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3,91

sur 283 notes
~ Géologiquement charnel ~

Il est des livres que l'on offre, comme une partie de soi donnée à l'autre. Comme un élan & une joie, une douce pensée. le bonheur simple & pur de partager, don d'amitié ou d'amour. Cependant mon ami m'a offert Gracq parce qu'il a détesté, et surtout pour s'en débarrasser !

Et moi, comme il l'avait prédit, j'ai aimé d'amour ce récit, où le temps complètement suspendu est témoin des formes & des regards, l'âme frémissante, onirique, j'oscille encore entre chimères & réalité !

Au château d'Argol je me suis posée & reposée, je me suis laissée porter par le son des vagues, fascinée par la forêt dense, gorgée de soleil et baignée de lune je suis encore !
Au château d'Argol, j'etais avec deux hommes & une femme en vase clos, celle-ci n'est qu'un objet, et moi qu'une indélicate voyeuse!
Au château d'Argol peut-être que les deux hommes ne forment qu'un seul, a la fois double et contraire. Un bien curieux triangle amoureux !

Pas d'intrigue, pas de dialogue, pas d'action, simplement des situations. Gracq a le phrasé fin, atemporel plus qu'intemporel, physique, mystique, magnétique, incarné & terricole
De l'intelligence du coeur, de l'esprit & de la langue.

Au château d'Argol est un chuchotement au creux de mon oreille. Une toute petite voix, minuscule, infime, qui prend toute la place, me ferme les yeux, m'ouvre le coeur. Et finit par gronder au fond de mon ventre.
Sans cesse ballottée entre confiance & defiance !
Au château d'Argol, je suis encore !
Il faut que vous y allez vous aussi !
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"Ils se dévêtirent parmi les tombes."

En éjaculant ses fantasmes d'adolescent dans son château d'Argol, Julien Gracq retrouve la fébrilité, la grandiloquence et la radicalité propre à cet âge de la vie. Ses héros traversent leur crise pubérale dans des décors médiévaux : claustré dans un vieux château breton, lui-même ceint d'une forêt lugubre, Albert, blondin épris d'idéalisme, a invité son pernicieux ami, le sombre Herminien à le rejoindre. La gracile Heide escorte ce dernier. Les dissensions philosophiques, les baignades dans l'océan et les explorations sylvestres se succèdent tandis que couvent d'inavouables convoitises. de désirs confus en prurit de possession, la guerre à trois se déclenche.

Récit initial de l'écrivain, Au château d'Argol pèche par excès de matière : trop d'images, de références, d'adjectifs... Avec son attirail gothique et sa symbolique lourdement ésotérique, Gracq étouffe son conte sous les oripeaux de ses idoles : ici les harnachements wagnériens -Parsifal et Sainte Lance, dragon et oiseau de la forêt-, là le fourniment surréaliste -démons et merveilles, rêves et magie-. Mais plus encore, la présence tutélaire et séminale d'Edgar Allan Poe macule la prose opulente du jeune auteur de ses horloges grinçantes, ses freux sinistres et ses blêmes suaires.

Gracq touche souvent au sublime quand il s'essaie par exemple à la sensualité. Délicatement teinté d'homoérotisme (entre L'Éternel retour de Cocteau et le Prince Eric), sa légende perverse dépeint les affres du désir adolescent avec une élégante justesse. Mais sa prose savante aux irisations poétiques reste trop souvent exsangue, alourdie par le suif d'un maniérisme suranné.

Chantourné voire amphigourique, Au château d'Argol n'en reste pas moins une expérience unique pour le lecteur saisi d'étonnement devant cette langue baroque aux vertus hallucinatoires.

Un fruit vert.

"Et, perdant le souffle, il sentit maintenant que les pas allaient le rejoindre, et, dans la toute-puissante défaillance de son âme, il sentit l'éclair glacé d'un couteau couler entre ses épaules comme une poignée de neige."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Sentir l'intensité de l'instant. Celui qui précède dans le cimetière de la lande rase, celui qui s'étire dans la tourmente nocturne de la tempête qui fait rage ou celui qui s'abandonne dans l'écume des vagues ou sur la mousse contre un arbre, proche de l'onde enténébrée, celui qui se perd dans les méandres d'un château habité plus qu'habitable :

« un esprit exercé ne pouvait voir là qu'un raffinement de la fatalité qui leur prodiguait ces traîtreux réconforts comme le vin mêlé d'épices et d'aromates dont on fortifie le corps des suppliciés pour redoubler en eux l'acuité de nouvelles tortures et leur en faire pénétrer jusqu'au fond les poignantes délices. Dans l'après-midi une torpeur que le soleil faisait peser sur les cours et les appartements du château annonçait à leurs nerfs aiguisés par l'attente le prélude d'un jeu mortel. »

Les ingrédients du roman gothique sont là : le château témoin d'une majesté passée isolé par l'insondable forêt, l'imminence d'un péril mortel, des lieux appesantis de solitude, «une horloge de fer [...] le bruit grinçant et régulier de son mécanisme, qui ne pouvait au milieu de ces solitudes se rapporter en quoi que ce fût pour l'âme à la mesure d'un temps vide en ces lieux de substance » – Baudelaire ou Poe ne sont jamais très loin – .

La beauté fatale de Hyde semble nouer l'intrigue. Herminien est son amant. A moins que ce ne soit Albert ? Peut-on croire à l'existence d'Herminien ? ou bien Albert et Herminien se confondent ? La sensualité de l'écriture – au sens premier du terme – rend certains passages d'un érotisme troublant, et le point de bascule vers l'insoutenable n'est pas toujours repérable au moment où il est franchi.

1938. Voilà, le premier roman de Gracq dont lui-même n'avait pas idée une heure avant de l'écrire, et pourtant. Tout ce qu'il développe plus tard est là. Les phrases à la respiration lente et le vocabulaire sophistiqués font de Gracq un auteur « à part » mais selon moi le trouble vertigineux dans lequel nous plonge ce roman fasciné en vaut la peine, comme une expérience de lecture elle aussi, à part.
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Au château d'Argol ouvre le tome 1 de la pléiade consacrée à Julien Gracq, un auteur dont je n'avais lu que l'exquis rivage des Syrtes. Ecrit en 1938 et refusé par Gallimard avant d'être accepté par José Corti, c'est aussi le premier roman de l'auteur qui a déjà quand même 29 ans.
J'avais lu le rivage des Syrtes dans un ouvrage publié chez José Corti chez qui si j'ai bonne mémoire, il faut toujours séparer les pages au couteau...du coup quand on est encore à ça, je ne me pose même pas la question de savoir si cet éditeur dispose d'un département ‘ebooks'. Autant demander à une quincaillerie de se doter d'un site internet.
Argol est décrit comme un château de type médiéval perché sur une falaise rocheuse au milieu d'une forêt armoricaine à l'extrémité du Finistère. On ne sait pas trop quand l'action se situe mais j'opterais pour le 19e siècle. Sur les conseils d'un ami, Albert, le héros de cette histoire hilarante, achète ce château et il y arrive un jour sans armes ni bagages et est tout de suite envoûté par cette bâtisse imposante.
Au début, on a plus ou moins dans l'idée qu'on va lire un roman assez conventionnel d'autant que les descriptions du château et de la nature environnante abondent. Les choses se compliquent lorsqu'Albert reçoit la visite de son grand ami Herminien (une sorte de Gambetti en moins fantasque). Ce dernier est accompagné d'une fille prénommée Heide (à qui j'ai donné le visage de l'actrice Jean Seberg). Herminien et Albert entretiennent une grande complicité intellectuelle et philosophique en particulier et mènent des discussions interminables. Heide y participe vaguement. de toute façon, on a bien compris que sa raison d'être dans cette histoire est de foutre le bordel. C'est le troisième élément, l'intrus, la femme et la fin des haricots.
Subrepticement, le roman glisse vers le surréalisme et les balades en forêt se transforment en quête mystique . Les trois tristes lurons après une baignade suicidaire en mer perdent de la consistance pour devenir comme des esprits. On ne sait pas trop si Albert tombe amoureux de Heide, on ne comprend pas trop le comportement de Herminien. Un jour, alors que le conflit cordial bat son plein, les deux amis se retrouvent dans une chapelle nichée dans la forêt et Herminien se met à jouer de l'orgue. C'est un moment clé du roman mais je ne saurais dire en quoi. Ensuite, Albert retrouve Heide nue et blessée au bord d'une rivière et Herminien qui s'était absenté revient et se fait mal en descendant de son cheval.
Mais qu'importe, le récit se défait des faits et flotte par delà les landes et les rivages avant de se faufiler dans les couloirs sombres du sinistre château. Puis les corps se fragilisent et les trois tristes s'affaiblissent, le huis clos se termine mal mais on est presque soulagé que cet enfer armoricain se termine.
Je signale à toutes fins utiles que ce roman comprend des descriptions interminables..mais admirables et qu'il ne contient aucun dialogue. le tout donne l'impression que l'auteur a voulu, pour son entrée en littérature, en mettre plein la vue.
Pour l'anecdote, si le château d'Argol est sorti de l'imagination de Gracq, le bourg d'Argol situé à l'entrée de la presqu'île de Crozon existe bien et selon wikipedia signifierait ‘en perdition'.
Globalement, je déconseille fortement la lecture de ce déroutant mais trop ennuyant roman.

lecture : janvier 2015, la pléiade tome 1. note : 2/5
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Gracq surprend, c'est le moins qu'on puisse dire, je serais même partagé entre l'adulation pure et simple face à un style hors du commun, et le rejet, tant justement son style peut apparaître ampoulé. La recherche de la précision, le perd parfois dans une exagération de termes, une profusion de détails qui peuvent glisser facilement de la poésie à l'ennui...A tel point qu'on perd assez facilement le fil du récit..;Il faut dire aussi que l'histoire n'est pas banale, et qu'il reste difficile dans ce contexte, de se concentrer sur l'éventuel message que l'auteur tente de nous faire passer, à moins que ce ne soit ici, qu'un exercice de style auquel l'auteur s'est amusé. Un texte rempli de qualité certes, mais qui me laisse dubitatif, l'excès voulu par l'auteur est quelquefois lassant, du coup l'histoire passe au second plan, mais c'était peut être le but....
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surréaliste et romantique, un début de carrière d'écrivain, étonnant et envoutant
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Julien Gracq, toujours aussi délectable, j'ai pris énormément de plaisir à me plonger dans cet ouvrage, même si je l'ai trouvé beaucoup plus compliqué à lire et à comprendre que les autres Romans que j'ai lus de Gracq. Cela ne m'a en rien gâché le plaisir de cet auteur, qui reste pour moi, un des écrivains qui a su amener l'écriture Française à un aboutissement perdue à ce jour.
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Amour et amitié intenses, forêt, grève et manoir bretons, attente et drame. Saisissante beauté.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/01/08/note-de-lecture-au-chateau-dargol-julien-gracq/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Voici un livre très particulier. Il est court (moins de cent pages) mais ne se laisse pas lire vite. L'histoire de se laisse pas non plus appréhender à la première lecture et je crois qu'il faut la lire et la relire pour commencer à l'apprivoiser.
Les phrases sont longues, belles, ciselées, tellement ensorcelantes qu'elles vous envoûtent, vous charment jusqu'à l'oubli. On s'étonne en lisant Julien Gracq qu'il puisse produire ces sentiments et ces atmosphères avec les mêmes mots qui nous servent à communiquer : la langue est toute puissance et se plie délicieusement aux audaces et aux caprices de l'auteur qui sait la manier.
Si j'ai regretté que les personnages apparaissent trop aristocratiques, ils m'ont inspiré des images de dessins animés, un peu dans le genre japonais. J'ai vu des personnages exagérément grands et minces avec des couleurs claires ou alors des gris et du noir à mesure qu'on s'enfonce dans l'histoire et la forêt (ou le château et son passage secret).
Au bout du compte, ai-je aimé ce livre ? Oui, mais je ne l'adore pas comme, par pudeur on se retient vis-à-vis de ce (ceux, celles) qu'on ne connaît pas encore assez. Peut-être faut-il lui aussi qu'il apprécie ses lecteurs/lectrices. Il y a des livres qu'on aime relire, d'autres qu'on ne relira jamais, voilà peut-être une histoire qui ne se raconte que dans la relecture ... Reste à déterminer le temps optimal entre deux visites au Château d'Argol ; à moins qu'on y reste à jamais enfermé passant sans échappatoire de la fin au début du livre pour enfin tout comprendre.
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La lecture du Château d'Argol est en voyage dans mes souvenirs d'enfance, dans ces lieux qui m'oppressaient par leurs immensité, lenteur et silence. Décidément, Julien Gracq a(vait) la magie de l'écriture qui emprisonne le lecteur dans l'histoire qu'il raconte. A la fin, on retrouve le soleil, le coeur se libère de cette sujétion sourde, mais tellement heureux d'avoir lu ce court roman (moins de 200 pages). Que dire du plaisir sensuel de libérer les pages, non massicotées, à la lecture ? Je ne sais pas si les dernières éditions de ces oeuvres ont su conserver cette originalité suprême.
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