Citations sur La trilogie de Pan, tome 2 : Un des Baumugnes (154)
Vous avez bien entendu dire qu’à Mane, à la ferme d’En-chau, le Séguirand avait, de la sorte, cloîtré sa sœur. Lui mort, et enterré comme bien se doit, ne lui connaissant personne de parent proche, sauf cette Clairette Séguirand, envolée, disait-on, avec la jolie pomme de ses vingt ans aux joues, et sans savoir que celle-là était à En-chau, verrouillée dans la chambre de derrière, on met la barre à la porte et on s’en va. Vous connaissez En-chau ? Non ? Bon : c’est dans une pente de la montagne vers Banon, dans un repli de terre, sous le poil des chênes et des cyprès et, faut savoir que c’est là, pour le voir.
Passe deux ans, en passe trois, jusqu’à ce qu’un d’Aix, qui cherchait une terre à chasseur loue En-chau pour un automne. Il s’installe là, (...). Or, en poussant la porte de la chambre, la Clairette Séguirand s’allongea, toute sèche, sur le plancher, décarcassée comme une pannerée d’osselets. Elle s’était accrochée dans le bois de la porte avec ses onglons et là, morte de faim, elle était restée.
Chapitre 6
Vous connaissez En-chau ? Non ? Bon : c’est dans une pente de la montagne vers Banon, dans un repli de terre, sous le poil des chênes et des cyprès et, faut savoir que c’est là, pour le voir.
Chapitre 6
Saturnin arrive pour charrier les sacs de poussiers.
— Dis, que je lui fais, dans quoi tu déjeunes, toi, le matin ?
Ça le fait rire.
— Oui, dis un peu, qu’est-ce que tu prends, du café au lait dans une tasse ?
Il écoula sa rigolade jusqu’à la dernière goutte.
— Tu me vois, toi, avec du café au lait, qu’il répond à la fin. Mon garçon, c’est une habitude de jeunesse : moi, je prends un verre de vin et une bonne chique. Tu vois, tiens, ça fait bon estomac.
Andouille !
Chapitre 6
Je reste là à regarder la tasse et elle s’imprime bien dans mes yeux. Ah, oui, ça, je peux le dire, je la vois encore, maintenant, telle qu’elle était.
Elle est là, toute seule, au coin de la table, comme une fleur. La table toute vide, unie, avec, cependant, je me souviens, dans l’autre coin, une queue de poireau. Vous voyez.
Chapitre 6
Là, sur le coin de la table, il y a la petite tasse de porcelaine bleue, la petite tasse de jeune fille.
Elle vient de servir.
Il y a encore un peu de café au lait au fond avec comme des miettes de pain.
Je vous dis, la tête me tourne, sans comprendre ; le gros des réflexions, c’est venu après, mais, sur le moment, ça a fait comme une porte qui s’ouvre devant moi, une porte qui s’ouvrait sur quelque chose de foutrement large.
Chapitre 6
Je regardais aussi la maison ; la maison en pierre, les murs et les tuiles, et le bois des volets, et le bois des portes, tout cela bien joint, bien fermé sur l’air noir du dedans et je ne pouvais pas arriver à comprendre pourquoi c’était si bien fermé, pourquoi on avait mis cet air du dedans à l’abri de nos mains et de notre œil.
Chapitre 6
(...) on est de gros malheureux. Le malheur est autour de lui comme une ruche de guêpes.
Elle se toucha la poitrine.
— Moi, c’est là, tu vois, lourd comme une pierre et ça m’écrase toute.
Ça nous tue, ça, mon pauvre.
Chapitre 5
Elle s’était faite un peu belle. La ville, c’est pas un endroit où on peut garder sa douleur à l’aise sur le visage ; c’est plein de gens qui disent ci et ça, et on a son amour-propre ; il vaut mieux faire envie que pitié.
Chapitre 5
(...) la maman Philomène.
Celle-là, on pouvait pas lui en mettre plus qu’elle en avait du malheur ; ça débordait.
Chapitre 5
La Douloire dormait et, dans son sommeil, elle laissait voir son corps de pauvresse. Ça n’était pas fameux.
Chapitre 5