« Ma petite est comme l'eau
Elle est comme l'eau vive… »
Bien sûr vous connaissez la chanson,
Guy Béart avait été sollicité pour écrire la musique du film « L'Eau vive » (
François Villiers – 1958), d'après une histoire de …
Jean Giono. Mais, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il ne s'agit pas de la nouvelle du même nom issue du recueil éponyme, qui fait l'objet de la présente chronique, mais du scénario du film, écrit dès 1956, à laquelle l'écrivain donna une suite, ou plutôt une préquelle, sous le titre « Hortense » en 1958. Cela dit la chanson, poétique et fraîche, convient parfaitement à ce recueil qui fleure bon la nature, et la vie d'autrefois.
« L'Eau vive » se présente comme un ensemble de 22 récits écrits pour la plupart entre 1930 et 1937 (quelques antérieurs, de beaucoup). Contrairement à ses recueils précédents, «
Jean le Bleu » ou «
Solitude de la Pitié », qui présentaient une certaine unité, celui-ci se caractérise par sa diversité : diversité de format, d'abord, certains récits sont très courts, d'autres constituent de petites nouvelles qui couvrent plusieurs pages ; diversité de sujets, ensuite : si certains récits relèvent de la fiction, d'autres sont à classer parmi les reportages, les comptes rendus de promenades, les descriptions de paysages ou de types campagnards, voire de véritables poèmes en prose.
« L'Eau vive », qui donne son titre au recueil, est un des plus beaux parmi ces récits : il se présente comme un hommage appuyé à ces petits métiers de la campagne (ou de la montagne), pour la plupart aujourd'hui disparus, et qui constituaient pour nos ancêtres un véritable statut social, entre l'artisan (lui-même voisin de l'artiste ou du poète) et le travailleur qui tient sa place dans la communauté, comme le maire, le curé ou l'instituteur. C'est ainsi que
Giono nous fait partager son admiration et son amour pour ces « beaux artisans » : « Je ne veux pas parler de ceux qui ont des métiers de luxe « ou pour ainsi dire », comme ils disent, mais des humbles : le rémouleur, le potier, le boucher des petits villages, le fontainier, le cordonnier ».
D'autres récits (les plus longs) ressemblent à des nouvelles (« La vie de Mlle Amandine » ou « Mort du blé », entre autres) où l'auteur utilise des textes non utilisés, des ébauches de romans, des essais poétiques, et où il nous conte par personnages interposés, ses apprentissages d'homme et par-là même d'écrivain.
Giono, en poète qu'il est, nous gratifie de belles pages lyriques, où la poésie s'accorde avec une pensée que nous commençons à connaître qui unit l'homme, la terre et les éléments dans un même ensemble : « Rondeur des jours », « Automne en Trièves », « Hiver », et bien d'autres récits sont de véritables poèmes en prose.
Et n'oublions pas ce petit manuel touristique intitulé «
Provence » (mais le tourisme signé
Giono, on y va les yeux fermés, ou plutôt grands ouverts) : « Ce que je veux écrire sur la
Provence pourrait également s'intituler : Petit traité de la connaissance des choses.». L'auteur y chante son amour pour cette terre qui lui fait dire : « Il n'y a pas de
Provence. Qui l'aime aime le monde ou n'aime rien ».
Nous savons, nous, que
Giono aime sa
Provence.
S'il faut en déduire qu'il aime le monde, lui, le pacifiste, lui l'écologiste, lui l'amoureux de toutes les beautés de la nature et de l'univers… eh bien, ça ne nous étonne pas !