressent dans ce texte magnifique, écrit à fleur de peau et portant à la fois les désillusions d'un homme face à la misérable violence de l'humanité en même temps que son rêve d'un autre monde, une autre Europe.
Les points de lumière sont rares dans ce maquis en Pologne où l'on suit le parcours initiatique douloureux de Janek, tout jeune homme taiseux et blindé dans sa force de résistance, qui a rejoint les partisans après la disparition de ses parents dans des conditions évidemment dramatiques. Les hommes sont rudes, durs au mal mais fragiles aussi face à la maladie, au froid de l'hiver en forêt, aux embûches répétées des Allemands qui les traquent. Cette violence bestiale, cette bassesse égoïste des habitants du village, est-ce donc vers cela que l'éducation européenne construite par les Lumières et la puissance des nations a conduit les hommes?
Entre ces scènes de résistance âpre et de barbarie éprouvante ( la souffrance du petit garçon juif avec son violon en est une image symbolique et magistrale), s'intercalent des pages en rupture qui font la force du roman, écrits d'un partisan dénonçant la servilité bourgeoise, image magnifiée de la neige russe ensevelissant l'envahisseur, instants de grâce entre Janek et Zosia la belle enfant prostituée pour la bonne cause , ou encore la célébration sylvestre d'un Noël de partisans autour de la figure auréolée du résistant Nadejda.
Un roman magnifique, transcription symbolique à chaud d'une page d'histoire terrible et de l'espoir d'un meilleur après que malgré tout elle porte.
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Hiver 1942, début de la bataille de Stalingrad : Janek a 14 ans. Son père, médecin polonais, l'installe avec 500 kilos de pomme de terre dans un trou qu'ils ont creusé dans la forêt dans l'espoir de le sauver. Lui qui venait tous les jours, ne vient plus. Pensant que son père a été tué par les allemands et sur ses conseils, il rejoint les partisans qui, eux aussi, se cachent et luttent dans la forêt. C'est dans ce lieu que Janek va devenir un homme. Devenu agent de liaison, ses déplacements lui feront aimer la musique, découvrir l'amour avec Zosia, l'amitié avec un romancier, la haine, tuer. Leurs seules libertés sont de s'inventer et de se raconter des histoires.
J'avais envie de le relire après bien longtemps : il n'a pas pris une ride. On y trouve beaucoup de choses, de sentiments. Les rapports entre deux opposants de la même famille donnent des scènes très fortes. Un petit bémol : un peu perdue dans les parties livre dans livre.
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"En Europe on a les plus vieilles cathédrales, les plus vieilles et les plus célèbres Universités, les plus grandes librairies et c'est là qu'on reçoit la meilleure éducation -de tous les coins du monde, il paraît, on vient en Europe pour s'instruire. Mais à la fin, tout ce que cette fameuse éducation européenne vous apprend, c'est comment trouver le courage et de bonnes raisons, bien valables, bien propres, pour tuer un homme qui ne vous a rient fait, et qui est assis là, sur la glace, avec ses patins, en baissant la tête, et en attendant que ça vienne. (p237)"

Un premier jet de ce roman a été écrit par Roman Gary de Kacew alors qu'il était engagé en Afrique du Nord dans le groupe aérien Lorraine de la France Libre. Il est au coeur des combats et, déjà habité par l'écriture, il craint de mourir et veut laisser une trace. Il remaniera à plusieurs reprises son texte avant sa parution en 1945 aux Editions Calmann-Levy. Cette petit précision dès le départ pour expliquer le contexte de l'écriture de ce roman dont j'ai ressenti, à plusieurs reprises, des ruptures de style, de genre, alternant l'histoire de Janek, ce jeune polonais de 14 ans, qui se retrouve enrôlé dans un groupe de partisans dans les forêts polonaises, les histoires écrites par Dobranski et les prises de position par rapport à la guerre. Janek, qui vient de perdre ses parents, fera la rencontre de Zosia, jeune fille de 16 ans, qui recueille auprès des allemands, en se prostituant, des informations qu'elle transmet à la résistance.

"Le monde était sortie du chaos. Il avis pris une forme harmonieuse et pure. Au commencement, mourut la haine, et aux premiers accords, la faim, le mépris et la laideur avaient fui, pareils à des larves obscures que la lumière aveugle et tue. (p149)"

A travers ce roman que l'on pourrait dire d'apprentissage, apprentissage de l'amour mais aussi de la mort, de la guerre, de l'humanité, Romain Gary expose tous les drames qui se jouent autour du couple d'adolescents mais aussi les rencontres, parfois lumineuses au milieu de la noirceur comme celle de la musique par Janek dont il apprécie la beauté.

"...Et soudain Janek eut peur, il eut peur de la mort. Une balle allemande, le froid, la faim, et il disparaîtrait avant d'avoir bu dans son âme le graal humain, créé dans la peste et dans la haine, dans les massacres et le mépris, à la sueur de leur front et au prix de leurs larmes de sang, dans la grande souffrance du corps et de l'esprit, dans la colère ou l'indifférence du ciel, le labeur incomparable de ces fourmis humaines, qui ont su, en quelques années de vie misérable, créer de la beauté pour des millénaires. (p150)"

Comme dans tout apprentissage, il aura un maître en la personne de Dobranski, l'étudiant écrivain à ses heures, qui le guidera sur le chemin de la réflexion, de l'analyse à travers la lecture de ses petits contes qu'il lira à Janek et aux hommes du groupe.

"-J'aime tous les peuples, dit Dobranski, mais je n'aime aucune nation. Je suis patriote, je ne suis as nationaliste. - Quelle est la différence ? -Le patriotisme, c'est l'amour des siens. le nationalisme, c'est la haine des autres.(p214)" 

C'est un roman pamphlet sur l'absurdité de la guerre, de ceux qui la décident, des morts sauvages, barbares, inutiles en montrant malgré tout,  à certains moments, toute l'humanité qui peut exister entre les hommes de tout pays mais qui n'ont pas d'autres choix que d'appliquer le sort réservé à l'ennemi en temps de guerre. C'est un message également sur la nécessité d'avoir un guide même invisible,  l'espoir qu'il engendre et ici c'est Nadejda, symbole de toutes les espérances de vaillance, de liberté et de paix et dont le seul nom redonne courage et volonté.

"Sur la terre de longues colonnes de fourmis trottent entre les cailloux. Des millions de fourmis minuscules et affairées, et chacune croit à la grandeur de sa tâche, à l'importance suprême du brin d'herbe qu'elle traîne si péniblement.... (..) Il faudrait bien autre chose qu'un livre pour les forcer à s'écarter de leur Voie, la Voie que des millions d'autres fourmis avaient suivie avant elles, que des millions d'autres fourmis encore avaient tracée. (...) le monde où souffrent et meurent les fourmis : un monde cruel et incompréhensible, où la seule chose qui compte est de porter toujours plus loin une brindille absurde, un fétu de paille, toujours plus loin, à la sueur de son front et au prix de ses larmes de sang, toujours plus loin ! sans jamais s'arrêter pour souffler ou pour demander pourquoi..... (p244-245)"

Romain Gary avec une écriture sobre, implacable parfois, énonce les drames, les faits, les exécutions mais aussi met en avant l'amitié, la fraternité entre les hommes qui se battent, leur abnégation et leur soif d'idéal au nom d'un idée, d'un pays, de la liberté. Chaque bataille, comme celle de Stalingrad dont les résistants suivent l'évolution, qui peut sonner l'heure d'un changement et porte en elle tous les espoirs.

"Rien d'important ne meurt..... Seuls les hommes et les papillons", message testamentaire du père de Janek et Dobranski lèguera à celui-ci son Education Européenne, éducation en temps de guerre d'un adolescent à travers la faim, le froid, la peur, les exécutions, les trahisons, les actes de bravoure, la liberté et l'amitié.

C'est son premier roman sous presque nom de plume, à la fois sombre, écrit peut-être dans l'urgence des combats, de la mort qui rôde mais aussi où on détecte déjà un style, une écriture. C'est fort, puissant et implacable. J'avais aimé La promesse de l'aube où il revient d'ailleurs sur l'écriture de ce premier roman et je dois avouer que c'est à chaque fois un plaisir de le lire pour la qualité de son écriture mais aussi les idées de fond.

"Et il parut soudain à Janek que le monde des hommes n'était qu'un sac immense, dans lequel se débattait une masse informe de patates aveugles et rêveuses : l'humanité. (p227)"
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Éducation européenne est le premier roman publié sous le nom de Romain Gary. Écrit en 1943 alors que celui-ci combat comme aviateur dans le groupe Lorraine, ce n'est pourtant pas un énième roman sur la résistance. Ce n'est pas la simple histoire d'une poignée de fous au fin fond d'une forêt polonaise glaciale. Éducation européenne est une magnifique ode à la liberté, à la force du conte, à l'amitié. Comme le dit l'étudiant Dobranski, le poète du groupe:

« Éducation européenne, pour lui, ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes … Mais moi, je relève le défi. On peut me dire tant qu'on voudra que la liberté, l'honneur d'être un homme, tout ça, enfin, c'est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer. La vérité c'est qu'il y a des moments dans l'histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l'homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d'une cachette, d'un refuge. Ce refuge, parfois, c'est seulement une chanson, un poème, un livre. Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu'en l'ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu'ils sachent qu'on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu'on n'a pas pu nous forcer à désespérer. »

Les seuls moments de liberté de ces pauvres gars, ce sont en effet les rares moments où ils peuvent se raconter des histoires, et rêver. Les contes parsèment ce roman, qui traitent de la guerre mais en sublimant la lutte quotidienne, pour mieux supporter le reste. C'est dans cette optique également qu'ils ont inventé un chef légendaire, pour qui ils mourraient tous sans hésitation, alors qu'il n'est que le symbole d'une idée : « Pour nous redonner du courage et pour désorienter l'ennemi, nous avons inventé le partisan Nadejda – un chef immortel, invincible, qu'une main ennemie ne pouvait saisir et que rien ne pouvait arrêter. »

L'éducation européenne, c'est aussi celle du jeune Janek, forcé de fuir et de se réfugier dans la forêt à quatorze ans, seul au monde : « Il sentait qu'il ne lui restait vraiment que peu de chose à apprendre, et que, malgré son jeune âge, il était un homme instruit. [...] Et le pouls de la liberté, ce battement souterrain et secret qui montait, de plus en plus fort, de tous les coins de l'Europe et dont les échos parvenaient jusque dans cette forêt perdue, le faisaient rêver d'exploits héroïques. » C'est ce jeune homme qui représente l'espoir, à la fois par son amour pour la jeune Zosia, forcée de se prostituer afin de soutirer des informations aux Allemands – et par son attirance, son émotion lorsqu'il écoute de la musique. Une faiblesse qui permet de garder la foi envers la beauté humaine.

Dans ce roman, j'ai trouvé un souffle épique propre aux récits de guerre, et qui ne se trouve dans aucun autre des romans de Romain Gary. En un sens, c'est aussi en se racontant des histoires – cette histoire – que Gary a pu tenir durant la guerre. Conserver un idéalisme salvateur, garder l'espérance, est alors tout ce qui compte.

Cette histoire n'est en effet pas celle des jeunes Polonais mais celle des résistants de tous les pays, celle des horreurs vécues sur toutes les terres de guerre. Un roman essentiel, grâce à la plume superbe et sensible de Romain Gary.

« Abandon de poste devant l'ennemi ! essaie de la morigéner le bon soldat Schatz. C'est très grave ce que vous faites là, vie … Mais la vie continue son implacable désertion. »
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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« Éducation européenne » est le premier roman de Romain Gary, paru en 1945, sous ce nom. Un roman écrit durant l'automne 1943 alors qu'il combat comme aviateur dans le groupe Lorraine depuis l'Angleterre.

Janek Twardowski, 17 ans, est fils d'un médecin polonais dans la ville alors polonaise de Wilno. Alors que la bataille de Stalingrad débute il se terre, sur ordre de son père, dans la forêt ; riche de quelques sacs de pommes de terre.
Il sera « récupéré » par un groupe de partisans et deviendra leur agent de liaison. Et puis voilà Zosia, la jeune fille qui se prostitue auprès des Allemands pour obtenir des renseignements. Zozia et l'amour pour Janek…
La jeune fille acceptera une dernière mission auprès des Allemands et confirmera les informations déjà en possession des partisans ; et qui les conduiront à détruire un convoi en transit pour Stalingrad.

Prix des critiques 1945, « Education européenne » est un très fort « roman de résistance » que d'aucuns n'ont pas hésité à assimiler à Malraux. Il remportera un vif succès et Sartre n'hésitera pas à en faire « le meilleur roman sur la Résistance.

Vu la personnalité de son auteur et ses états de service, « Éducation européenne » est un ouvrage témoignage indispensable à qui s'intéresse à la seconde guerre mondiale .
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Ce livre est un cri d'espoir, une oeuvre de résistance à la cruauté de la guerre et à l'absurdité, un guide pour les hommes qui veulent croire à une belle vie et au bonheur de l'humanité. Un message patriotique mais pas nationaliste, une histoire d'amour, pas de déchirement.
Un livre écrit pendant la guerre par un écrivain résistant, un homme qui, toute sa vie, n'a cessé de défendre des valeurs humanistes. La poésie de sa prose, alors qu'il traverse l'horreur en dit long sur la foi qu'il porte à l'homme dans sa capacité à faire le bien et à vivre en harmonie. Il prône la beauté, l'art, la chaleur fraternelle et l'abondance.
On a envie d'y croire et cette lecture nous laisse face à nous même, comme un miroir qui nous renvoie à la fois nos plus grandes peurs et nos plus beaux rêves.
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Il y a l'histoire façonnée par le temps, et il y a les événements tels que les hommes les ont connus, vécus, ressentis individuellement au moment où ils se déroulent écris au jour le jour dans un petit journal de bord tenu par un combattant anonyme, retrouvé au hasard dans les débrits des bombardements aériens. L'aviateur Romain Gary hanté et miné par le chagrin, consterné par ce triste compte rendu en décrivant la déception de ces hommes harassés par la fatigue, la faim et le froid. C'est une histoire de combat dans quelque camp qu'ils aient eu lieu, un exode, une captivité, les préoccupations quotidiennes de la population, et ses rapports avec l'occupant, les distractions et la connaissance de l'actualité de l'époque que l'auteur s'efforce de faire revivre, cet espoir soutenu pour un avenir moins féroce chevillé à son esprit et son corps de combattant.

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