Je viens de terminer ce gros livre, dans la nouvelle traduction de Berelowitch et Coldelfy-Faucard. Je dois de suite dire mes limites de lecteur : j'ai du mal avec les noms russes, qui font qu'un personnage peut être appelé de 3 ou 4 façons différentes, alors qu'on suit plus ou moins plus de 30 personnages. J'ai lu des livres d'histoire sur Stalingrad et sa bataille, sur les camps, sur la shoa par balles, sur la Grande terreur de 1937… Donc, pas de surprises, ou des remarques d'approximations ou d'inexactitudes. Enfin, c'est le premier livre de Grossman que je lis, et je n'ai donc pas lu
Pour une juste cause, roman où la majorité des personnages de
Vie et destin commencent leur histoire.
Tout ceci fait que cette critique est partielle : il y a une partie du texte que je n'ai pas suivi avec attention, perdu dans les personnages soit par leur nom, soit par le début de leur histoire raconté dans
Pour une juste cause. Et je n'ai pas eu, comme d'autres, de révélation sur le côté historique de ce qui est raconté.
Alors, que reste-t-il de ma lecture ? Une vision largement étendue de cette période de l'histoire russe. La bataille, encore qu'elle soit plutôt racontée par ce qui se passe en arrière du front, est décrite par toute une série de petites scènes, faisant comprendre l'état d'esprit et les conditions de vie de ces acteurs, petits ou grands, de la guerre. Et, constamment, le poids de la peur d'être dénoncé comme opposant au régime par un commissaire politique, par un proche, un collègue, un rival, par n'importe qui. La guerre se fait à coup de ténacité héroïque, et de bureaucratie envahissante, de rapports d'amitié et de suspicion. Et rien ne compte autant que d'être bien vu par le haut du système, par Staline lui-même : que l'on soit un héros militaire, un communiste dévoué et de la 1ère heure, ou le découvreur d'une nouvelle théorie atomique, rien ne vaut si l'on est suspecté de n'être pas dans la ligne du parti.
Des parties parfois simples, presque plates. Des parties sur les émois amoureux des personnages que je n'ai pas aimées, un peu théâtrales, est-ce l'esprit russe ? Une partie sur l'interrogatoire d'un ancien dénonciateur, qui se retrouve de l'autre côté assez poignante, mais pas autant que
le Zéro et l'Infini, d'
Arthur KOESTLER, une merveille.
Pourtant, je conseille ce livre, parce qu'il fonctionne grâce à son ampleur, 1000 pages. On en ressort imprégné par une société bien particulière, où aucun geste quotidien ne se fait comme nous en avons l'habitude, parler entre amis, faire ses courses, obéir ou adapter un ordre, les rapports hiérarchiques, les sournoiseries… On finit par vivre d'assez près un moment de l'histoire russe, dans toutes ses composantes. Les parties plus rares consacrées au côté allemand sont nettement moins convaincantes, sauf à arriver à les lire comme un témoignage de la façon dont les russes voyaient les allemands en 1942.
Et puis, certains paragraphes (le livre est une succession de courts chapitres) sont de toute beauté, qui surgit d'un coup, après des pages plus descriptives, où les personnages vivent leur vie comme ils le peuvent, sans que l'on s'ennuie mais sans passion. Des perles magnifiques, à rechercher dans le torrent de ces jours dévalant les 1000 pages.