Les études et les recherches d'histoire musicale faites depuis un demi-siècle semblent reculer de plus en plus les lointains de notre art. Voici vingt-cinq ans à peine que la musique vocale de la Renaissance nous est pleinement révélée, et l'un de ses modernes apôtres en qualifiait encore les maîtres du nom de « primitifs ». Rien n'est ici moins exact que ce terme. L'étude de compositions ignorées, de théoriciens à peine connus jusqu'alors, a déchiré les voiles qu'une ignorance extraordinaire avait tendus devant nous : l'art du XVIe siècle, qui paraissait archaïque à notre génération à ses débuts, fut au contraire une réaction contre les suprêmes raffinements de l'école médiévale.
Les maîtres symphonistes du moyen âge ! Il y a vingt ans, on eût cru à quelque énormité, à quelque naïveté, de lire pareil vocable : la musique de cette époque apparaissait comme à peu près uniquement formée des chants des troubadours et des trouvères, à côté de barbares « diaphonies » ; on concédait cependant que de timides essais de polyphonie avaient eu lieu, mais, songez-y ! par des compositeurs ignorant les « lois » de l'harmonie, ne sachant ce qu'était un accord de trois sons, n'imaginant rien des relations tonales de leur édifice contrapontique aux voix laborieusement entassées !