Qui incarne véritablement l'idéal de l'Ouest ?
Car, dès la couverture, Geronimo pique la vedette à Blueberry.
Indubitablement, il s'agit de personnages hauts en couleur, qui commencent aussi à avoir quelques belles rides.
Cette dualité prend corps dans un récit complexe, propre à Mister Blueberry, jouant sur deux temporalités : celle d'un Blueberry vieillissant, qui narre ses mémoires, dont cet épisode lointain où il a affronté Geronimo...
En terme de graphisme, c'est l'apothéose de Gir/
Moebius. D'autres auteurs se sont d'ailleurs inspirés de ce style par la suite : je pense à
Boucq et à
Ralph Meyer, plus qu'à
Swolfs ou à Hermann, ces derniers s'en tenant au pointillisme.
Mais, Giraud lui même est venu probablement s'alimenter chez eux, comme chez d'autres, pour créer son style. Les références contenues dans ses derniers albums, témoignent d'ailleurs de sa connaissance du média.
Quant au scénario, il est toujours aussi intéressant, avec une critique du mérite des « grands auteurs », qui ne sont pas toujours seuls à la plume…
Une manière de rappeler que Giraud n'est pas un auteur complet sur Blueberry, et que, en plus de s'appuyer sur l'héritage de Charlier, il est aidé par une talentueuse coloriste (
Florence Breton), un éditeur, parfois des encreurs (notamment
Michel Rouge auparavant)… en somme, une équipe.
Mais, tout est relatif. Quand on voit les effectifs de certains ateliers de mangakas, Giraud paraît bien seul...
Et pourtant, son oeuvre est particulièrement aboutie. Giraud scénariste sait jouer avec nos nerfs, il sait aussi mettre de l'intensité, comme pour cette scène de combat aquatique avec Geronimo.
Quelques moments sont un peu tirés par les cheveux, avec le revirement de Clum par exemple… Mais la suspension d'incrédulité reste effective autrement.
Enfin, il y a ce livre, Moby Dick, qui revient plusieurs fois dans cet album. Pourquoi ?
Certainement une comparaison avec le chef discret mais charismatique des Apaches, dont le peuple est menacé de disparaître.
Alors que Blueberry incarne la fougue de la jeunesse, avant de goûter à une retraite au saloon, Geronimo lui, malgré ses capacités et ses valeurs, n'en finit plus de perdre du terrain face aux Blancs.
Pourtant, il est ce que Blueberry n'est pas, il est la droiture même, il est aussi celui que Blueberry admire, jusqu'à dans ses souvenirs.
Au final, par le biais de son lieutenant, Giraud nous offre une certaine leçon d'humilité, de respect.