Uber, tome 5

La seconde guerre mondiale se prolonge.
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Ce tome fait suite à Über, tome 4 (épisodes 18 à 22, spécial 2014) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour pouvoir suivre l'intrigue. Celui-ci regroupe les épisodes 23 à 27 écrits par Kieron Gillen, dessinés et encrés par Daniel Gete et mis en couleurs par le studio Digikore. Il comprend également le Free Comic Book Day 2014, écrit par Gillen dessiné et encré par Caanan White.

À Anvers en Belgique, le 28 septembre 1945, le siège de la ville a été levé peu de temps après les raids Dédale sur les bases de sous-marins allemandes. L'objectif de l'opération Dédale était de provoquer une diminution des attaques sur les convois maritimes alliés. L'une des conséquences inattendues fut le retrait des Blitzmensch du front. le calme revenu, les habitants réinvestirent la ville ce qui s'avère une tragique erreur. Les Allemands avaient déployé leur armée d'Übermensch à l'extérieur de la ville. C'était la suite logique de la tactique élaborée lors du siège initial d'Anvers. La suite et l'intensification. Les premiers destroyers allemands furent également déployés, ainsi que les trois cuirassés disponibles. L'armée secondaire des supersoldats était gardée en réserve. Leur mission était de répondre à d'éventuelles attaques pendant l'armée primaire de supersoldats procédait à la grande brûlure. Anvers était leur première cible : elle fut complètement détruite par le déchaînement de la force Halo. Ce fut la première annihilation systématique d'un pays. Les alliés ne savaient pas comment coordonne leur réponse.

Dans la base de Betchley Park en Angleterre, Stephanie prépare sa valise. le général Montgomery entre dans sa chambre et l'informe que les Français sont proches de la capitulation. L'Europe n'est plus qu'un champ de bataille ensanglanté. Il faut absolument que la Grande Bretagne fasse un geste, réponde d'une manière ou d'une autre. Il demande dans combien de temps le HMH Churchill sera pleinement activé. Stehpanie répond : entre une ou deux semaines. le général indique qu'il faut aller jusqu'au bout du processus. le HMH Dunkirk est prêt à être déployé. Les Américains ne sont pas encore prêts à envoyer des supersoldats : leur première vague est en cours de développement sur le sol des États-Unis, la seconde en préparation dans le sud de la France. Les Russes se sont arrêtés à leur frontière, sans pousser plus loin : cela cache quelque chose, peut-être un nouveau traité avec les huns. Stephanie ne peut pas dire quelle sera la fatigue occasionnée par le déménagement, sur Leah Cohen. À Kiev, Maria Andreevna se prête à la demande de prise de sang, qu'elle effectue elle-même, alors que les deux soldats à côté d'elle sont carapaçonnés du fait du risque d'explosion. Un soldat prend le tube à essai avec le sang, en prélève une goutte qu'il laisse tomber dans un autre tube à essai. L'explosion redoutée se produit et elle souffle tout l'appartement, tuant la demi-douzaine de soldats présents. Une heure plus tard, un général et une équipe de nettoyage sont sur les lieux. le gradé demande si Maria accepte des les aider : elle répond par l'affirmative.

Après les quatre premiers tomes, la situation est claire. L'Allemagne nazi a choisi d'abandonner ses recherches pour développer des missiles plus performants, au profit d'un autre projet moins conventionnel : améliorer génétiquement des êtres humains pour les transformer en supersoldats. Les premiers individus opérationnels ont pu rejoindre le conflit au printemps 1945, prolongeant la capacité de l'Allemagne de retarder sa capitulation. Cette nouvelle arme a ensuite permis de reprendre l'avantage militaire sur un champ de bataille à la fois, les forces alliées mettant du temps à comprendre ce à quoi ils étaient confrontés. Fort heureusement, une espionne, Stephanie, a pu fuir le laboratoire de recherches allemand et rejoindre la Grande Bretagne avec une partie des secrets biologiques permettant d'aboutir à des supersoldats. Assez rapidement, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques a pu mettre en oeuvre son propre programme, ainsi que le Japon, puis les États-Unis avec un peu de décalage. Tous ces événements sont rappelés dans le numéro spécial 2014, sous forme d'interviews avec certains personnages clés, dans le cadre du travail d'un historien, illustré avec des cases reprises dans les épisodes de la série mensuelle. Ce numéro qui est placé à la fin du présent recueil constate que ces événements peuvent être qualifiés de troisième cycle dans la seconde guerre mondiale. de fait la série mensuelle s'est arrêtée avec le dernier épisode de ce recueil, le 27. Une deuxième saison a vu le jour peu de temps après sous le titre de Über Invasion.

Effectivement, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre dans ce tome, si ce n'est que l'Allemagne va continuer à pousser son avantage, grâce à un nombre de supersoldats plus important que les autres nations, et que ces dernières vont tenter de rattraper leur retard sans céder trop de terrain. le lecteur sentait bien également que Kieron Gillen était parvenu au terme de son principe de base : s'appuyer sur des batailles réelles et en modifier un peu le déroulement avec la présence de supersoldats en action. Les divergences ainsi créées se sont accumulées et le cours de l'Histoire en est trop changé pour qu'il puisse continuer sur le même mode. Comme dans les tomes précédents, il gère avec élégance les différents points de vue : le Royaume Uni avec l'état-major, Stephanie, et deux bâtiments Churchill et Dunkirk, sans oublier Alan Turing. L'Allemagne nazie avec ses supersoldats, mais sans mettre en scène ses dirigeants dans ce tome. Un épisode consacré au Japon pour le sort des soldats sur l'île d'Okinawa. Quelques pages consacrées à la situation en URSS et à Maria. Une grande bataille pour finir à Calais.

L'expérience professionnelle du scénariste se voit dans chaque chapitre. Il ne déroule pas une chronologie factuelle et froide. Chaque moment est habité par des êtres humains, une partie que le lecteur côtoie depuis le début de la série, avec lesquelles il s'est créé une forme de proximité, et d'attachement, une partie qui va et qui vient pour des périodes plus courtes. Il retrouve avec plaisir le personnage ambigu de Stephanie, femme forte et diplômée, obéissante, motivée par le bien de la nation, avec quelques moments d'hésitation quand la souffrance d'autrui devient trop grande. Mais elle sait prendre sur elle. Il ressent une pointe de pitié pour la pauvre Leah Cohen, supersoldat prisonnière d'un corps difforme, loin de la beauté sculpturale des supersoldats aryens. Il se prend vite d'affection pour le HMH Dunkirk et apprécie de pouvoir l'appeler par son prénom Howard, moment particulièrement émouvant. Il est fasciné par l'imprévisibilité de Maria avec ses motivations très personnelles. Il respecte le général Montgomery, comprenant bien la difficulté des situations auxquelles il est confronté, et la difficulté des décisions à prendre.

Cette fois-ci les 5 épisodes de la série régulière sont illustrés par un unique artiste : Daniele Gete. le lecteur en retrouve ses points forts et ses points faibles. Parmi ces derniers, il y a la gestion des environnements lors des affrontements quel que soit le champ de bataille. Si le combat dure plus d'une page, l'implication du dessinateur se fait vite relative et les supersoldats s'affrontent dans un espace dégagé vide de tout, quel que soit l'endroit initial. Les expressions de visage sont parfois un peu artificielles, et se répètent à l'identique une ou deux fois, ajoutant à cette impression parfois factice. Pour le reste, c'est-à-dire la grande majorité de la narration visuelle, son investissement dans l'histoire à raconter ne faiblit pas, que ce soit pour l'identité visuelle des personnages aisément reconnaissables, les uniformes militaires, la description de chaque lieu en ouverture de scène et leur destruction en cas de bataille, et pour l'horreur. Au fil des épisodes, le lecteur profite du spectacle souvent horrifique : Anvers rasée lors de l'Opération Grande Brûlure et les bâtiments ravagés par l'énergie Halo déchaînée par les supersoldats, la rapidité du HMH Dunkirk, la cuirasse de la HMH Churchill, le lancer de char par la même HMH, son premier saut d'avion sans parachute, l'opération kamikaze des supersoldats japonais à Okinawa, l'affrontement de HMH Chruchill contre une armée de supersoldats allemands, et bien sûr le dessin en double page finale qui explicite la nature de l'invasion du cycle suivant.

Effectivement, avec ces épisodes, le récit atteint la fin de son cycle entamé dans le numéro 1. La narration visuelle impressionne par sa puissance et son horreur sans concession qui montre les êtres humains massacrés et tués lors de chaque bataille, pendant cette seconde guerre mondiale qui entre dans une nouvelle phase du conflit, au lieu de s'arrêter en 1945. Kieron Gillen continue de dérouler son histoire avec un savante construction qui entremêle la grande Histoire, les batailles et les décisions stratégiques et tactiques, avec l'histoire personnelle des supersoldats et des dirigeants responsables de ce programme et de leur déploiement. Il a trouvé un équilibre épatant entre ces composantes, et les différents points de vue entre le Royaume Uni, l'Allemagne, l'URSS, les États-Unis, un récit avec une demi-douzaine de points de vue, sans jamais perdre son lecteur, sans donner l'impression de traîner pour pouvoir tout exposer, sans perdre l'enracinement avec des personnages qui comptent pour le lecteur. Une Histoire alternative ambitieuse et captivante.