le Rio Mapocho est une autobiographie signée d'un truand grandi au bord de ce fleuve chilien. Né vers 1917, ce caïd de la pègre chilienne raconte son enfance de gamin abandonné, maltraité par sa mère biologique, recueilli parfois par des gens bienveillants mais finalement élevé par lui-même au bord du Mapocho, selon les règles des voyous du fleuve. Avec lui, nous faisons connaissance de la loi des voleurs, de leur hiérarchie très stricte (voyou, homme du rio, coltineur : celui qui transporte le butin à ses risques et périls pour protéger le chef, truand (« grade » obtenu après plusieurs incarcérations dont certaines à l'étranger) : on ne plaisante pas avec la loi de la pègre et il est très difficile de se faire accepter et reconnaître par ses pairs. le jeune Alfredo l'apprendra à ses dépens.
Le parcours de ce gamin perdu est dur, semé d'épreuves traumatisantes, la violence est reine, la sexualité aussi. On découvre (si on veut) qu'être homosexuel est une tare et une faiblesse dont on profite, que policiers, truands et prêtres se côtoient, se jugent, se respectent parfois. Une belle scène met en présence un truand connu et respecté, le Zanahoria (carotte, en espagnol, du fait de ses cheveux) et le chef de la police locale venu l'arrêter. Alors que le truand est sur le point de tuer ce dernier, un ordre l'arrête, lancé par le prêtre : Arrête, c'est ton père ! (Oui, je sais, cela ressemble à une référence à un film célèbre, mais apparemment cela a été vécu il y a très longtemps).
Une lecture dépaysante à bien des égards, instructive sur le Milieu, le Chili, l'époque, livre préfacé par
Pablo Neruda et complété par des courriers adressés par l'auteur à Madame Loreley Friedman V. directrice du centre de recherches criminologiques. Après ces années de délinquance et ses séjours en prison, l'auteur est devenu un écrivain connu en Amérique latine. Inconnu cependant sur Babelio.