Un très joli recueil de fautes de français courantes dans lequel je suis persuadé qu'une majorité de lecteurs apprendra quelque chose ! L'auteur s'est efforcé d'en rendre la lecture en adoptant un ton souvent humoristique (mais qui m'a parfois irrité). Certaines notices sont maladroites ou trop imprécises, gageons qu'elles seront corrigées dans une prochaine édition.
Trouvant que la qualité de mon français se dégrade avec le temps qui passe, l'envie m'a pris de trouver l'un ou l'autre guide pour m'aider à m'améliorer. Paresseux comme toujours, je cherchais un ouvrage que je pourrais lire dans le train, sans trop d'efforts. J'ai choisi celui-ci un peu par hasard. Il est sorti récemment, en 2018, et sa structure est exactement celle que je cherchais.
J'y ai trouvé quelques surprises. Par exemple, j'ai appris que convenir, au sens de « s'accorder sur », se conjuguait avec l'auxiliaire être (« nous sommes convenus de nous revoir en décembre »). J'ai appris que « taux d'alcoolémie » était un pléonasme, de même que « tri sélectif » (j'aurais dû le trouver moi-même, celui-là). J'ai appris que « psychiatrique » pouvait qualifier un hôpital mais pas une maladie. Et connaissant maintenant l'étymologie de ces mots, j'emploierai à meilleur escient « jadis » et « naguère ».
Par contre, j'ai noté quelques maladresses. Par exemple, lorsque l'auteur explique que « dorénavant » a un sens négatif ou menaçant, et que « désormais » envisagerait l'avenir de façon plus positive, il donne comme exemple « Désormais, on ne nous verra plus ensemble », ce que je n'aurais pas qualifié d'avenir positif ! Je me suis aussi interrogé sur l'expression « feu Madame Henriette est morte », dans laquelle je vois un pléonasme. Certes, l'auteur explique juste avant que l'on ne dit pas «
Monsieur X est mort », la qualité de « monsieur » ne se donnant que du vivant de la personne, sauf si l'on veut rappeler son titre, mais cela ne m'enlèvera pas un doute sur le caractère correct de « feu Madame Henriette est morte ».
Parfois aussi, il ne va pas assez loin. Par exemple, il note que, sous l'influence de l'anglais, le verbe « supporter » est souvent employé dans le sens de « soutenir » alors que l'étymologie indique que ce que l'on supporte est un « poids » pénible à supporter. J'approuve ! Employons plutôt « soutenir » ou « encourager ». Mais l'auteur ne parle pas des « supporters » (francisés en « supporteurs »). J'imagine qu'ils préféreraient ne pas être qualifiés de « souteneurs » ! On pourrait utiliser « partisans », mais la nuance serait différente.
À propos de l'influence croissante de l'anglais, je suis le premier à déplorer l'usage de mots à la mode comme le verbe « performer » ou même l'adjectif « attractif » auquel je préfère « attrayant ». Mais je ne chercherais pas à trouver un remplaçant à « design » ni à « vintage ». Et contrairement à l'auteur, je n'essayerais pas de faire passer « marcel » pour un synonyme de « tee-shirt », ces vêtements n'ayant pas la même coupe !
Je me suis également longuement interrogé sur l'expression « tentative d'attentat ». Avec beaucoup d'autres lettrés, l'auteur y voit un pléonasme car l'étymologie de « attentat » évoque une tentative (pour porter préjudice). On pourrait dire « projet d'attentat », mais pas « tentative d'attentat ». Mais cette analyse est trop rapide. En effet, depuis très longtemps, des définitions, entre autres juridiques, ne comportent pas le mot "tentative". Et quand bien même, personnellement, je ne vois pas de pléonasme dans "tentative d'attentat" car les deux tentatives ne sont pas au même niveau sémantique. Prenons un terroriste qui voudrait tenter de tuer un grand nombre de personnes. Son plan est d'utiliser une bombe à retardement. Il pose sa bombe, elle explose, on peut dire qu'il a commis un attentat. Mais il se pourrait qu'au moment où la bombe explose, le lieu soit désert. Dans ce cas, l'attentat a bien été commis (la bombe a explosé), mais il a échoué. Autre cas de figure, la police arrête le terroriste alors qu'il était en chemin pour déposer sa bombe. On dira alors que l'attentat a été déjoué; le terroriste a échoué dans sa tentative de commettre un attentat. Je dirais volontiers que sa « tentative d'attentat » a échoué. Dans « tenter de poser une bombe pour tenter de tuer une foule », les deux occurrences de « tenter » ne sont pas au même niveau sémantique, ce qui à mon sens permet d'éviter le pléonasme. Mais, pauvre mathématicien, qui suis-je pour juger ?
Bref, à la lecture de ce livre, on apprend des choses et on se pose des questions. C'est une lecture salutaire, je vous la conseille ! Je me permettrai encore d'afficher une certaine irritation face à l'humour de l'auteur: je salue ses efforts pour rendre la lecture divertissante, mais je me serais passé de plusieurs de ses moqueries politiques de café du commerce, qu'elles soient fondées ou pas.
Pour terminer, j'attire votre attention sur la rubrique « Dire, ne pas dire » que l'on trouve sur le site Web de l'Académie française. le succès de cette rubrique a poussé l'Académie a la publier en édition papier (4 volumes pour l'instant). Ce sera ma prochaine lecture dans ce domaine, merci Cécile pour le conseil !