Il n'y a sans cloute aucun pays où l'on s'occupe plus en ce moment des questions morales qu'en Angleterre. Depuis un siècle, de l'autre côté de la Manche, une partie de la vie intellectuelle a été absorbée par la discussion des doctrines utilitaires de Bentham. En outre, de nos jours, l'application à la morale des théories de l'évolution et de la sélection a de nouveau ému les esprits et suscité un redoublement d'activité ; sur ce point, des aperçus profonds de M. Spencer et plusieurs chapitres de M. Darwin ont fait époque et marqué l'apparition d'une morale vraiment nouvelle.
Les systèmes anglais dont nous entreprenons ici l'exposition, la critique et aussi la justification partielle, ont été longtemps accueillis avec grande défiance dans notre pays. Maintenant encore, malgré la réaction légitime qui se produit actuellement en leur faveur, beaucoup de gens tiennent ces doctrines pour suspectes, s'effrayent de leurs conséquences, et, comme ils les craignent, ils tâchent de les connaître le moins possible, de les réfuter avant même de les comprendre. Cette ignorance volontaire est fréquente : que de doctrines on combat ainsi par l'inertie, en leur opposant quelques vieilles objections rebattues sans vouloir les approfondir en. conscience !