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EAN : 9782070368600
384 pages
Gallimard (08/12/1976)
3.84/5   258 notes
Résumé :
Weidmann vous apparut dans une édition de cinq heures, la tête emmaillotée de bandelettes blanches, religieuse et encore aviateur blessé, tombé dans les seigles, un jour de septembre pareil à celui où fut connu le nom de Notre-Dame-des-Fleurs. Son beau visage multiplié par les linotypes s'abattit sur Paris et sur la France, au plus profond des villages perdus, dans les châteaux et les chaumières, révélant aux bourgeois attristés que leur vie quotidienne est frôlée d... >Voir plus
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Organique. Onanique. Onirique.

La “bombe Genet” s'écria, effaré, Jean Cocteau, “Saint Genet” proclama, solennel, Jean-Paul Sartre : c'est une entrée par effraction dans le champ littéraire, doublée d'un recel de poésie rimbaldienne sauce queer, qu'effectue avec cet ouvrage l'enfant de l'assistance publique, le délinquant, l'inverti, le louf', le black panthers : Jean Genet.

On a beaucoup glosé sur Jean le voleur qui écrit en 1942 à la Prison de Frênes son “Notre-Dame-des-Fleurs”, mais il est d'abord question d'une épopée stylistique, aussi clivante que les thèmes qu'elle essaime dans ses fulgurances protéiformes.

“Pour consentir à mêler dans sa vie de tous les jours — vie de souliers à lacer, de boutons à recoudre, de points noirs du visage à enlever — des aventures de roman policier, il faut avoir soi-même l'âme un peu fée.”

L'intensité de la langue Genet explose au lecteur. Dans sa façon de faire phrase, métaphore, ses agencements : entre une poésie anfractueuse, reconnaissons le, et une narration mise en abîme : nous découvrons Jean, dans sa prison, à marée basse et il nous entraine à mesure que la mer de l'imaginaire monte sous sa plume dans un flot de rêverie littéraire et libertaire. le sublime, le stellaire est à la fois fardé, subverti et enrichi par le provocant, l'argot, le gore, l'abjection, le bas-fond dans un récit qui joue de la fascination, subtil équilibre entre attraction et de répulsion.

Cependant cette dialectique n'est pas une fin en soi, Genet décline son art comme les rayons ensoleillent de toutes leurs nuances les paysages, tantôt la lumière est crue, rougeoyante, impudique, parfois froide, distanciée, parfois floue, embrumée ou encore tendre, fragile, désespérée ou fantasmée et truculente comme la luxuriance des couleurs de l'arc-en-ciel dans la rosée.

Dans une interview donnée à la BBC, Genet déclare “j'ai peur d'entrer dans la norme”, et de fait, la lecture de ce texte est une expérience qui ébranle le lecteur, à l'image de Jean Cocteau qui déclare à propos de Notre-Dame-des-Fleurs “il me révolte, me répugne et m'émerveille”, c'est une “expérience marginale”, pour reprendre la qualification du “texte de jouissance” de Roland Barthes, nul doute que ce dernier avait, entre-autre, Genet à l'esprit lorsqu'il délivra son analyse dans “Le Plaisir du Texte”.

Pour un écrivain qui se vit comme en dehors de la norme, quelle marge plus évidente que celle du crime. Alors par provocation, par homophilie virile (depuis les séducteurs Apaches de Montmartre, l'éternel culte du “bad boy” mal rasé, tatoué à midinette des halls de cité aux grudge garages perdure), mais aussi parce que la vie carcérale l'a naturellement conduit à fréquenter les vandales et les homicidaires. Néanmoins l'assassin n'est jamais une essence unique chez Genet, il est toujours doublé d'une marge plus interlope (pardonnez la consonance…).

Ces deux marges, un temps réunies sous les arcades du crime et du vice ne partagent pourtant pas la même postérité, le crime depuis les Dix Commandements reste un interdit social mais aussi pénal fondamental, quand les amours gays ont toujours eu rapport avec les sociétés humaines, comme moeurs, rites initiatiques, tolérance dans les milieux artistiques ou aristocratiques ou encore reconnaissance légale plénière de nos jours.

“Passer des fleurs aux boutonnières de la braguette”

Le “chant d'amour” de Jean Genet. de même qu'avec ce court métrage de 1950 très subversif (et pourtant sur Youtube), Genet assume son amour des hommes à la BBC : toujours au journaliste lui disant “Pour vous l'amour a commencé avec un garçon” Jean Genet corrige “non pas avec un garçon, avec deux cents” et, le sourire narquois, précise faussement rassurant “mais l'un après l'autre”. Si les appellations féminines fleurissent dans cet ouvrage, anticipant d'un quart de siècle l'avènement de la théorie du genre, c'est bien de garçons qu'il s'agit.

Mort et vie d'un bardache de Pigalle. A travers le récit de Divine alias Culafroy, “Dame de Haute-Pédalerie” et grue, des trottoirs de la rue Blanche à la place de Clichy, Mignon Les Petits Pieds son mac, le jeune Notre-Dame-des-Fleurs, Alberto et Seck Gorgui, Genet dessine en pionnier tant l'Odyssée que la Bible du Queer, ses influences se retrouveront dans la subculture à venir, mais tout est là, les dessins de Tom of Finland, l'exubérance de l'acteur d'Hairspray, lequel se nommera “Divine” peut-être en hommage au personnage de Genet.

Plus qu'un éloge de l'assassin, entre boa et chinchillas, c'est une oraison du travesti qui entre en littérature comme personnage principal.e, inusuelle couronne que celle que concède Jean à Culafroy : un dentier et un roman.

Préparez-vous donc à un poème en prose tout à fait singulier, où l'on trébuche, détourne le regard, une expérience limite, à moindre frais tout de même (on peut refermer le bouquin hein), où chaque mot compte dans la musicalité des phrases, où l'on côtoie presque des êtres sauvages, tant leur liberté, leur marginalité les tient habituellement loin de nous.

C'est aussi un ouvrage où le lecteur prend une part active, à l'image de ce passage où Genet nous invite à prolonger son oeuvre créatrice : “Je vous laisse libre d'imaginer le dialogue. Choisissez ce qui peut vous charmer. Acceptez, s'il vous plaît, qu'ils entendent la voix du sang, ou qu'ils s'aiment en coup de foudre, ou que Mignon, par des signes irrécusables et invisibles à l'oeil du vulgaire, décèle le voleur... Concevez les plus folles invraisemblances. Faites se pâmer leur être secret à s'aborder en argot. Mêlez-les tout à coup par un soudain embrassement ou par un baiser fraternel. Faites ce qu'il vous plaira."

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La dédicace liminaire s'adresse à Maurice Pilorge, cet assassin de vingt ans que l'auteur pleurait déjà dans le condamné à mort.

Du fond de sa prison, Jean rêve à des « amants enchanteurs » et il convoque des hommes de papier pour combler sa solitude et son désir. Pour lui, le crime est beau et il exalte la beauté des criminels. « Je veux chanter l'assassinat puisque j'aime les assassins. […] Je l'ai dit plus haut. Plutôt qu'un vieux, tuer un beau garçon blond, afin qu'unis par le lien verbal qui joint l'assassin à l'assassinat (l'un l'étant grâce à l'autre), je sois, aux jours et nuits d'une mélancolie désespérée, visité par un gracieux fantôme dont je serais le château hanté. » (p. 107) La prison, pour Jean Genet, est une obsession : il l'a souvent pratiquée et il s'y sent chez lui. « Ma bonne, ma tendre amie, ma cellule ! Réduit de moi seul, je t'aime tant ! » (p. 121) Étrangement, il ne semble pas prisonnier et s'échappe de la geôle à force de fantasmes et d'imagination. Avec des coupures de journaux, entre réel et imaginaire, Jean recompose un univers.

Il est question d'un monde noctambule et voyou peuplé d'individus hauts en couleurs. Divine est un travesti renommé dans les bas-fonds parisiens, dingue d'un mac nommé Mignon-les-Petits-Pieds. L'étoile fulgurante de ce milieu canaille et brutal, c'est Notre-Dame-des-Fleurs, un jeune voleur éclatant de beauté, amant occasionnel de Divine et de Seck, un bel Africain. Sous la plume de Jean, on suit les liaisons souvent orageuses des tantes, des tapettes et autres pédales parisiennes.

Le narrateur, c'est Jean, très probablement Jean Genet, qui livre ses troubles et ses peines. « Ce livre, j'ai voulu le faire des éléments transposés, sublimés, de ma vie de condamné, je crains qu'il ne dise rien de mes hantises. » (p. 204) On retrouve dans ce roman les thèmes évoqués dans le condamné à mort : « Mes livres seront-ils jamais autre chose qu'un prétexte à montrer un soldat vêtu d'azur, un ange et un nègre fraternel jouant aux dés ou aux osselets dans une prison sombre ou claire ? » (p. 24) Dans sa langue si unique, qui mêle argot et poésie, Jean Genet chante une nouvelle fois les amours homosexuelles, ainsi que son obsession pour la beauté et la jeunesse masculines. C'est une littérature très particulière et un sujet qui peut en gêner, voire en choquer certains. Je ne prends pas position et je me contente d'apprécier, sans toujours la comprendre, la poésie foudroyante de Jean Genet, auteur passionné et torturé.
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C'est ce que j'appelle la littérature « coup de poing ». J'ai connu Genet avec le recueil de poésie « Le condamné à mort ». Ce que je viens de lire est considéré comme un de ses plus grands romans. C'est une description étonnante d' un certain milieu, celui des malfrats et de la prostitution masculine, dans le Montmartre de la fin des années 30 et 40. Des individus qui n'hésitent pas à tuer pour quelques pièces. On va donc suivre entre autre : Mignon, Divine, Notre-Dame-des-Fleurs… au cours de leurs turpitudes. Mais tous ces personnages, s'ils semblent bien réels, sont issus de l'imagination de l'auteur lui même incarcéré à Fresnes. C'est sa manière de survivre à la prison. Il magnifie ses personnages en en faisant les victimes rejetées par la société bourgeoise bien-pensante. Genet étale leurs frasques sexuelles, mi-provocations, mi-fantasmes en précipitant le lecteur dans leur vie quotidienne misérable. On remarquera qu'il décrit également magnifiquement la sensualité qui côtoie parfois les pires abjections.
La langue est extrêmement poétique, malgré la crudité lexicale, avec des images et des métaphores étonnantes. Pourtant, je me suis souvent ennuyé, tant les épisodes sont répétitifs et un peu fatigué par la richesse de cette langue mise au service de ses personnages. J'ai réussi à terminer le livre en lisant souvent en diagonale. La fin, est dans la droite ligne du roman et finalement sans surprise.
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La plus belle plume française du XXè siècle et l'une des plus grandes de tous les temps. L'histoire n'est pas essentielle, une simple confession mêlée d'imagination, mais sublimée par une langue hors du commun.
Genet pousse l'exigence d'honnêteté et surtout d'écriture à un niveau que j'ai rarement eu la chance de rencontrer. Cette faculté à donner vie au sordide avec une telle beauté, une telle fluidité, m'a vraiment troublé: l'on croit pénétrer dans une pièce remplie de fleurs aux parfums capiteux, au décor raffiné, et l'on s'aperçoit qu'en ce lieu se tiennent des funérailles, que les fleurs couvrent l'odeur du rance. Alors, il y a la beauté du rituel, cette mise en scène parfaitement codifiée, cet exorcisme de la peur de la mort. Car Genet parle assurément de la Mort, sa lecture m'a semblé mortifère, mais Genet donne au Beau une nouvelle dimension, celle où le verbe s'élève réellement au rang d'Art.
Lien : http://johaylex.wordpress.co..
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Il y avait une époque, avant la gay pride, le mariage pour tous et les études sur le genre, où être un pédé ou un travelo ne déchaînait pas une foule de questions métaphysiques destinées à détourner l'attention des spectateurs sur le but final supposé de la détente des pulsions sexuelles. Etre pédé jusqu'au bout (de la bite) impliquait une conscience claire de l'exclusion sociétale que cela impliquait. Rien à voir avec les pétales de rose qu'on envoie à tous ceux qui ont l'audace et l'originalité de n'être plus seulement hétérosexuel aujourd'hui. S'assumer était alors vraiment subversif et nécessitait de vivre dans un monde à part. Jean Genet décrit ce monde-là.


Le style est un peu vieillot, le monde décrit lui-même sent la poussière, mais ça reste un récit inspirant pour se rendre compte du chemin parcouru (dans le sens de l'involution sans doute) depuis. On tombe souvent dans les poncifs de la compétitivité sexuelle faite d'humiliations et de cruauté sans cesse renouvelée, mais qui suis-je pour dire si cela n'est pas une réalité forte et prégnante de l'homosexualité masculine ? Si vous ne vous intéressez ni à la question de l'homosexualité, ni à celle de l'hétérosexualité, ni à celle du transgenrisme, ce roman pourra quand même vous plaire pour ses passages décrivant des bites en pleine érection car – l'industrie de la pornographie ne cesse de nous le prouver – c'est ce qui plaît au plus grand nombre, femmes, pédés et onanistes en tête.
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critiques presse (1)
Bibliobs
05 juillet 2021
C’est ce que sont avant tout les romans de Genet : de longs poèmes en prose, bâtards et parfois sublimes.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (81) Voir plus Ajouter une citation
"Je vous laisse libre d'imaginer le dialogue. Choisissez ce qui peut vous charmer. Acceptez, s'il vous plaît, qu'ils entendent la voix du sang, ou qu'ils s'aiment en coup de foudre, ou que Mignon, par des signes irrécusables et invisibles à l’œil du vulgaire, décèle le voleur... Concevez les plus folles invraisemblances. Faites se pâmer leur être secret à s'aborder en argot. Mêlez-les tout à coup par un soudain embrassement ou par un baiser fraternel. Faites ce qu'il vous plaira."
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Je veux chanter l’assassinat, puisque j’aime les assassins. Sans fard le chanter. Sans prétendre, par exemple, que je veuille obtenir par lui la rédemption, encore que j’en aie grande envie, j’aimerais tuer. Je l’ai dit plus haut, plutôt qu’un vieux, tuer un beau garçon blond, afin qu’unis déjà par le lien verbal qui joint l’assassin à l’assassiné (l’un étant grâce à l’autre), je sois, aux jours et nuits de mélancolie désespérée, visité par un gracieux fantôme dont je serais le château hanté. Mais que me soit épargnée l’horreur d’accoucher d’un mort de soixante ans ou qui serait une femme, jeune ou vieille. J’en ai assez de satisfaire sournoisement mes désirs de meurtre en admirant la pompe impériale des couchers de soleil. Assez mes yeux s’y sont baignés. Passons à mes mains.
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Donc il fallait qu’il mourût. Et pour que le pathétique de l’acte en fût plus virulent, elle-même devrait causer sa mort. Ici, n’est-ce pas, la morale n’a que faire, ni la crainte de la prison, ni celle de l’enfer. Avec précision, tout le mécanisme du drame se présenta à l’esprit d’Ernestine, et de la sorte au mien. Elle simulerait un suicide. « Je dirai qu’il s’est tué. » La logique d’Ernestine, qui est une logique de scène, n’a aucun rapport avec ce qu’on appelle la vraisemblance ; la vraisemblance étant le désaveu des raisons inavouables. Ne nous étonnons pas, nous nous émerveillerons mieux.

La présence au fond d’un tiroir d’un énorme revolver d’ordonnance suffit à lui dicter son attitude. Ce n’est pas la première fois que les choses sont les instigateurs d’un acte et doivent seules porter la redoutable, encore que légère, responsabilité d’un crime. Ce revolver devenait – paraissait-il – l’accessoire indispensable de son geste. Il continuait son bras tendu d’héroïne, il la hantait enfin, puisqu’il faut le dire, avec la brutalité, qui lui brûlait les joues, dont les épaisses mains d’Alberto gonflant ses poches hantaient les filles du village. Mais comme moi-même je ne consentirai à tuer qu’un souple adolescent pour de sa mort faire naître un cadavre, mais cadavre encore chaud et ombre bonne à enlacer, comme Ernestine n’acceptait de tuer qu’à la condition d’éviter l’horreur que l’ici-bas ne manquerait pas de lui susciter (convulsions, reproches des yeux consternés de l’enfant, sang et cervelle qui giclent) et l’horreur d’un au-delà angélique, ou peut-être pour donner à l’instant plus d’apparat, elle mit ses bijoux. Ainsi je faisais autrefois mes piqûres de cocaïne avec une seringue de cristal taillé en bouchon de carafe, et mettais à mon index un diamant énorme. En opérant ainsi elle ne savait pas qu’elle aggravait son geste, le changeant en un geste exceptionnel, dont la singularité risquait de faire tout chavirer. C’est ce qui se produisit. Grâce à une espèce de glissement, sans heurt, la chambre descendit jusqu’à se confondre avec un appartement somptueux, chargé d’ors, les murs tendus de velours grenat, les meubles de style alourdis, assourdis de rideaux de faille rouge, et troué par de grandes glaces biseautées, orné de lampadaires à pendeloques de cristal. Du plafond, détail important, pendait un lustre énorme. Le sol était recouvert de tapis de haute laine, violets et bleus.

Lors de son voyage de noces à Paris, de la rue, à travers les rideaux des fenêtres, Ernestine avait entrevu un soir ces appartements magnifiques et tièdes, et tandis qu’elle marchait au bras de son mari, sagement, sagement encore elle désirait y mourir d’amour, gardénal et fleurs, pour un Chevalier Teutonique. Puis, morte déjà quatre ou cinq fois, l’appartement était resté disponible pour un drame plus grave que sa propre mort.

Je complique, j’entortille, et vous parlez d’enfantillages. Ce sont des enfantillages. Tous les détenus sont des enfants et les enfants seuls sont tortueux, repliés, clairs, et confus. « Ce qu’il faudrait encore, pensa Ernestine, c’est qu’il mourût dans une ville de luxe, à Cannes ou à Venise, afin que j’y puisse accomplir des pèlerinages. »

Descendre dans un Ritz, baigné par cette Adriatique, épouse ou maîtresse d’un Doge, puis, les bras chargés de fleurs, grimper un raidillon jusqu’au cimetière, s’asseoir sur une simple dalle, une pierre blanche un peu bombée, et, toute pelotonnée dans une douleur parfumée, se couver !

Sans la ramener dans le réel, car elle ne quittait jamais le réel, l’arrangement des décors l’obligea à secouer le rêve. Elle alla chercher le revolver chargé depuis longtemps par une Providence pleine d’égards, et quand elle le tint dans sa main, pesant comme un phallus en action, elle se comprit grosse du meurtre, enceinte d’un mort.

Vous ne connaissez pas, vous, cet état surhumain ou extra-lucide, de l’assassin aveugle qui tient le couteau, le fusil, ou la fiole, ou qui, déjà, a déclenché le geste qui pousse au précipice.

Le geste final d’Ernestine aurait pu s’accomplir vite, mais, comme Culafroy d’ailleurs, elle sert un texte qu’elle ignore, que j’inscris, et dont le dénouement doit arriver en son heure. Ernestine sait tout ce que son acte comporte de misérablement littéraire, mais qu’elle doive se soumettre à une mauvaise littérature la rend plus touchante encore à ses yeux et aux nôtres. Dans le drame comme dans toute la vie, elle échappe à l’orgueilleuse beauté.
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“Pour consentir à mêler dans sa vie de tous les jours — vie de souliers à lacer, de boutons à recoudre, de points noirs du visage à enlever — des aventures de roman policier, il faut avoir soi-même l’âme un peu fée.”
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“Dans chaque enfant que je vois — mais j’en vois si peu — je cherche à retrouver celui que j’étais, à l’aimer pour ce que j’étais”
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Vidéo de Jean Genet
Le texte inédit d'un auteur culte.
Juin 1942. Jean Genet est incarcéré à la prison de Fresnes, condamné à huit mois de réclusion pour vol de livres. À trente et un ans, le détenu n'a encore rien publié ; mais la cellule est un lieu propice à l'éclosion de son talent littéraire. Il y écrit son premier roman, "Notre-Dame-des-Fleurs", et le long poème "Le Condamné à mort".
L'attrait du théâtre se fait déjà sentir, comme en témoigne "Héliogabale", ce drame à l'antique dont un manuscrit a été enfin retrouvé à la Houghton Library. L'existence de cette pièce était attestée, Genet l'ayant fait lire à quelques proches et ayant exprimé le souhait qu'elle soit publiée et créée — avec Jean Marais dans le rôle-titre. Rien de cela n'eut lieu et l'écrivain n'y revint plus.
Voilà donc, plus de quatre-vingts ans plus tard, la mise en scène des dernières heures d'Héliogabale, jeune prince romain assassiné, telles que Genet les a rêvées et méditées.
Au travers de cette figure solaire, hautement transgressive et sacrificielle, à laquelle Antonin Artaud avait consacré un essai flamboyant en 1934, Genet aborde les thèmes qui lui sont chers, dans les règles de l'art mais en laissant affleurer un lyrisme bien tenu : le travestissement et l'homosexualité, la sainteté par la déchéance, la beauté par l'abjection. Un envers du monde social où l'auteur, apprenti dramaturge, entend déjà trouver ses vérités, situer son oeuvre à venir et inventer sa propre légende.
Découvrir "Héliogabale" : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/La-Nouvelle-Revue-Francaise/La-Nouvelle-Revue-Francaise524
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