TOUCHER L’INTÉRIEUR
à Dominique Labarrière
Il suffit de voir, de toucher, de se tenir simplement
à côté pour être à même l’intime, pour être à même
la respiration de l’intime.
Pourquoi les choses se tiennent à distance ?
Pour faire surface, se donner entièrement à l’étendue,
à l’air, à l’espace et à ce qui les tient en présence.
Le bord de soi est un horizon qui se tient toujours
assez loin pour que ton corps puisse aller à sa
rencontre.
On croit toucher terre dans nos pas
alors que c’est le bord intérieur de son corps
que l’on touche ainsi.
C’est toi que tu touches
en touchant cet objet
et sa peau
fait de ta peau
le commencement de ton intérieur.
Les choses en te touchant
font de ta peau
un intérieur pour ton corps
un intérieur que tu peux toucher.
p.117-118
TOUCHER L’INTÉRIEUR
à Dominique Labarrière
Peut-être que la surface n’est que l’appel
incessant de l’intérieur ?
Tout corps se tient au bord de lui-même, de toutes
ses forces, comme s’il attendait un signe pour se
franchir.
L’annonce ne se fais pas au centre, mais sur le bord
où l’on prend appel.
Le simple abord des choses contient bien plus
d’intérieur que ne peut en livrer un corps.
Les pierres refusent toujours leur intérieur en ne
laissant toucher d’elles que de la pierre.
À peine touchées, elles s’acheminent de tout leur
corps vers la venue de ta main.
L’intérieur c’est toujours de la surface
qui attend la main qui doit le révéler.
p.115-116
VARIATIONS À PARTIR D'UNE PHRASE
DE ROBERTO JUARROZ
«Toute vie n'est qu'une intention, l'annonce
ou le commencement d'un geste. »
Roberto Juarroz
Tu touches une pierre
commence l'étendue.
Non pas franchir
mais appeler
la distance
est ce qui nous lit aux choses.
A quels gestes
tes gestes répondent-ils ?
Il est des silences
qui ne peuvent être silence
que dans notre voix
Les choses
ne sont pas faites pour être dites
mais pour attirer nos mots
vers l'imprononçable.
Mots qui désignez
ce qui ne peut être franchi.
Cette envie de dire
qui est à elle seule déjà tout le chemin.
p.43/46
TOUCHER L’INTÉRIEUR
à Dominique Labarrière
On croit toucher la surface des choses
et c’est déjà l’intime.
La peau
c’est déjà l’intime.
L’annonce
c’est déjà le corps
le chemin du corps.
Par le toucher nos mains mesurent la distance.
Pourquoi gagner l’intérieur ?
Chaque corps est pour nous un horizon.
Il n’y a pas d’intérieur
tout est déjà intérieur.
p.113-114
TOUCHER L’INTÉRIEUR
à Dominique Labarrière
Là commence ton corps
là où les choses se tiennent fermées
Tu n’es présent à toi-même
que dans ce mouvement
où le corps des autres donnent appui
à ta propre terre
à l’assise de tes pas.
Il n’y a de corps
que dans cet espace,
dans ce battement qui tient les corps
en présence.
Le mystère est là :
en prenant appui sur le corps des choses
tu te mets à marcher
à marcher à l’intérieur de toi.
p. 119- 120.