J'avais oublié la sensation agréable de rouler à vélo la nuit. Le silence autour de moi me donne l'impression d'être seule au monde.
Je marche le long du sentier qui surplombe la plage. A quelques mètres du banc de sable trône le rocher du Diable. Une lumière crépusculaire baigne la nature. Je ne parviens pas à distinguer les contours du soleil, comme si j'étais au coeur de l'astre et qu'il englobait tout ce qui m'entoure.
Soudain, j'entends la pluie tomber goutte à goutte sur le velux de ma chambre. Je m'allonge sur le lit pour regarder ma fenêtre se consteller d'eau. Elle forme bientôt un carré noir scintillant à mon plafond. Je saisis l'enregistreur pour immortaliser ce bruit si familier et j'ouvre légèrement le velux pour capter le son de l'averse au-dehors. La lumière du phare balaie l'horizon. Le faisceau révèle sa densité sous la pluie, comme s'il était palpable.
Je regagne les crêtes et scrute, fasciné, les vagues déchaînées se briser sur les rochers. Je ressens comme un effet hypnotique. C'est cela qu'on appelle le vertige. Ce n'est pas tant la peur du vide que l'envie irrépressible de s'y jeter.
Après tout, les profondeurs de l'océan ne sont jamais que de l'eau...
Lorsque je quitte le phare, le jour se lève à l'autre bout de l'île. Le soleil apparaît peu à peu devant moi, comme un souverain qui étendrait ses bras sur son royaume.
« Je suis paralysée. La silhouette se lève. Elle tient fermement un couteau à la lame impressionnante dans sa main. Je sors de ma chambre et veux me précipiter dans les escaliers. Je glisse et tombe. Je ne peux pas me relever. La silhouette descend lentement vers moi, sûre d’elle. Son bras se lève. Je l’implore. Je l’implore de me laisser la vie sauve. La lame s’abat en fendant l’air et pénètre ma chair. Je la sens percuter l’os de ma clavicule avant de s’enfoncer dans mon cœur. »
Est-ce qu'on sait ce que c'est, aimer, à dix-sept ans?
L'air est doux. Il n'y a pas une once de vent. Je file dans la nuit. Devant moi, à la pointe de l'île, le phare balaie le ciel. Je m'arrête quelques secondes pour être témoin de ce spectacle qui continue de me fasciner.
Tomek chute de toute la hauteur des arbres, enveloppé dans plusieurs cordes de couleurs. Il expire sur le sol au pied d’un tronc. La dernière chose qu’il voit, c’est le visage d’Aminata penché sur lui.
Fabien P