VIVRE VITE de
Brigitte Giraud est un roman qui s'empreinte en nous, chuchote sa ritournelle « Si… si, si, si… », nous interroge sur ce fameux destin qui nous échappe et bouleverse nos vies.
« Je reviens sur la litanie des « si » qui m'a obsédée pendant toutes ses années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel passé. »
La vie de l'autrice a été ravagée il y a 20 ans par la mort brutale de Claude, son mari, victime d'un accident de moto. de cette béance effroyable est né ce livre.
Je m'attendais à une histoire de deuil, de manque et de souffrance, et bien sûr, il y a tout ceci. On est d'autant plus touchés, que l'on connaît l'issue, on a mal de savoir que cet homme intensément vivant va mourir. Et pourtant que de joie, de musique, d'énergie, d'humour et d'amour dans ce texte !
Brigitte Giraud mène l'enquête, dresse la liste des événements qui ont conduit au drame, revient sur ces journées qui s'étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu'à produire l'inéluctable.
« Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement », « Si mon grand-père ne s'était pas suicidé », « Si je n'avais pas visité cette maison », « Si je n'avais pas rendu service à mon frère », « Si
Stephen King était mort le samedi 19 juin 1999 », « Si ce mardi matin avait été pluvieux »
23 chapitres courts, percutants, intenses, décortiquent dix années de vie d'un couple rock'n roll, la naissance d'un enfant et l'achat d'une maison dans laquelle Claude n'a jamais vécu. À cause de l'accident, ce jour de juin où il a accéléré sur une moto qui n'était pas la sienne, boulevard des Belges à Lyon. Peut-être influencé par
Lou Reed (lui même inspiré par
James Dean) qui avait écrit : «
Vivre vite, mourir jeune » dans le livre qu'il lisait alors.
L'autrice nous entraîne dans son histoire, on la suit coeur battant. On sourit, on s'émeut, on s'enlarme, on fredonne, on court, on rénove l'appart, on écoute
Dominique A dans la cuisine, on espère que ça n'arrivera pas, on se désole, on dit « merde, fait chier » (pardon).
« Je résume.
La maison, les clés, le garage, ma mère, mon frère, le Japon, Tadao Baba, la semaine de vacances, Hélène, mon service de presse. Ça commençait à faire un sacré bordel. »
On s'interroge : Entre le hasard et le « c'était écrit » (le fameux mektoub) : où se situent notre libre arbitre et notre prise sur l'existence ?
« Il n'y a rien à comprendre, chacun joue son rôle. Chacun bien à sa place dans la ville, en toute légitimité : le médecin, le notaire, l'instituteur, le pompier, le policier, le bibliothécaire, le banquier, le curé. Ça s'appelle une société. »
Un récit court, intime et universel. Pas d'esbroufe mais une sincérité désarmante. Un hymne à l'amour, à la vie, à Claude. J'ai été happée, émue, émerveillée par le talent de cette autrice que je découvre. Une lecture à la fois fracassante, heurtante, puissante et lumineuse. Qui m'a donné envie de
vivre vite.