AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 14 notes
5
2 avis
4
3 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Nous sommes à Marseille, en plein mois d'août. Ambiance estivale dans la cité phocéenne, quelques effluves de bouillabaisse arrivent jusqu'à nos narines, mais aussi de maquereaux fraîchement pêchés, grillés au bord de la Méditerranée. Un vrai festival de senteurs. Il y aura par contre quelques zones d'ombre qui vont se placer dans ce décor pas si désagréable: des retraités de la Légion étrangère sont retrouvés morts, les uns après les autres, aux abords des routes, poignardés et mutilés, les testicules dans la bouche.

Soit-dit en passant, ces zones d'ombre ne restent jamais trop longtemps dans notre esprit, car l'auteur nous en envoie plein la gueule avec ses personnages d'une puissance remarquable au niveau du caractère! le langage, le franc-parler, ces piliers de bistrot qui se désaltèrent comme ils peuvent avec cette canicule, accompagnés de propos crus, honnêtes parfois, intègres souvent, mais toujours sans aucun détour.

Mais, si on connaît les romans de Maurice Gouiran, nous savons d'avance que nous allons mettre les pieds dans une merde monumentale, qui prend sa source dans le passé, un passé souvent très peu glorieux et limite dégueu. Cela sera le cas ici. Les couilles dans la bouche des victimes légionnaires nous donneront déjà une direction: la guerre d'Algérie. Mais pas seulement.

Nous allons suivre Clovis Narigou, ancien journaliste, un homme de la région que nous connaissons bien, à présent, à condition bien sûr d'avoir suivi les romans de cet auteur marseillais. Clovis, à la demande d'un vieil ami, - le vieux Biscottin -, va aller trainer et tendre l'oreille à gauche et à droite dans la région afin d'obtenir quelques informations sur un vieux Polonais qui aurait disparu depuis quelques temps. Ce Polonais, apeuré, se serait rendu chez le vieux pour lui remettre une boîte à chaussures en lui précisant qu'il était en danger. Ce Pollack, vous vous en doutez, est un retraité de la légion étrangère qui a oeuvré en Algérie et en Indochine. Fait-il partie des légionnaires assassinés?

L'enquête ne révélera pas grand-chose au grand public: eh oui, lorsque l'on touche à L Histoire, il y a des choses qu'on ne dit pas, qui restent tabous, et qu'on voudrait voir enterrées bien profond. Mais la merde, lorsqu'elle est bien épaisse, déborde de partout et devient difficile à cacher. Et bien évidemment, le temps ne suffit pas à effacer le passé. Honte nationale.

Revenons à notre enquête... Un homme enragé ne va justement pas vouloir laisser les choses entre les mains nouées du passé et va agir. Nous aurions presque envie de dire qu'il a de bonnes raisons de le faire, si on se laisse prendre par les émotions. Oui, car l'auteur va nous fournir un sacré paquet d'éléments issus du passé qui vont pas mal nous toucher. Des faits historiques, respectivement des actes malheureusement réels.

Clovis, par ses recherches pointues, ses investigations pertinentes, va ajouter un volet géographique à son enquête concernant le Polonais: le Vietnam, ou encore l'Indochine.

Cet aspect de ses investigations va l'amener au camp du Moulin-du-Lot, au sud-ouest, un camp de rapatriés d'Indochine. Cet endroit existe toujours, un parc à laissés-pour-compte, un lieu renié et quasiment oublié par l'Etat français. Une honte, y a pas photo (heureusement d'ailleurs).

Lors de cette enquête, nous en saurons également un peu plus sur quelques thèmes qui ont modelés L Histoire, à l'image de ces juifs qui devaient fabriquer des fausses livre-sterling et de faux dollars, durant la Seconde Guerre mondiale. Cette opération, appelée "Opération Bernhart", consistait à déstabiliser le marché anglais et américain, soit les adversaires du Reich.

Que vient faire une telle histoire dans notre histoire? Ah ça... Maurice Gouiran sait utiliser des pans de l'Histoire pour créer les siennes!

C'est en Autriche, vers la commune de Bad Ausse, dans la Styrie, que nous nous rendrons pour aller chercher les réponses dont nous avons besoin pour dénouer cette intrigue. Un paysage qui change radicalement par rapport à Marseille, la ville caniculaire que nous venons de quitter. Nous apprendrons, par le biais de divers récits, ce qui s'est tramé dans cette région montagneuse en 1945, en rapport avec le nazisme.

Un joli pied-de-nez dans ce dénouement; Maurice Gouiran met un terme à son histoire qui prend une dernière tournure intéressante.

L'histoire se terminera pour nous, lecteurs, mais connaissant l'auteur, L Histoire n'a de loin pas fini de faire couler encore pas mal d'encre sous sa plume qui déplume et décortique le passé.

Bonne lecture.
Lien : http://passion-romans.over-b..
Commenter  J’apprécie          40
Clovis Narigou, le héros récurrent de Maurice Gouiran est à l'oeuvre dans ce roman sorti en grand format en 2008 et édité en poche cette année, toujours par Jigal. le principe de Maurice Gouiran est de plonger Clovis dans des histoires liées à la grande Histoire, celle du vingtième siècle. Ici, on parle beaucoup des guerres d'indépendance perdues par la France, Indochine et Algérie, dans lesquelles les légionnaires ont été particulièrement actifs. Pour les légionnaires, le corps auquel ils appartiennent passe avant tout ; ils viennent de divers horizons, ont des histoires dures et tout est oublié en entrant dans la Légion. Dès lors, on y retrouve des gens au passé trouble, surtout lorsqu'ils l'intègrent vers 1945. L'Indochine et particulièrement Dien Bien Phu furent mal vécus par les Français qui ont très rapidement été appelés en Algérie pour une guerre qui ne disait pas son nom et qui allait se révéler un même traumatisme pour eux et pour les Algériens. Maurice Gouiran parle de la torture que l'armée française a utilisée pour faire parler des indépendantistes algériens, du viol des femmes algériennes, tout cela pour garder un territoire qui devait rapporter, au moins aux colons ; ainsi parle Zouba, un ancien de l'Armée de Libération Nationale : "Mes grands-parents étaient autrefois agriculteurs dans la plaine. Ils vivaient modestement mais correctement de leur labeur, et puis les domaines de Européens se sont étalés peu à peu aux dépens des nôtres. Les colons nous ont chassés et sont devenus propriétaires de toute la plaine fertile. Alors nous avons dû quitter nos terres pour la montagne où nous avons créé des villages. Là-bas, c'était une autre vie, beaucoup plus difficile au milieu des terres arides." (p.59/60)

L'enquête de Clovis le mènera à Sainte-Livrade, dans le camp aménagé à la hâte pour accueillir en 1956 les Français d'Indochine. Plus de cinquante ans après, certains y vivent encore, totalement oubliés, qui ne rêvent selon Clovis que d'être traités comme les Harkis, ce qui en dit long sur leur misère puisqu'on sait que les Harkis ne sont pas particulièrement bien considérés par la France.

Ce que j'aime dans les romans de Maurice Gouiran, c'est qu'à chaque fois, j'apprends quelque chose, un pan oublié de l'histoire de notre pays ou d'autres nations (ce fut l'Espagne par exemple pour L'hiver des enfants volés). Et il fait cela très bien, en alliant enquête, Histoire, personnages marseillais typiques -avec leur parler qu'un mec du nord comme moi ne capte pas toujours, mais qui ne nuit pas à la bonne compréhension générale des dialogues- , un peu d'humour, de légèreté avec Alexandra, l'ex de Clovis qui revient le voir pour une quinzaine torride -je rassure les lecteurs chastes, tout est suggéré, rien n'est décrit, du tourisme à Marseille -d'ailleurs la pâtisserie tunisienne dans laquelle Clovis rencontre Zouba ressemble fort à l'une que nous avons fréquentée assidument lorsque nous étions dans cette ville en vacances il y a deux ou trois ans- et dans les environs, ... Avec tout cela on dans les mains un très bon polar, instructif et humaniste car, comme le dit Alexandra à Clovis -et je finirai là-dessus, car je partage son avis- : "Ce qui t'intéresse, bien plus que les faits, ce sont les hommes. Ça transpirait dans tous tes reportages et aujourd'hui tu prends à bras-le-corps des enquêtes et tu t'y investis jour et nuit alors qu'on ne te le demande pas forcément. Si encore c'était pour gagner quatre sous, mais même pas..." (p.236)
Lien : http://lyvres.over-blog.com
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (37) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2873 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}