La vie est loin d'être un long fleuve tranquille pour Surie. À l'heure où d'autres s'apprêtent à devenir grand-mère, elle, qui l'est déjà depuis longtemps, apprend qu'elle va donner la vie. Pour la onzième fois...
Elle, qui aspirait à souffler un peu, à avoir du temps pour elle, va devoir une fois de plus changer des couches, nourrir et s' occuper d'un être qui comptera avant tout sur elle. Et Surie fait aussi un étrange choix, celui de n'en parler à personne, pas même à celui qui partage sa vie depuis quarante ans. Durant cette grossesse surprise remontera aussi le souvenir de son fils Lipa, trop tôt disparu. Faut-il pouvoir se réconcilier avec son passé pour vivre sereinement l'avenir ?
Je ne savais absolument pas à quoi m'attendre en ouvrant ce livre qui m'a en quelque sorte sortie de ma zone de confort. Je savais que l'histoire se passait dans la communauté juive hassidique, communauté dont je ne connaissais pas grand chose pour ne pas dire rien. Et je me suis totalement retrouvée immergée dans la vie et les codes de cette communauté pourtant si éloignée des miens.
J'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a emmenée dans des contrées que je n'imaginais pas, non pas dans la jungle ou au fin fond des États-Unis, mais simplement à Brooklyn, New York, sur cette
Division Avenue qui porte décidément très bien son nom. Car avant même d'être américaine, Surie est juive hassidique et doit obéir aux règles des siens. Sa vie est rythmée par les traditions, les fêtes, les rites, le regard des autres, ce qui est autorisé ou non de faire, avec en toile de fond la Shoah qui reste très présente à l'esprit. L'auteure à en effet eu l'excellente idée d'intégrer au début de son récit un arbre généalogique de la famille, remontant aux grands-parents, ce qui fait que l'esprit de famille, certainement une des choses les plus importantes pour les juifs hassidiques, reste très prégnant dans la tête du lecteur lambda qui ne peut finalement suivre la trajectoire de Surie qu'à travers ce prisme.
La plume de
Goldie Goldbloom est très agréable, teintée d'humour- j'ai ri ou souri à plusieurs reprises- tout en étant pleine de pudeur et de finesse. le texte est parsemé de mots yiddish mais ça n'a pas gêné ma lecture. Il existe un glossaire en fin d'ouvrage mais si vous êtes comme moi, c'est à dire un peu feignasse sur les bords, et que vous n'allez pas voir systématiquement la traduction du mot, cela ne gâchera en rien votre lecture.
En résumé, j'ai passé un très bon moment avec ce roman qui parsème çà et là des indices et nous emmène inexorablement vers la vérité, du moins la vérité de Surie. Il serait tentant, et facile, de ne pas se sentir proche de cette communauté, de la juger aussi car on ne la comprend pas, mais le personnage de Surie est tellement dense et complexe qu'il en devient attachant dans sa dualité. C'est un très beau portrait de femme que nous offre l'auteure, une femme forte, intelligente et surtout courageuse. Ce que je garde en mémoire près d'une semaine après avoir tourné la dernière page est la tendresse infinie que je ressens pour Surie, cette anti-heroïne des temps modernes qui ne lâche rien.
Et un dernier mot sur la couverture, un poil désuète, mais tellement en phase avec le roman.
Un grand merci à Babelio pour cette masse critique ainsi qu'aux éditions
Christian Bourgois pour l'envoi de ce livre.
Lu en février 2021