AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782251722290
376 pages
Les Belles Lettres (19/08/2016)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Il existe au Japon une industrie de "love doll", des poupées grandeur nature conçues pour servir de " partenaires de substitution ". Curieusement, ces produits sexuels haut de gamme se présentent sous la forme fantomatique de jeunes filles aux regards vides et aux corps incomplets... Est-il seulement possible de les "utiliser" ? Confrontant les humains à la question de la solitude, ces ersatz moulés dans les postures d'une attente sans fin fournissent un modèle repr... >Voir plus
Que lire après Un désir d'humain : Les love doll au JaponVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans cet essai qui a remporté en 2016 le prix Sade, Agnès Giard présente les spécificités des love doll japonaises (le singulier de "love doll" est volontaire car il s'agit de la transcription d'un terme japonais). Aucun aspect (historique, technique, religieux, littéraire...) n'est laissé de côté.L'enquête et la réflexion qui l'accompagne sont passionnantes, elles sont le fruit d'un travail de terrain minutieux effectué au Japon et d'un nombre conséquent d'entretiens notamment avec des professionnels du secteur.

L'ouvrage démarre par les premières sources littéraires mentionnant ces poupées à aimer qu'on nomme aujourd'hui love doll, détaille leur histoire, leur évolution en lien avec l'évolution technique des matériaux, le soin apporté à leur fabrication, en particulier à celle de leurs visages sur lesquels les petites mains des maquilleuses s'attardent pendant une semaine pour obtenir des rendus troublants de réalisme. Plus que de simples jouets sexuels, ces poupées sont des objets luxueux, presque des objets d'art, et leur réalisme, leurs expressions mélancoliques, leurs regards vagues, interpellent. Agnès Giard se penche en détail sur le lien émotionnel qui va naître entre la love doll et son propriétaire, l'analyse en évoquant une culture dans laquelle les objets sont dotés d'âmes et étudie comment ces poupées en viennent à acquérir une personnalité et une vie propres. Il s'agit ici bien plus pour l'auteure de déployer une réflexion en lien avec la notion de "vallée de l'étrange" (une notion mise à l'honneur en 2016 au musée du quai Branly avec l'exposition "Persona") que de scruter une pratique relevant de la déviance ou de la paraphilie.

On peut être tenté de sourire face à ces hommes (ou femmes) qui se prennent d'affection pour ces ersatz d'humains, les intègrent à leur famille, leur parlent, leur consacrent des blogs ou leur constituent d'impressionnantes garde-robes. Mais force est de constater une gêne certaine, un sentiment de pitié ou de tristesse devant les photographies de poupées aux corps de fillettes ayant le même usage que leurs grandes soeurs, ou devant celles de poupées louées (on pourrait dire prostituées) dont les corps déchirés portent les stigmates de la brutalité de leurs clients. Ce ne sont pourtant que des objets...

Lien : https://mahautdavenel.wordpr..
Commenter  J’apprécie          130
L'ouvrage ne manque pas de sérieux, que du contraire moult détails risque même de décourager le lecteur. le sujet est intriguant : comment des être humains, surtout des japonais et pas très nombreux, sont ils capables d'entretenir une relation avec une poupée en silicone ?

On y apprend que la culture nipponne ne place pas la même césure entre l'homme et l'objet que l'occidental, pour ce premier les objets ont une âme. Ame qu'on insuffle par exemple dans une figurine en lui peignant les yeux, ce qui l'éveille à la vie. Tout dépend donc de ce qu'on veut y voir et y mettre. A partir de cette conception, tout devient possible et la vie en commun avec une Love Doll également.

Le sujet surprenant, est apriori il est difficile de ne pas stigmatiser comme pathologique, un homme qui habille, maquille une poupée et la ballade au parc. Néanmoins à force d'analyse l'ouvrage fait peu à peu glisser une logique dans cette relation qui permet de l'envisager ou delà d'un simple jouet sexuel, statut qu'elle ne perdra néanmoins jamais vraiment.

C'est tout le rapport de l'homme à l'objet qui ressort de la lecture. Sommes nous à ce point éloigné de nos confrères nippons lorsqu'un ado conserve son doudou ou qu'un adulte "tient" fort à un objet ? La mécanique projective en fait un universel humain et l'auteure réussi finalement à dégager le phénomène Love Doll de son enclave nippone.
Commenter  J’apprécie          30


critiques presse (1)
LeMonde
27 juillet 2018
Cet ouvrage, soigneusement illustré (ça ne gâche rien), m’a fait reconsidérer une certaine arrogance occidentale. Même si le sujet a priori ne vous intéresse pas, je ne saurais trop vous recommander cette mise en danger de nos catégories bien pratiques.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'utilisateur nommé Koba parle ainsi de son cas : "Dès le départ, moi, j'ai passé mon temps à ne faire qu'aimer les poupées en 'full silicone' et cela pendant des années... Mon cœur a été capturé par la puissance et l'impact de leur renversant effet de présence. Je n'ai jamais pu m'empêcher de penser qu'une femme grandeur nature existait sous la forme d'une poupée et cela dès le début de ma passion pour les love doll." Sur son site intitulé "Histoire tirée par les cheveux d'un homme d'âge mûr décontracté qui vole dans le ciel" (...), Koba parle de son coup de foudre pour Karen. Elle se trouvait sur le site marchand d'Orient Industry. Instantanément épris d'elle, il l'a achetée en même temps qu'un corps agrémenté de l'option poils pubiens, grip body et doigts articulés, choisissant, d'office, un corps de luxe pour le lui offrir. Pour Koba, l'histoire avec Karen est une histoire d'amour "au premier regard".
Commenter  J’apprécie          50
Suivant une perspective téléologique courante en Occident, les robots sont placés au sommet de la hiérarchie dans la reproduction de l'humain. Mais la plupart des fabricants de love doll repoussent avec mépris l'idée de rajouter des fonctions motrices à leurs œuvres. Contrairement à cette idée toute faite, dénoncée par Emmanuel Grimaud dans son introduction au Gradhiva "spécial robots", les progrès techniques ne sont pas synonymes de progrès tout court : l'avenir ce n'est pas forcément le robot. Aux yeux des fabricants japonais en tout cas, les love doll constituent des formes de vie bien plus convaincantes et abouties que ces pantins électroniques tout juste capables d'exécuter leurs "boucles d'enchaînement". Qu'ils soient programmés pour simuler des tics nerveux en mode aléatoire ne les rend pas plus humains, au contraire. "Quand ça bouge, l'illusion de vie est brisée", explique Sugawara qui en veut pour preuve ces poupées dotées de paupières mobiles. Elles ferment les yeux quand on les allonge. "Ça leur donne un côté mécanique qui tue le désir."
Commenter  J’apprécie          40
S'il faut en croire Tsuruhisa, l'air bête n'est qu'une déclinaison contemporaine de la disponibilité. Pour lui donner cet air vacant, non seulement il fait loucher très légèrement la poupée mais - accentuant la séparation entre les yeux, qui sont en moyenne (chez l'adulte) distants de 33 millimètres - il crée ce que les médecins nomment un hypertélorisme orbital, symptôme fortement associé à la trisomie 18. Tsuruhisa prend soin de ne pas mentionner la déficience mentale :

"Ça donne un air doux quand les yeux sont écartés l'un de l'autre. Plus les yeux sont rapprochés, plus la personne a l'air concentrée et nerveuse. Plus ils sont éloignés, plus elle a l'air distraite, inattentive, voire stupide. Par ailleurs, je la fais loucher (imperceptiblement) pour qu'elle donne une impression kawaii. Il ne faut pas que les poupées aient l'air trop intelligentes, sinon l'utilisateur se sent en danger."
Commenter  J’apprécie          30
Bien qu'elles n'emploient pas de vraies femmes, la plupart de ces sociétés sont enregistrées comme clubs pour adultes ou agences d'escortes. En décembre 2004, la revue Spa affirme que c'est le secteur le plus en vogue du marché des call-girls. "Nous avons créé notre premier club en juillet 2004 avec quatre poupées à 600 000 yens, raconte Kimura Hajime, propriétaire de Doll no mori. Nous avons rentabilisé l'achat de ces quatre poupées en un mois. Elles travaillent pour rien et en permanence." Doll no mori fait payer 13 000 yens (105 euros) pour une séance de soixante-dix minutes, "mais les clients choisissent généralement la séance de deux heures, précise Kimura, car ils désirent aussi prendre un bain avec la poupée et faire des photos".
Commenter  J’apprécie          30
Mon travail porte effectivement sur les conditions d'élaboration de la love doll en tant qu'être douée d'une conscience. Quels sont les moyens mis en œuvre pour donner à la poupée un semblant d'existence ? Comment se fait-il que les love doll soient bien plus aptes que les poupées de silicone occidentales à suggérer l'effet de présence ? Comment les Japonais parviennent-ils à faire de la poupée une si singulière boîte de résonnance de nos affects ? Contrairement à Hayashi, il ne me semble pas qu'un Français puisse rester insensible à l'expression fantomatique de ces visages de silicone : leur apparence même suscite le trouble, déclenche un travail de projection et de questionnement. Mais, ce travail, j'ignore à la fois comment il est initié et dans quelle perspective. Quel est l'intérêt pour les humains de se confronter à cette catégorie de non-humains que sont les love doll ? Quelles sont les conditions nécessaires pour "activer" la poupée ?
Commenter  J’apprécie          10

Lire un extrait
Videos de Agnès Giard (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Agnès Giard
En Chine, beaucoup de jeunes renoncent au mariage en raison des critères nécessaires pour y prétendre. La pression familiale est pourtant toujours très forte.
Dans ce troisième épisode, Julie Gacon reçoit : - Jean-Baptiste Pettier, professeur d'anthropologie de l'Asie orientale à l'université Friedrich Alexander d'Erlangen Nuremberg - Catherine Capdeville-Zeng, anthropologue et sinologue, professeur au département d'études chinoises de l'Institut national des langues et civilisations orientales - Agnès Giard, anthropologue, chercheuse rattachée à l'Université de Paris Nanterre, spécialiste du Japon
"Un monde en quête d'amours", c'est une série en 4 épisodes du podcast Cultures Monde consacrée aux amours contrariées à travers le monde, qu'il s'agisse du conservatisme politique ou religieux, de contraintes économiques ou de fossés culturels.
Pour en savoir plus : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/chine-japon-l-amour-hors-de-prix-5166142
#mariage #asie #podcast _____________
Retrouvez-nous sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
Et abonnez-vous à la newsletter Culture Prime : https://www.cultureprime.fr/
+ Lire la suite
autres livres classés : poupéeVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11131 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}