Ce livre est bien des choses et pourtant difficile à décrire...
Il est à mi-chemin entre le roman policier et le récit d'ambiance.
Il est à mi-chemin entre la comédie de situation et le récit romantique.
On suit le quotidien d'une drôle d'équipe de gardiens de sécurité dans un centre commercial et on suit la reconstruction d'un homme en dépression...
Un récit touchant par moment et divertissant dans son ensemble.
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J'ai adoré ce livre que j'ai lu plus d'une fois. Vous ne verrez plus les centres commerciaux de la même façon, car les vrais héros sont les gens de la sécurité. C'est un livre drôle et touchant à la fois, où on s'attache rapidement aux personnages. Bref ! mon livre préféré de cet auteur.
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Roman policier plutôt amusant qui se déroule dans un centre commercial.
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— Ils sont partis par là, régardez, ils ont enlévé
ouné touile et ils ont pris la fouite dans lé tounnel.
C’est une histoire sens dessus dessous, pense aussitôt
Viateur, une histoire qui commence avec trop de ou. D’abord,
on ne dit pas un tounnel, monsieur Dimitri, mais un tunnel.
Ensuite, on ne pointe pas le doigt vers le plafond quand on
veut montrer un tunnel : un tunnel se creuse sous la terre,
et il n’y a pas de terre dans un centre commercial, ou alors il
s’agit de cette terre synthétique qu’on dispose autour des
arbres de plastique. Ce n’est donc pas un tounnel, mais un
trou dans le plafond. Commençons par employer les bons
mots, ça nous évitera des torticolis.
Pour le reste, il faut admettre que le commerçant a raison :
le voleur est bel et bien descendu du plafond pour s’introduire
dans le magasin, il a dérobé une dizaine de manteaux, si on
en juge par l’espace laissé sur la tringle, puis il est reparti en
empruntant le même chemin. Il est donc jeune et athlétique
: un quinquagénaire bedonnant comme monsieur
Dimitri n’aurait jamais pu ramper dans un conduit d’aération,
et encore moins y remonter. Comment le voleur s’y
est-il pris, au fait ? Il n’y a pas d’escabeau, ni même de
chaise... Imaginons donc un complice : le premier voleur
reste dans le plafond tandis que l’autre lui donne les manteaux.
Le complice tend ensuite la main à son ami, il l’aide
à grimper… Ça se tient. Ainsi, nous aurions affaire à une
paire de voleurs, tous deux jeunes et athlétiques. À la liste
de leurs qualités, ajoutons une certaine dose d’intelligence :
il faut être futé pour penser à un coup comme celui-là. S’ils
avaient replacé le panneau acoustique une fois leur forfait
accompli, ils auraient commis un crime parfait. Le mystère
de la chambre close, comme dans les bons vieux romans
policiers que Viateur lisait quand il était jeune. Les cambrioleurs
étaient des gentlemen, dans ces romans-là, et les
détectives, de fins limiers qui utilisaient leur matière grise
plutôt que des AK-47... Mais revenons à la réalité : le but de
nos voleurs n’était pas d’inventer une nouvelle énigme, mais
de voler des manteaux. Pourquoi se seraient-ils donné la
peine de remettre le panneau en place ?
Les archéologues du futur seront sans doute fascinés par les pylônes électriques, équivalents modernes des aqueducs romains, mais on les imagine mal s'intéresser aux centres commerciaux. Un centre commercial n'est qu'un amoncellement de briques, de verre, de poutrelles d'acier et de fils électriques agencés de telle sorte que personne ne les regarde. On y entre tête baissée, sans prêter la moindre attention à l'architecture du bâtiment. Les touristes ne prennent d'ailleurs jamais de centres commerciaux en photo, et Dieu sait pourtant s'ils photographient n'importe quoi, y compris des panneaux de signalisation routière. Personne ne regrette les centres commerciaux lorsqu'ils disparaissent, et aucun militant ne songerait à créer un comité de sauvegarde du patrimoine pour les protéger. Un centre commercial ne se recycle pas, ne pourrit pas, ne se transforme pas en humus. Un centre commercial abandonné, ça n'existe tout simplement pas : soit il dégage des profits, soit il est démoli. Si on se retrouve enfermé dans un centre commercial fantôme, c'est qu'on est dans un cauchemar, ou alors dans une nouvelle de Stephen King.
Mais le véritable miracle de Noël se produit à quinze heures pile, quand le centre se vide d'un seul coup de tous ses clients. À quatorze heures quarante-cinq, on a du mal à respirer tant la foule est compacte. Mais, quinze minutes plus tard, il n'y a plus personne.
Un client qui arriverait à cette heure-là pourrait stationner son automobile à deux pas de l'entrée principale et se promener dans un centre commercial désert sans jamais se faire harceler par les vendeurs, trop épuisés pour lui courir après, et encore moins par les gérants, qui seraient presque enclins à donner la marchandise plutôt qu'à la vendre: ils ont déjà commencé à calculer leur recette, et ce ne sont pas quelques dollars de plus ou de moins qui feront la différence. Mais il n'y a aucun client dans le centre à cette heure-là: tous les acheteurs se sont volatilisés, comme s'ils avaient été victimes d'un magicien particulièrement doué.
— Écoute-moi bien, Viateur : tu viens de divorcer,
tu n’as rien à faire de tes journées et tu sors d’une dépression.
Tu ne vas pas passer le mois de novembre enfermé
dans ta maison à regarder la télévision – des plans pour
déprimer encore plus. Tu vas venir travailler avec nous, ça
va te faire du bien.
— Je te remercie de penser à moi, cher beau-frère, mais
je déteste les centres commerciaux. C’est laid, ça pue le popcorn,
il fait trop chaud, il n’y a pas d’air, et je ne parle pas de
la musique. Deux minutes là-dedans, et j’ai envie de tuer.
J’ai passé trente ans dans une école secondaire, Michel. Pour
ma retraite, je ne vais tout de même pas m’enfermer dans un
endroit encore plus malsain !
— Ton aversion pour les centres commerciaux prouve
que tu es un mâle normal. Les hommes sont programmés
pour chasser les aurochs dans des terres lointaines pendant
que les femmes cueillent les aubaines autour de la grotte,
tout le monde sait ça. Mais je ne te propose pas d’être
un client, Viateur, je te propose de travailler. Ça fait toute
la différence.
Peut-être que nos voleurs ne sont pas si intelligents que
ça, à bien y réfléchir, se dit Viateur tandis que le commerçant
n’en finit plus de se désoler. S’ils sont vraiment passés
par le plafond, ils sont nécessairement sortis quelque part.
Peut-être ont-ils fui par le toit, mais peut-être aussi ont-ils
abouti ailleurs dans le centre commercial... Imaginons qu’ils
entreposent leurs manteaux dans l’arrière-boutique d’un
autre magasin en attendant de les sortir en douce par une
entrée de service... Dans ce cas, il n’est peut-être pas trop
tard pour les retrouver.
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