AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,06

sur 132 notes
5
4 avis
4
3 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans le brouillard de Brest, une ombre aime et tue. Cette ombre, c'est Georges Querelle, que l'on appelle que par son patronyme. Matelot sur le Vengeur, il entraîne le lecteur à sa suite dans un Brest interlope, essentiellement masculin, où l'orgueil viril fait place à la fois à la violence et à l'amour. Querelle est ainsi une sorte de balade littéraire dans ce port qui inquiète et fascine à la fois. le roman établit aussi une sorte de mythologie marine, faite de lieux célèbres, où l'idée de meurtre est consubstantielle à celle de mer et où l'homosexualité, répandue dans le milieu car utile et nécessaire, voire esthétique, est tue en dehors de lui, car trop peu comprise et trop jugée.

Querelle a pour lui sa belle gueule, son physique avantageux et une auréole de gloire qui lui offrent le respect des matelots de son entourage. Ordonnance du lieutenant Seblon, qui éprouve pour lui une vive attirance physique ainsi qu'un amour véritable, Querelle profite de sa marginalité - inhérente à son métier ainsi qu'à son goût pour les sorties nocturnes - pour effectuer plusieurs trafics et vols dont il cache les fruits dans des lieux secrets. Pour brouiller les pistes, pour se sentir exister aussi, s'élever presque artistiquement au-dessus de sa condition, Querelle, parfois, tue. Façon de magnifier le larcin par un effet dramatique, le meurtre n'est pas source de culpabilité pour le marin, qui se voit comme deux personnes, et qui consent bien souvent à sacrifier un être cher en guise d'échange, ou de rachat : pris par la police, ou tué, l'ami et complice garantit alors à Querelle sa candeur originelle.

Par sa structure, le roman dérange. Pas de liens chronologiques ici : le narrateur, qui se manifeste par un nous de majesté, laisse aller libre le fil de sa pensée. On change de lieux, de personnages, de temporalité au fil des pages, sans perdre la cohérence d'une narration qui énumère aussi bien les événements qu'elle cherche à percer la vérité profonde qui anime les personnages. La forme du texte : alternance de paragraphes en blocs et de dialogues aérés, répond à l'ambiance du livre : lourdeur du brouillard où se commettent les meurtres, légèreté du parler argotique et des amours homosexuelles.

Car Querelle est aussi un roman d'amours. Des amours interdites, cachées, que même la morale d'un lieu aussi glauque que La Féria, ce bar brestois dont la légende est attestée dans chaque port du globe, réprouve bien inutilement. Sorte de surhomme, Querelle attire à lui les regards et les désirs. Par goût, par astuce mais aussi par envie, Querelle répond aux avances masculines. Eminemment sexuel, le roman fait la part belle à la force virile qu'il magnifie : pages après pages se déploient les dos musclés, se bandent les muscles, se dressent les phallus. Tous les personnages qui comptent sont des hommes : les femmes (Lysianne, Paulette) ne sont que des faire-valoir. Norbert, le tenancier de la Féria, Robert, le frère de Querelle, Gil Turko, le jeune maçon homicide, Mario, le flic qui flirte avec le milieu dates voyous : tous sont beaux, forts, attirants aussi par leurs faiblesses. Ces hommes, de conditions différentes, bouleversent aussi par leurs rapports amoureux la normalité sociale : les rapports entre dominants et dominés ne sont pas forcément les mêmes que dans la vie civile. Ainsi le lieutenant Seblon est-il à la merci sentimentale de Querelle quand Théo, le chef des maçons, enrage de ne pouvoir posséder Gil, l'un des membres de son équipe.

Querelle n'est pas un roman que l'on étiquette facilement. S'il l'on essaie de lui trouver des filiations littéraire, tout au plus pourra-t-on trouver des aspects balzaciens et proustiens. Proustiens, car Genet tâche de décortiquer la mécanique de l'âme, les choses secrètes de la personnalité. En cela, Querelle ne peut symboliser aucune attitude, aucune façon de vivre. On trouverait enfin des accents balzaciens, tant Genet semble compléter, par sa galerie de personnages, l'état-civil dressé par Balzac. Avec Genet prend vie une ville, une catégorie sociale, un réseau d'hommes liés entre eux par l'amitié, la tension sexuelle, une même façon d'appréhender la vie.
Commenter  J’apprécie          91
Un livre "dur" une écriture étonnante et forte
Commenter  J’apprécie          70
Peu d'écrivains ont fait autant pour la reconnaissance d'une véritable culture homosexuelle et queer que Jean Genet. de son premier roman, Notre-Dame-des-fleurs, à la pièce posthume Splendid's en passant par son seul film, Un chant d'amour, et le poème de prison le condamné à mort, l'oeuvre de Genet ne cesse de célébrer un homoérotisme placé sous le signe des voyous et des garçons des rues.

Parmi ces oeuvres, Querelle de Brest, adapté au cinéma en 1982 par Rainer W. Fassbinder, brille d'un éclat particulier. Son héros, Georges Querelle, matelot viril et magnétique qui sème le trouble y compris chez les hommes hétérosexuels, cristallise les tensions qui structurent le regard de Genet sur l'homosexualité. A la fois amant passionné et assassin, issu des bas fonds interlopes mais visant une expérience de l'extase quasi-métaphysique, Querelle incarne cette dialectique du danger et de la béatitude chère à Genet.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
Commenter  J’apprécie          60


Lecteurs (337) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3673 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}