Au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, j'ai été attirée par la couverture du dernier roman de Jens Christian GRONDALH, auteur danois. Alors même que je ne me souvenais pas avoir lu de billet sur la toile, qu'il ne figurait pas sur ma liste de références, je me suis tout de même laissée tenter...
Nous sommes au Danemark, le narrateur est un lycéen qui vit à Copenhague. Il a une soeur aînée, Kirsten, qui souhaite devenir sage-femme. Il a une petite amie, Lisbeth, juste une affaire de sexe. Et puis, il y a sa maman dont les jours sont comptés, elle est malade d'un cancer. le narrateur souhaite lire Marx, sa professeure d'allemand, Gudrun, qui a découvert un potentiel chez cet adolescent, va lui confier des travaux particuliers qu'il lui remettra à son domicile, le samedi après-midi. Un jour, il fait connaissance avec la fille de Gudrun, Erika qui étudie la philosophie à Berlin. C'est son premier amour.
Une vingtaine d'années plus tard,il est divorcé et apprécie sa solitude. Il a une fille, Julie, qui vient passer le week-end ponctuellement chez lui. Il est enseignant et il accueille dans sa classe un jeune homme, Stanko, réfugié. Pour rendre service, il va même accueillir le lycéen chez lui quelques jours. Il va apprendre à le découvrir et entretenir une relation particulière avec sa mère, Ivana.
Vingt ans plus tard, il est à la retraite. Sa fille Julie est maman. Il refuse de fêter ses 60 ans. Il préfère s'offrir un voyage à Rome. Là, une formidable rencontre va lui ouvrir les yeux sur l'art de la photographie.
C'est un très beau roman sur le temps qui passe, sur les vertus de l'ennui et de la solitude. Vous l'aurez compris, les 3 parties du livres sont dédiées à 3 périodes de la vie d'un homme. Personnage très attachant, il est passionné de littérature et préfère s'isoler de la société danoise pour se ressourcer dans les livres, ses plus fidèles compagnons.
Il y a aussi les femmes, à commencer par sa mère qui malheureusement va s'éteindre alors qu'il n'est encore qu'un jeune adolescent. Il y a un magnifique passage sur ses sensations à l'annonce du décès :
"Même si c'était attendu, cela arrivait quand même comme une surprise, une chute. Une chute dans un autre temps. On marche sur un sentier au bord de la falaise, soudain, la terre meuble cède et, pendant une fraction de seconde, on parvient à saisir ce qu'est l'abîme avant de retomber sur ses pieds un peu plus bas, et l'on retrouve l'équilibre après avoir chancelé un instant." P. 102
Et puis, il y a celles avec qui il va découvrir l'amour et les déceptions de la vie à 2. Depuis l'adolescence et les aventures d'une nuit sans lendemain, il y a bien eu Maria avec qui il a eu Julie mais le lien au matériel a eu raison de leur union. Et puis quelques autres femmes lui ont succédé avec chaque fois, des sentiments particuliers. Il prend le temps de les interpréter et donne une définition du verbe aimer qui vous donnera à méditer...
"Il y a quelque chose de schizophrène dans le fait d'aimer. On converse en nous avec la voix de l'autre, avec l'image de l'être aimé et l'image que l'autre a de nous. On raisonne, on négocie, on vote sur ce qui est juste et judicieux, sur ce qui est bon ou mauvais dans la vie. Ma vie est aussi devenue celle de l'autre. L'autre a également le droit d'être pris au sérieux, il a gagné le droit d'être traité avec raison, et ce qui n'est qu'elle et moi, ce qui est subjectif et arbitraire, devient en mon for intérieur la vérité incarnée." P. 354
Ce très beau roman traite aussi de l'exil, la fuite, la lente reconstruction loin de ses origines, l'appropriation d'une nouvelle langue et de nouveaux territoires.
Il aborde aussi l'école comme un formidable lieu de vie et de développement :
"C'était ça dont l'école était capable. C'était un organisme vivant, plein d'expérience accumulée qui était transmise. Un processus incessant qui accompagnait les enfants dans leur métamorphose, les épanouissait et dévoilait ce qu'ils renfermaient, pour les déposer plus loin. Les envoyer dans la vie et, dans le meilleur des cas, les y lancer avec la conscience que l'on naît avec des forces que l'on peut utiliser. Nul besoin de savoir ce qu'elles sont, car on ne le découvre peut-être jamais tout à fait, mais on les sent en soi, et on sait qu'il convient d'essayer. Qu'il convient de continuer à essayer. C'était pour cela que j'étais devenu prof." P. 214
Enfin, la dernière partie aborde la soixantaine, cette période où les repères s'effacent et laissent la place à une nouvelle forme de liberté. La rencontre avec la jeune photographe et la qualité de leurs échanges sont absolument magnifiques, un roman qui finit tout en beauté.
L'écriture de
Jens Christian GRONDAHL m'a beaucoup émue. Elle est remarquable pour sa finesse et sa sensibilité. Je n'avais encore rien lu de lui mais je crois que je vais poursuivre mes découvertes avec ses autres romans. J'adore la littérature pour sa capacité à vous surprendre...
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